philologie

(latin philologia, du grec)

Établissement ou étude critique de textes, par la comparaison systématique des manuscrits ou des éditions, par l'histoire.

L'objet de la philologie est constitué par les textes écrits, aussi son champ est-il flou, à la frontière de la linguistique et de l'histoire littéraire. Ses véritables créateurs sont les savants groupés autour des bibliothèques rassemblées par les souverains hellénistiques, à Pergame et surtout à Alexandrie : Aristophane de Byzance, Aristarque, Zénodote, etc. Héritiers des sophistes, qui discutaient dans leurs écoles de l'interprétation des poètes et surtout d'Homère, ils se sont attachés à retrouver, dans la masse des variantes et des gloses, le texte authentique des grands écrivains du passé. Dès le iie s. avant J.-C., les Grecs introduisent cette science (et ses méthodes) à Rome : au ier s. avant J.-C., Varron fournit, dans son De lingua latina, un monument philologique qui restera un modèle jusqu'à la fin de l'Antiquité. Si les œuvres postérieures présentent moins d'originalité, elles ont le mérite de nous avoir transmis les œuvres antiques que nous connaissons. La renaissance littéraire du ive s. après J.-C. s'est accompagnée d'une étude fervente des Anciens que l'on édita avec des commentaires : par exemple celui de Servius sur Virgile ou celui de Macrobe sur le Songe de Scipion. Avec le christianisme, qui ramène tout écrit à l'Écriture, la philologie antique tombe, en Occident, dans l'oubli, mais elle survit à Byzance : ainsi les sommes lexicographiques de Photios (viiie s.) et de Suidas (xe s.), le commentaire des poèmes homériques par Eustathe de Thessalonique (xiie s.) ou l'édition complète des œuvres de Plutarque par Maxime Planude (1260-1330).

La Renaissance remet à l'honneur l'étude des Anciens et retrouve à cette fin les méthodes de la philologie antique, grâce en particulier à l'arrivée des savants byzantins chassés par la chute de Constantinople. D'autre part, l'impression et l'édition des textes conduisent tout naturellement à un travail de critique interne de ceux-ci, favorisé aussi par l'émergence du nouvel esprit scientifique : dès 1528, H. Estienne tient compte de la valeur respective des manuscrits qu'il imprime. À la fin du xvie s., Scaliger et Casaubon développent la méthode philologique et ajoutent à leurs éditions des listes de variantes (apparat critique). Cette critique formelle des textes connaît aux xviie et xviiie s. un développement brillant aux Pays-Bas (Vosius, Heinsius, Grotius) et en Angleterre avec Richard Bentley (1662-1742). Le xixe s. est dominé par la philologie allemande, représentée par C. Heyne (1729-1812), qui conçoit l'idée d'une « science de l'Antiquité » (Altertumswissenschaft), par F. A. Wolf (1759-1824) et ses disciples A. Boeckh (1785-1867) et K. Lachmann (1793-1851), qui affinent les techniques de la classification des manuscrits et de l'établissement des textes (méthode dite des « fautes communes »). Outre l'étude des textes eux-mêmes, le domaine de la philologie s'étend à celui de leur contenu (la langue,le style, l'environnement historique et culturel). Ainsi, à la fin du xixe s., le sens du mot philologie recouvre une certaine ambiguïté : si pour les uns c'est l'étude des documents écrits et de leur transmission, pour d'autres c'est « la science universelle de la littérature », ou bien « l'étude générale des langues ». En fait, la philologie, qui s'était constituée à l'époque de la Renaissance comme la première des sciences humaines, a fini par éclater, au fur et à mesure de l'émergence et de l'élaboration de celles-ci (histoire, linguistique, critique littéraire, stylistique). Son objet s'est à la fois restreint et précisé : aujourd'hui, l'étude philologique se réduit à l'établissement du texte, c'est-à-dire sa datation, son déchiffrement, sa critique interne (établissement des variantes et de la meilleure lecture), éventuellement son commentaire (références facilitant la lecture et appareil critique garantissant son authenticité). Toutes ces données peuvent être ensuite exploitées par l'historien, le critique littéraire ou le linguiste.