À l'UDF et au RPR, en revanche, l'attitude de François Mitterrand sur ce point précis est commentée positivement. Devant la crise de la détente, le néogaullisme évolue dans un sens à la fois plus atlantiste et plus européen. Et Valéry Giscard d'Estaing (à plusieurs reprises) et Raymond Barre donnent là-dessus raison à François Mitterrand et adoptent des positions assez convergentes. Ainsi, après le sommet de Williamsburg réunissant les sept grands pays industriels, voit-on l'opposition apprécier plutôt favorablement une solidarité atlantique marquée que le parti communiste désapprouve publiquement. À l'occasion de cette session, le chef de l'État a reçu à l'Élysée les leaders des quatre grands partis et, pour la première fois depuis 1981, son prédécesseur Valéry Giscard d'Estaing, dont l'analyse sur les euromissiles, formulée dans un article remarqué publié par le Monde, diffère assez peu de la sienne.

De même, la loi de programmation militaire et surtout la mise sur pied d'une « force d'intervention rapide » de 47 000 hommes ne soulèvent pas d'objection majeure au centre et à droite, sinon pour regretter la faiblesse des moyens financiers. En revanche, quand le chef de l'État prend des distances avec les États-Unis à propos de l'Afrique ou blâme carrément Washington lors du débarquement américain dans la petite île de la Grenade, l'opposition le déplore. En 1983, sur l'alliance atlantique, la proximité paraît évidemment plus grande entre François Mitterrand et l'opposition qu'entre le chef de l'État et le parti communiste.

L'engagement en Afrique francophone

Même si le parti communiste proclame soudain en fin d'année (à la veille du sommet PC-PS du 1er décembre) son accord « quasi total » avec la politique étrangère du président de la République, ses réserves sur les deux autres principaux champs d'intervention de la France paraissent à peine moins vives. L'influence de la France en Afrique passait inévitablement (même si cela chagrinait les consciences socialistes) par la garantie militaire des régimes attaqués de l'extérieur. Or c'est ce qui se produit dans l'un des plus faibles et des plus instables d'entre eux, le Tchad, dépourvu de ressources, divisé en factions rivales, traversé de haines ethniques et surtout exposé aux interventions de plus en plus ouvertes de la Libye du colonel Kadhafi. Dès son voyage en Afrique en janvier (au Bénin, au Togo, au Gabon, puis au Maroc), le président français peut mesurer l'inquiétude de ses hôtes, tous soucieux de stabilité régionale. Or l'appui important et même l'implication directe de la Libye aux côtés des rebelles menacent de plus en plus le gouvernement légal mais contesté d'Hissène Habré. La situation militaire empire, tout le nord du Tchad tombant aux mains des troupes antigouvernementales et de leurs alliés libyens, et Paris doit — malgré sa répugnance visible et les soupirs du Quai d'Orsay — intervenir de plus en plus : livraisons de matériel, envois d'« instructeurs », puis de troupes, enfin d'aviation. Les États-Unis incitent de leur côté, avec une insistance parfois maladroite, Paris à soutenir Hissène Habré, d'où quelques mots entre François Mitterrand et Ronald Reagan. Le renfort français permet de constituer une dissuasion suffisante pour stabiliser le front. Les États noirs francophones modérés se félicitent de cette démonstration de force, que regrettent en revanche les États progressistes, comme le démontrera à l'automne le sommet franco-africain de Vittel. Le réalisme de l'Élysée l'emporte ainsi sur les réserves idéologiques de la gauche. Les négociations se renouant entre Tchadiens, les inquiétudes de la gauche s'apaisent. L'opposition a brocardé les tergiversations de l'exécutif (bien qu'elle ait connu elle-même au pouvoir plus d'un mésaventure au Tchad) ; le PCF a redouté à voix haute « l'engrenage » d'une intervention militaire.

La poudrière du Moyen-Orient

Cas de figure assez comparable à propos du Moyen-Orient. La France y est présente de deux manières sur les deux principaux fronts : la guerre Iraq-Iran et le Liban. Dans les deux circonstances, son intervention suscite force polémiques. Paris soutient l'Iraq (plus que ne le fait aucun autre État occidental) dans ce conflit déclenché à l'origine imprudemment par Bagdad. La France entend ainsi aider un client commercial important (et garantir sa solvabilité), défendre l'équilibre régional et honorer sa parole, d'ailleurs engagée sous le septennat précédent. Cela conduit notamment le président de la République à confirmer la livraison (d'abord démentie puis reconnue) de cinq avions Super-Étendard.