atome

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec atomos, « indivisible ».

Physique

Plus petite partie de matière ayant les propriétés réactives d'un élément chimique. 1. Dans l'atomisme classique : corps matériel très petit et indivisible, séparé des autres par le vide. – 2. En physique, à partir du début du xxe s. : plus petite unité en laquelle la matière puisse être partagée sans libérer des particules chargées électriquement. Laissant de côté l'étymologie du mot, une part du programme de la physique microscopique a consisté à décrire les constituants et la structure interne de l'atome. Les principaux constituants en sont le proton (chargé positivement), l'électron (chargé négativement) et le neutron. La structure de l'atome, déterminée par diverses techniques de diffusion de rayonnement, apparaît sphérique et concentrique, avec un noyau formé de nucléons (protons et de neutrons) au centre, et un nuage d'électrons organisés en « orbitales » emboîtées à la périphérie. L'ordre de grandeur du diamètre d'un atome est 10–10 mètres.

Depuis l'Antiquité jusqu'au xviie s., le concept d'atome est resté dépendant d'un programme spéculatif d'explication de l'apparaître naturel, y compris qualitatif, par les figures, les combinaisons et les mouvements de petits corps insécables séparés par le vide. Il s'agissait, selon J. Perrin, d'expliquer du visible compliqué par de l'invisible simple. Mais vers la fin du xviiie s., le concept d'atome a aussi acquis une signification opératoire dans le cadre de la science chimique naissante. Le premier moment d'un tel basculement fut la formulation de la loi des proportions définies, par J.-L. Proust (1794), J. Dalton (1808), J.-L. Gay-Lussac (1809) et A. Avogadro (1811). Selon cette loi, des corps simples (ou éléments) ne peuvent s'unir pour former les composés chimiques qu'en proportions de poids déterminées. J. Dalton interpréta la loi des proportions définies comme manifestation indirecte de la structure atomique de la matière, et engagea un programme de détermination des poids relatifs des atomes. D.-I. Mendeleïev nota alors en 1869 qu'à quelques exceptions près(1), lorsque les éléments sont ordonnés selon leurs poids atomiques, une périodicité de leurs propriétés chimiques se manifeste. Cette remarque fut systématisée dans le tableau périodique des éléments.

La théorie cinétique des gaz, développée à partir du milieu du xixe s., fournit par ailleurs des valeurs plausibles de la dimension des atomes et de leur nombre dans un volume fixé de gaz. Se basant sur des mesures de la conductivité thermique et des coefficients de diffusion dans les gaz, interprétées en termes de libre parcours moyen des atomes (ou des molécules), J. Loschmidt fournit en 1865 des valeurs du diamètre d'un atome et du « nombre d'Avogadro ». Ce dernier était estimé à 6,022.1023 atomes pour 12 g de carbone.

La convergence ultérieure des déterminations du nombre d'Avogadro, évalué par des méthodes et sous des hypothèses théoriques variées, finit par convaincre la plupart des physiciens, y compris les plus réticents comme W. Ostwald, du bien-fondé du cadre de pensée atomiste. La description moléculaire satisfaisante du mouvement brownien par Einstein (1905) et par J. Perrin (1908), paracheva le consensus. Une nouvelle étape de l'histoire du concept d'atome s'ouvrait : d'un côté, celui-ci restait fixé par la signification opératoire que lui avait donnée la chimie du xixe s., tandis que, de l'autre côté, la physique poursuivait une recherche d'esprit atomiste des constituants indivisibles (ou dénués de structure) à des échelles sub-atomiques. Sur les deux versants, le concept d'atome perdait quelque chose de ses contenus initiaux. Sur le versant de la chimie, on admettait dès le xixe s. qu'un atome, bien qu'indivisible par des procédés réactifs proprement chimiques, pouvait s'avérer divisible par des procédés physiques. L'atomicité devenait ainsi relative à la méthode expérimentale. Sur le versant de la physique, la poursuite des constituants élémentaires dénués de structure spatiale s'est accompagnée d'une mise en question de plus en plus radicale de leur assimilation traditionnelle à des corpuscules.

Michel Bitbol

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Ces divergences ont été ultérieurement expliquées par la différence entre le numéro atomique, reflétant le nombre de protons chargés positivement, et le nombre de masse, reflétant le nombre total de nucléons.
  • Voir aussi : Bensaude-Vincent, B., et Stengers, I., Histoire de la chimie, La Découverte, Paris, 1993.
  • Perrin, J., les Atomes, Champs-Flammarion, Paris, 1991.
  • Pullmann, B., l'Atome dans l'histoire de la pensée humaine, Fayard, Paris, 1996.

→ antimatière, corpuscule, particule