Troisième aspect : si les élus locaux voient s'accroître leurs pouvoirs et leurs droits, en contrepartie ils ont des devoirs et ne peuvent faire n'importe quoi, notamment avec l'argent des contribuables : dans ce but, il est institué dans chaque région une chambre régionale des comptes comprenant, au minimum, un président et deux assesseurs, qui sont des magistrats inamovibles. Cette chambre examinera les comptes des comptables publics des collectivités locales et régionales et vérifiera la régularité des recettes et des dépenses.

Le 21 avril, le gouvernement a approuvé deux projets de loi, l'un sur l'organisation des chambres régionales des comptes, l'autre sur le statut des magistrats qui y exerceront leurs fonctions. Elles seront au nombre de 24 (une pour chaque région de métropole, une pour Mayotte et la Réunion, une pour Antilles-Guyane, le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon restant à trancher).

Enfin, que vont devenir les préfets, qui s'appelleront probablement commissaires de la République ? Par rapport au régime antérieur, il n'y a pas de modification concernant la police, puisque l'ordre public et la sécurité relèvent toujours des compétences du représentant de l'État.

Mais ce dernier verra — au niveau de la région et du département — s'accroître ses pouvoirs sur l'ensemble des services de l'État, sauf les affaires étrangères, l'éducation nationale, la justice, l'armée. Si la décentralisation consiste à prendre une partie du pouvoir au gouvernement pour le répartir entre les régions, les départements et les communes, la déconcentration (qui doit aller de pair avec la décentralisation) consiste, elle, à prendre du pouvoir à Paris et à le confier aux fonctionnaires de l'État installés en province : les préfets sont les mieux à même d'assumer cette cohérence et cette coordination. Ainsi, les dossiers qui auront été étudiés par les élus pourront être réglés rapidement, sur place, sans avoir besoin de remonter à Paris. En cas de divergences entre un élu et un fonctionnaire, c'est le préfet, érigé en patron de tous les services ministériels dans le département et la région, qui tranchera.

Ainsi sera mis fin, du moins le gouvernement l'espère-t-il, aux féodalités administratives, celle de l'équipement, de l'agriculture, des PTT, des services sanitaires et sociaux ou autres qui, de Lyon, Lille ou Bordeaux, avaient coutume de traiter directement avec leurs correspondants des services parisiens, en court-circuitant le préfet. Si ce dernier abandonne, d'une main, un peu de ses pouvoirs aux élus, en revanche, de l'autre, il en reprend à l'administration traditionnelle.

Le gouvernement a d'ailleurs approuvé au conseil des ministres du 28 avril les deux décrets fixant les pouvoirs des commissaires de la République, dans le département et la région. L'une des dispositions les plus importantes de ces textes veut que le commissaire soit l'unique ordonnateur secondaire des services extérieurs de l'État, c'est-à-dire qu'il sera seul à pouvoir engager des dépenses de l'État (sauf s'il délègue, pour des dépenses mineures, sa signature à des chefs de services ou à des directeurs).

Corse

C'est une affaire entendue et la loi le reconnaît, le proclame : la Corse est une région métropolitaine très spécifique de par sa situation géographique, sa culture et ses mœurs. Et elle mérite de ce fait un statut particulier.

C'est ce qu'a consacré la loi du 2 mars 1982 portant statut particulier de la Corse. L'assemblée régionale sera composée de 61 conseillers élus au suffrage universel, le 8 août 1982, pour six ans, au scrutin de liste et à la représentation proportionnelle. Fin juin, on recensait une quinzaine de listes qui pourraient briguer les suffrages des électeurs, dont deux constituées de personnalités nationalistes et autonomistes.

Cette assemblée aura des pouvoirs plus larges que les autres conseils régionaux continentaux : elle pourra, en effet, adresser au Premier ministre des propositions de modification ou d'adaptation des dispositions législatives ou réglementaires pour tout ce qui concerne les secteurs culturel, économique, social et les services publics.