Journal de l'année Édition 1995 1995Éd. 1995

Généralement caractérisées par la pauvreté du dialogue politique, les relations franco-japonaises ont connu un sursaut : en avril, pour la première fois en six ans, un ministre des Affaires étrangères français, Alain Juppé, s'est rendu à Tokyo en visite bilatérale, tandis qu'en septembre le couple impérial a effectué une visite à Paris. Une visite qui a illustré la volonté diffuse des autorités japonaises de faire jouer au monarque un rôle de plus en plus politique et relancé dans la presse la polémique sur la « diplomatie impériale », à la suite de l'évocation par le président Mitterrand de la question de l'entrée du Japon au Conseil de sécurité. Depuis son avènement, l'empereur s'est rendu en Asie du Sud-Est, en Chine, en Europe et aux États-Unis (juin 1994).

Sur le plan économique, l'année 1994 aura été marquée pour le Japon par la sortie de la plus longue récession (commencée en mai 1991) qu'il ait traversée depuis la période de haute croissance des années 60. Après une phase de croissance très rapide entre 1987 et 1991, l'éclatement de la « bulle financière » (alimentée par les spéculations boursière et immobilière), qui s'était traduite par une augmentation considérable des capacités de production, fut suivi d'une période de douloureux mais nécessaires réajustements.

Au cours de l'été 1994, l'économie a donné les premiers signes d'une reprise : augmentation des dépenses de consommation (+ 2,8 % en juillet), amélioration de l'indice de production et meilleure confiance des entrepreneurs. Les investissements qui continuent à stagner et un taux de chômage faible par comparaison avec les autres pays industrialisés, mais préoccupant pour le Japon (3 %), sont les deux ombres de cette reprise qui sera lente, étant donné l'absence de moteurs suffisamment puissants.

Les plans de relance successifs (quelque 45 000 milliards de yens ont été injectés dans l'économie entre 1992 et 1994, soit 10 % du PNB...) et les investissements publics engagés ont surtout eu pour effet de soutenir le niveau d'activité, mais, dès l'automne, leurs effets touchaient à leur fin sans que les autres composantes de la demande ne prennent encore le relais, et l'on peut se demander si la consommation des ménages, stimulée par la réduction des impôts de l'été, continuera à progresser, étant donné l'aggravation des tensions sur le marché de l'emploi et le tassement de la croissance des salaires et des primes. Les abattements d'impôts sur le revenu (au total, 5 500 milliards de yens) devraient accroître les dépenses de consommation de 1 %. La déréglementation sauvage par des entreprises qui court-circuitent les réseaux traditionnels de distribution et cassent les prix encourage par ailleurs la consommation.

Bien que l'Agence de planification prévoie une croissance de 2,4 % pour l'année fiscale 1994 (qui s'achève en mars 1995), la plupart des instituts de recherche restent sceptiques au regard des résultats du second trimestre (1,6 %).

La pression sur le yen (qui a franchi le seuil psychologique des 100 yens pour 1 dollar au cours de l'été) a continué à entamer la compétitivité des produits japonais sur les marchés étrangers et constitue certes l'une des ombres pesant sur la reprise. Il reste que, si la demande extérieure a contribué à soutenir la conjoncture, le Japon a surtout bénéficié du dynamisme de la région, foyer de croissance, et de la reprise des économies américaine et européenne. Aussi l'excédent commercial nippon (en particulier avec les États-Unis) ne s'est-il pas réduit : il devrait atteindre 125 milliards de dollars au cours de l'année fiscale 1994, enregistrant une progression de 4 milliards par rapport à l'année précédente.

Au cours du second trimestre, les exportations avaient crû de 2,5 % et l'on s'attend, sur l'ensemble de l'année, à une croissance de + 9,4 % (en 1993, les exportations s'étaient chiffrées à 360 milliards de dollars), tandis que les importations (240 milliards de dollars) croîtront plus vite (+ 12,4 %). C'est donc encore la demande externe qui semble le mieux à même de favoriser la reprise – avec les tensions que cela implique dans les relations du Japon avec ses partenaires.