analyse

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


En latin, analysis, du grec, id., « action de décomposer un tout en ses parties, de dissoudre ».


De son origine mathématique, l'analyse conserve l'idée d'un processus de réduction du complexe au simple. Si le doute cartésien implique l'activité analytique pour pouvoir passer d'une certitude à une autre, puis de recomposer ainsi en une chaîne complète le donné complexe dont l'exemple nous est donné par l'étude des polynômes, c'est avec Kant que l'analyticité des jugements se révèle être le signe d'une pensée du fini par le fini. Ainsi l'analyse est-elle comme l'expression d'une pensée qui enchaîne ses déterminations selon l'ordre d'un temps qui ne permettra jamais d'achever la connaissance phénoménale. Tant que l'activité philosophique se borne à décrire le contenu de propositions analytiques, elle demeure légitime, même si son contenu est aussi stérile que celui de la démonstration des égalités triviales telles que 1 + 1 = 2. C'est en se risquant à formuler des jugements synthétiques a priori que la pensée prend le risque d'un point de vue transcendant. Toute la philosophie contemporaine tient à la façon dont seront résolues les contradictions d'une pensée qui osera réinventer ou réfuter encore, après Kant, la métaphysique, c'est-à-dire le non-analytique.

Philosophie Générale

Produit de la décomposition en parties d'un donné complexe.

→ analytique / synthétique

Mathématiques

Dans la préface du livre VII de sa Collection mathématique, qui date du ive s., Pappus d'Alexandrie donne une fameuse définition de l'analyse, telle qu'elle est en usage chez les géomètres ; il s'agit d'une méthode pour parvenir, par des conséquences nécessaires, depuis ce qu'on cherche et qu'on regarde comme déjà trouvé, à une conclusion qui fournisse la réponse à la question posée, c'est-à-dire à une proposition connue et mise au nombre des principes. Au cœur de l'analyse, au sens pappusien, il faut donc reconnaître une modification de statut de l'énoncé conclusif. Cet énoncé, qu'il soit une proposition à démontrer ou une construction à réaliser, n'est pas connu ni certain, au début du raisonnement ; l'analyse consiste à le considérer « comme tel » et à en inférer des conditions nécessaires : « Pour que cet énoncé soit vrai, il faut que telle et telle condition soient réalisées, que telle et telle proposition soient vraies. » En retour, sous ces hypothèses et sous les principes généraux de la science géométrique, l'énoncé examiné et la construction envisagée sont rigoureusement démontrés ; à moins que les inférences ne conduisent à une contradiction, auquel cas la proposition sera démontrée fausse et la construction impossible.

Une remarque due à Castillon, dans l'Encyclopédie méthodique (article « Analyse », vol. 1, 45 a), affirme que « les anciens pratiquaient leur analyse à force de tête » car ils « n'avaient rien qui ressemble à notre calcul ». Il s'agit d'une reprise de la critique cartésienne de l'analyse des anciens, qui est « si astreinte à la considération des figures qu'elle ne peut exercer l'entendement sans fatiguer beaucoup l'imagination » (Discours de la méthode, II). Le remède, on le sait, sera fourni par l'algébrisation de la géométrie. En effet, ce que l'algèbre réalise en prenant en charge les grandeurs géométriques sous la forme des écritures littérales et de leurs combinaisons simples et automatiques (algorithmiques) constitue bien le noyau dur de l'analyse, au sens des anciens comme des modernes : donner un statut intellectuel et logique commun à ce qui est connu et à ce qui est inconnu. Les termes connus et inconnus d'un problème diffèrent seulement en ce que les premiers sont désignés par les premières lettres de l'alphabet (a, b, c...), et les autres, par les dernières (x, y, z...) ; le traitement « par l'entendement » des uns et des autres est identique et les inconnus sont, par la mise en équation, exprimés, décomposés selon les éléments connus. L'inconnu est alors soumis à démontage, déduction et dévoilement. On comprend ainsi que la géométrie algébrique cartésienne soit couramment désignée comme géométrie analytique (ce qui est inadéquat à l'histoire ultérieure des mathématiques).

Que l'algèbre ait fort à voir avec l'analyse, Viète en était si persuadé que son traité d'Algèbre nouvelle est intitulé Introduction en l'art analytique (1591). On trouvera, d'ailleurs, une illustration frappante de cette proximité dans la définition de d'Alembert à l'article « Algèbre » de l'Encyclopédie méthodique : « Dans les calculs algébriques, on regarde la grandeur cherchée comme si elle était donnée, et par le moyen d'une ou plusieurs quantités données, on marche de conséquence en conséquence jusqu'à ce que la quantité que l'on a supposée d'abord inconnue devienne égale à quelques quantités connues. » On perçoit bien ici la proximité avec la définition de l'analyse proposée par Pappus.

L'encyclopédiste persiste à l'article « Analyse » du même ouvrage en écrivant : « L'analyse est proprement la méthode de résoudre les problèmes mathématiques en les réduisant à des équations » ; ou encore : « L'analyse, pour résoudre tous les problèmes, emploie le secours de l'algèbre [...], aussi ces deux mots, analyse, algèbre, sont souvent regardés comme synonymes. »

C'est pourtant d'une sorte d'opposition dont le lecteur ou l'étudiant contemporain prend connaissance lorsqu'il envisage l'algèbre et l'analyse. La raison, d'ordre historique, est intimement liée à l'introduction des concepts et des méthodes infinitésimales en mathématique. En quelque manière, les quantités ou procédures algébriques sont demeurées attachées, sinon au fini, du moins au dénombrable, alors que l'étude du continu et des algorithmes infinitésimaux (limites, dérivées, intégration etc.) s'est annexé le domaine – en tout cas, le nom – de l'analyse. L'Introduction à l'analyse infinitésimale d'Euler (1748) a certainement joué un grand rôle dans ce processus de séparation. P.-J. Labarrière propose une description de cette situation en notant que, « par opposition à l'algèbre élémentaire, l'analyse s'attache non pas à construire l'objet de cette science, mais à explorer le donné dont elle traite » (article « Analyse », Encyclopédie philosophique universelle, « Les notions », vol. I, 85 a).

J. Dieudonné prend acte de cette compréhension contemporaine de l'analyse mathématique qui, dit-il, est « le développement des notions et résultats fondamentaux du calcul infinitésimal. [...] On fait de l'analyse lorsqu'on calcule sur des notions de limite ou de continuité » (article « Analyse », Encyclopaedia Universalis, 2, 7 c).

On ne peut toutefois manquer de signaler la contradiction entre ce déploiement de puissance de l'analyse mathématique (infinitésimale, ce qui va, désormais, sans dire) et l'idée originelle constitutive de l'analyse, de la décomposition du tout en ses parties composantes ; l'infini étant précisément cette chose où le tout n'est pas la somme des parties. Mais il est vrai que la théorie mathématique a su inventer des procédures réglées décrivant les rapports qu'entretiennent les différentielles et les infinis d'ordres distincts.

Vincent Jullien

Psychanalyse

Terme employé pour signifier « psychanalyse », dès Freud.

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