Journal de l'année Édition 1995 1995Éd. 1995

Restait enfin à régler la délicate question de la tâche dévolue à Air Inter. En septembre, M. Blanc annonce que, en 1997, le CDR Europe d'Air France fusionnera avec Air Inter pour donner naissance à une nouvelle compagnie, riche de l'expérience moyen-courrier de l'une et de la rentabilité de service de l'autre.

Concurrence

Air France doit résister aux coups rudes que lui inflige la concurrence – celle-là même qui sanctionne sa lourdeur de gestion et son manque de rentabilité. La compagnie est désormais attaquée sur ses lignes les plus rentables puisqu'elles étaient protégées par un monopole.

Après les Antilles et la Réunion, la Nouvelle-Calédonie voit désormais atterrir des avions de Corsair, filiale de Nouvelles Frontières, et d'AOM (Air Outre-Mer). Les nouvelles venues espèrent réitérer leur succès polynésien, où le nombre de touristes avait progressé de 62 % avec leur arrivée à Papeete. Cette concurrence fait chuter le prix des billets et augmenter le nombre de vols entre les îles et la métropole. Air France parle alors de surcapacité et réduit son activité sur place.

La bataille est également vive sur la ligne Paris-Orly/Londres-Heathrow. Forte de l'injonction faite par la Commission européenne à la France d'ouvrir cette ligne aux compagnies étrangères, British Airways annonce son arrivée pour le mois de mai. Le ton monte. Il est question de « guerre du ciel » entre les autorités britanniques, sûres de leur bon droit, et françaises, prises au dépourvu. Finalement, un accord est obtenu pour qu'Orly soit libre à la concurrence quelques semaines plus tard. L'enjeu est de taille car Orly est la porte d'entrée sur le marché intérieur français, qui devra s'ouvrir, à terme, à British Airways comme à toutes les autres compagnies européennes. Des lignes vitales pour Air Inter, comme Paris-Marseille et Paris-Toulouse, doivent ainsi accéder à la concurrence d'ici 1996, et Air Inter sait que sa survie dépend de sa capacité à profiter du délai dont elle dispose encore pour affronter les compagnies européennes.

Concorde

Le bel oiseau fait peau neuve. Air France À dépensé 1,25 million de francs par appareil ; British Airways, 8,8. Pour 36 340 francs, l'aller et retour Paris-New York ou Londres-New York, on offre au passager un nouveau confort. Pour les supersoniques d'Air France, c'est la styliste Andrée Putman qui a décliné un code de gris et de blanc. British Airways gagne de l'argent avec ses Concordes, alors qu'ils coûtent 15 % de plus qu'ils ne rapportent à Air France.

Trafic aérien

Le transport aérien redécolle après 3 ans de vaches maigres dus à la guerre du Golfe. Globalement, les compagnies accueillent 8 % de passagers de plus en 1994. L'IATA (Association du transport aérien international) prévoit que le trafic aérien international devrait progresser en moyenne de 6,6 % par an d'ici 1998, avec une hausse plus marquée en Asie. Du coup, les compagnies aériennes qui avaient perdu 15,6 milliards de dollars au cours des 4 dernières années sont nombreuses à sortir du « rouge ».

British Airways

Tandis que ses concurrentes européennes commencent seulement à voir leur situation se rétablir, British Airways affiche, en 1994, une santé toujours plus insolente, jouissant d'une rentabilité qui la range parmi les compagnies les plus compétitives du monde. Pourtant, l'entreprise britannique revient de loin : à la fin des années 70, un déficit chronique, une image désastreuse et des effectifs pléthoriques semblaient la vouer à une faillite certaine. British Airways s'engage alors dans un « plan de survie » qui lui fera remonter la pente tout au long des années 80 – au prix de licenciements massifs et grâce à des gains de productivité remarquables. Mais le succès du transporteur britannique n'est pas seulement dû à l'application stricte des principes de l'ultralibéralisme. Avant d'être privatisée en 1987, la compagnie avait bénéficié d'une aide gouvernementale de plus de 3 milliards de francs. Redoutée par ses concurrentes, appréciée par les usagers, British Airways peut aujourd'hui abattre ses cartes au terme d'une longue décennie de restructurations et afficher des ambitions à la hauteur de ses résultats : pénétration du marché européen grâce à une politique commerciale agressive et, à la faveur de la déréglementation du ciel européen, mise sur pied, d'autre part, d'un véritable réseau international au moyen d'alliances et d'acquisitions.

Pollution

Les avions civils modernes sont moins polluants que les trains à grande vitesse. C'est ce que révèlent des études comparatives rapportées par Airbus Industrie. À 300 m d'altitude, les petits appareils (B-737, A-320...) engendrent un bruit de 80 décibels lors du décollage contre 93 pour les TGV passant à 300 km/h à une distance de 100 m. Ils sont également plus sobres puisque leur consommation est de 30 % inférieure à celle du train. Quant à la superficie réservée à l'infrastructure nécessaire à l'aviation, elle n'atteint que 8 % de celle requise pour les transports ferroviaires et routiers.

La route

Alors que les Suisses sont 52 % à s'être prononcés pour que les camions circulent sur des trains à partir de 2004, au nom de la défense de l'environnement, la France est très loin du compte. Les deux tiers des marchandises (150 milliards de tonnes-km) sont transportées par la route. Le « tout routier » se confirme au regard du montant des investissements en matière d'infrastructures : sur 90 milliards de francs annuels, près de 60 % sont consacrés aux routes et aux autoroutes. De plus, l'État a annoncé qu'il allait accélérer le programme autoroutier dans les 10 ans à venir par une progression des emprunts de 30 %. Le choix de la route au détriment des autres moyens de transports offre l'avantage financier de pouvoir rembourser les emprunts grâce aux revenus des péages.

Philippe Lecaplain
Journaliste à Radio France Internationale