À cette liste il convient d'ajouter le télescope Hobby-Eberly, construit sur le mont Fowlkes, au Texas, à 1 980 m d'altitude, par un consortium d'universités américaines et allemandes, et inauguré en 1997. Son miroir primaire, formé de 91 segments hexagonaux de 1 m de large, équivaut à un miroir circulaire de 9,7 m de diamètre. Il collecte donc presque autant de lumière que chacun des télescopes Keck, mais il est beaucoup plus léger et il a coûté beaucoup moins cher. En effet, conçu principalement pour des recherches de spectroscopie, il n'a qu'un débattement limité : parfaitement mobile en azimut, il reste en revanche constamment braqué à une hauteur sur l'horizon voisine de 55°. Un autre télescope géant, de 12 m d'ouverture, destiné à un usage plus général, est en construction aux Canaries. Et, dans les cartons, existent des projets encore plus grandioses, de 25 m en Suède ou de 100 m à l'ESO !

Dans l'espace : l'après-Hubble

Déjà, les premiers représentants de la nouvelle génération de grands télescopes au sol – les deux Keck ; Antu et Kueyen (respectivement le Soleil et la Lune en langue mapuche), les deux premiers télescopes du VLT ; et Subaru – ont prouvé qu'ils pouvaient rivaliser avec le télescope spatial Hubble pour l'observation d'objets très faiblement lumineux. Hubble, grâce à sa situation en orbite, échappe aux perturbations de l'atmosphère et obtient des images d'une très grande résolution angulaire (c'est-à-dire sur lesquelles on peut distinguer de très fins détails), mais sa sensibilité reste limitée par son diamètre de 2,4 m, qui lui confère une surface collectrice très inférieure à celle des supertélescopes au sol. Ainsi, par exemple, un spectre de galaxie obtenu en trente minutes avec les télescopes Keck exige plus de huit heures d'intégration avec Hubble, qui collecte environ seize fois moins de lumière. La moisson de découvertes inscrites à l'actif de Hubble ne saurait, par ailleurs, faire oublier le coût véritablement « astronomique » de cet instrument : quelque 10 milliards de francs, auxquels s'ajoute le coût des missions de maintenance périodiques à l'aide de la navette spatiale (la troisième a eu lieu à l'automne 1999, une quatrième est prévue en 2001), contre 500 millions de francs seulement pour chacun des télescopes Keck.

Tous les spécialistes s'accordent à penser aujourd'hui que l'avenir de l'astronomie passe par une complémentarité entre les instruments au sol et les instruments spatiaux, ceux-ci devant être conçus en priorité pour accomplir des missions que ceux-là ne peuvent remplir. La carrière de Hubble devrait s'achever vers 2005 et, déjà, la NASA songe à son successeur, le NGST (Next Generation Space Telescope). Les études préliminaires envisagent un instrument doté d'un miroir segmenté ultraléger de 6 à 8 m de diamètre. Sa construction pourrait commencer en 2003, en vue d'un lancement vers 2007 pour une durée de vie opérationnelle de dix ans.

Pour limiter les vibrations dues aux variations thermiques et gravitationnelles, et faciliter ainsi les opérations de pointage, ce télescope sera mis en orbite loin de la Terre, vraisemblablement à proximité de l'un des points de Lagrange du système Terre-Soleil (où un satellite peut rester stable sous l'attraction gravitationnelle conjuguée de la Terre et du Soleil), à 1 500 000 km de notre planète dans la direction opposée à celle du Soleil. Opérant à des longueurs d'onde comprises entre 0,6 et 20 mm, et plus particulièrement destiné à l'imagerie et à la spectroscopie dans l'infrarouge, il sera parfaitement complémentaire des très grands télescopes terrestres et des autres observatoires spatiaux infrarouges de la fin des années 2000. La décennie suivante verra peut-être se réaliser d'autres rêves des astronomes : l'implantation d'un télescope sur la Lune, pour bénéficier des longues nuits et de l'absence d'atmosphère qui caractérisent notre voisine céleste, ou la mise en orbite d'un ensemble de télescopes constituant un gigantesque interféromètre optique d'une sensibilité sans précédent.

Philippe de La Cotardière
Rédacteur scientifique