Journal de l'année Édition 2002 2002Éd. 2002

À vrai dire, s'il s'agissait de redresser les inégalités économiques mondiales, Porto Alegre était doté d'une crédibilité supérieure. Depuis 1989, en effet, la cité brésilienne est gouvernée sous le régime du « budget participatif » mis en place par le parti des Travailleurs qui dirige aussi, depuis 1999, l'ensemble du Rio Grande do Sul. Chaque année, les habitants des quartiers se réunissent en assemblées et décident dans quels domaines ils souhaitent investir : éducation, voirie, logement. Les quartiers pauvres obtiennent proportionnellement plus de ressources que les quartiers riches. Le système, transparent, évite la corruption et permet de réduire les coûts des investissements urbains d'environ 30 %. « À Porto Alegre, l'expérience des budgets participatifs dément l'idée selon laquelle la finance, pour être efficace, doit échapper au citoyen ou au politique », résume l'économiste italien Ricardo Petrella. Quant au forum, il s'est conclu par un appel de 150 délégués représentant autant d'ONG à prendre d'urgence trois mesures pour contrôler la libéralisation : annuler la dette du tiers-monde, taxer les transactions financières, interdire les paradis fiscaux. Malgré les apparences, le forum de Porto Alegre n'a pas tant demandé la mort de la libéralisation mondiale que son amendement.

Dans une économie désormais mondialisée, les États-nations n'ont plus guère de pouvoir d'intervention ; ce que Jean-Marie Messier, le P-DG de Vivendi présent à Davos, a subtilement résumé : « C'est important de savoir que dans les pays où l'on fait des affaires, les gouvernements ne vont pas nous pondre une loi à la c... » Tout l'enjeu des deux forums a alors consisté à savoir qui va prendre la relève et comment. Question hautement actuelle de la régulation du capitalisme mondialisé, à laquelle le titre du dernier ouvrage de l'économiste Elie Cohen semble donner un début de réponse : l'Ordre économique mondial, essai sur les autorités de régulation.

Benjamin Bibas

José Bové, indésirable à Porto Alegre ?

Il était venu, lui aussi, la moustache fringante et le regard déterminé, pour faire valoir une nouvelle fois la nécessité d'une « autre mondialisation ». Las, il avait celle fois-ci joint l'acte à la parole, participant le 26 janvier, en compagnie d'un millier de militants du Mouvement brésilien des sans-terre, à l'arrachage d'un champ de soja transgénique de la firme américaine de biotechnologie Monsanto, situé au nord de l'État de Rio Grande do Sul. Les autorités brésiliennes ne lui ont pas pardonné, lui signifiant un arrêté d'expulsion dans les 24 heures suivantes pour cause d'infraction au statut des étrangers. Décision annulée peu après, grâce au zèle de ses avocats brésiliens et à la réaction indignée de Guy Hascoêt, secrétaire d'État français à l'économie solidaire présent à l'Porto Alegre. Une décision saluée par les slogans des manifestants venus conclure le Forum social : « Nous sommes tous des José Bové! »