En novembre, Jean Ferrat revient de sa retraite ardéchoise avec un nouveau disque. Sur ce dernier, une chanson Le bilan — une critique assez vive de l'autosatisfaction de certains milieux communistes — provoque quelque émotion : Ferrât ne craint pas de prendre l'actualité à bras le corps. Et, lorsque paraît l'intégrale de son répertoire — 113 chansons, réenregistrées avec les techniques les plus modernes —, Jean Ferrât se voit couronné par l'Académie Charles-Cros pour la qualité et l'opportunité de sa réalisation.

Tout comme Catherine Ribeiro, qui trouve avec son disque La déboussole une nouvelle distinction, en même temps qu'une consécration parisienne : elle est à l'affiche du Théâtre de la Ville, huit jours en janvier.

Sourire

Les fêtes de fin d'année posent quelques bulles de couleurs sur une ambiance quelque peu crispée. Heureusement, Guy Béart apporte un sourire bienvenu sur un refrain de circonstance : Bonne année, bonne chance promet-il sans malice aux rondes qui se forment autour des sapins de Noël de la décade nouvelle. Pendant ce temps, Chantai Goya berce le public en cols marins et barboteuses de couplets qui associent les vieux mythes (Mon ami Guignol, Bécassine) à une synthèse contemporaine des contes de fées (Le soulier qui vole). Dans un genre bien différent. Joan Baez offre à la ville de Paris une veillée de Noël de grande qualité : son récital est diffusé sur TF1 le 4 janvier. La Brésilienne Nazare Pereira donne, quant à elle, le 27 octobre à l'Olympia, puis le 27 février à la salle Wagram, une démonstration pleine de santé de ce que représente la fête du carnaval dans sa patrie.

Mais la trêve est vite rompue : Coluche s'annonce candidat aux élections présidentielles françaises dès le début de l'année. Au même moment, Guy Bedos fait sa rentrée à Bobino, et son spectacle devient rapidement une tribune politique où l'ironie se fait corrosive et directement accusatrice, dans la tradition des bouffons d'autrefois. Son spectacle, qui connaît un grand succès, s'achève au soir du second tour de l'élection présidentielle, dans une liesse qu'il anime sans ambiguïté aucune. L'impertinence des comiques serait-elle devenue la troisième force ?

Rien, ou presque, ne modifie le parcours de cette saison. Ni le MIDEM (Marché international du disque et de l'édition musicale) qui, à Cannes, fin janvier, distribue des médailles à des talents reconnus depuis longtemps (les Hexagones de FR3). Ni le Printemps de Bourges (4-12 avril), terne et sans surprise, contrairement à ses ambitions de naguère, même s'il fait entendre des artistes de qualité : Julien Clerc, Georges Moustaki, Marie-Paule Belle, Bernard Lavilliers. Ni les mesures, rendues publiques le 27 février par Jean-Philippe Lecat, alors ministre de la Culture, en faveur de la chanson française : subventions aux festivals, création d'un Comité de la chanson française et d'un « centre de formation supérieure des variétés ». Ni, enfin et surtout, le 4 avril, à Dublin, un prix Eurovision de la chanson, médiocre, hélas, une fois de plus, qui couronne le groupe anglais Bucks Fizz pour une œuvrette dénuée de toute originalité : Making your mind up.

Succès

Il faut tendre l'oreille du côté de l'Olympia où Richard Gotainer (Primitif, Chipie) se produit aux côtés d'Eddy Mitchell, en novembre, pour respirer un air rafraîchi. Ce publicitaire, en effet, connaît l'art du langage direct, bref et imagé, celui dans lequel Alain Souchon — actuellement occupé par le cinéma — a trouvé son style et taillé ses premiers succès. Dans la même salle, quelques semaines plus tard, François Béranger, longtemps considéré comme marginal, triomphe : ce défenseur des cibistes (Canal 19) pourfend le monopole dans le même temps où la radio nationale retransmet son récital. Au Théâtre de la Ville, décidément haut lieu de découverte, Gilbert Laffaille (Kaléidoscope, Trucs et ficelles) égrène un scepticisme subtil mais puissant, tandis que Mannick, au Forum des Halles, expose la cause des femmes sur le mode non violent : des milliers d'adeptes sont au rendez-vous.