En outre, la brusque montée de la tension au Cachemire au printemps a permis de faire oublier les émeutes intercommunautaires qui ont visé les musulmans du Gujerat, État indien voisin du Pakistan, et pour lesquelles la responsabilité du gouvernement local BJP est directement engagée. Côté pakistanais, Pervez Moucharraf est aux prises avec un terrorisme interne attribué aux extrémistes islamiques, qui cherchent à le punir de son soutien à la lutte antiterroriste américaine et l'accusent de trahir la « cause nationale » que représente le Cachemire. En outre, il n'est pas impossible que les « djihadistes » pratiquant le terrorisme transfrontalier aient fini par s'affranchir de la tutelle de leurs mentors de l'ISI et du haut commandement de l'armée pakistanaise. La réponse à cette question est d'autant plus essentielle que M. Moucharraf s'apprête à institutionnaliser le rôle de l'armée dans la conduite de la politique pakistanaise en créant un Conseil national de sécurité où siégeraient les hauts responsables militaires...

Emmanuel Chicon

Une mosaïque de statuts politiques

Le Cachemire couvre un territoire de 220 000 km2 et est peuplé de 14 millions d'habitants. Les deux tiers, qui vivent du côté indien, se répartissent entre la vallée de Srinagar, le district du Jammu, au sud, en majorité hindoue, ceux du Ladakh et de Leh, à l'est, bouddhistes, et celui de Kargil, musulman chiite. Après avoir été placés sous l'administration directe de New Delhi en raison de l'insurrection cachemirie, les districts indiens peuvent de nouveau élire leurs députés à l'assemblée du Jammu-et-Cachemire ainsi qu'au Parlement indien depuis 1996. Au nord de la ligne de contrôle, les 85 000 km2 de territoires placés sous contrôle pakistanais regroupent l'Azad Cachemire, en majorité sunnite, et les « Territoires du Nord », chiites. Ces territoires ne bénéficient pas des droits et de la représentation dont jouissent les provinces pakistanaises. L'Azad Cachemire possède un gouvernement et un président, tous deux placés sous complète tutelle pakistanaise. Quant aux « Territoires du Nord », où se développent des mouvements autonomistes, ils sont également gouvernés par Islamabad, assisté d un conseil sans véritable pouvoir.