En conclusion, le niveau de vie a continué à s'élever pendant le septennat, malgré la crise ; parallèlement, la tendance à la réduction des inégalités apparue depuis 1968 s'est intensifiée, d'abord, avec la fermeture de l'éventail des salaires et la réhabilitation du travail manuel, ensuite avec la redistribution opérée par les transferts sociaux. Jugement qui doit cependant être nuancé par l'enrichissement qu'a procuré l'inflation aux non-salariés et aux détenteurs de patrimoine.

Prix

La hausse des prix, en effet, n'a pu être ramenée significativement au-dessous de 10 % l'an, ce qui dépasse la moyenne des autres pays. C'est la rançon, justement, du « maintien » du pouvoir d'achat et du renflouement des entreprises, deux objectifs contradictoires. Non seulement l'indexation n'a pas été rompue, mais les prestations sociales sont venues à la rescousse et il a fallu les financer. Bien que la pression fiscale de l'État soit restée pratiquement stable, la part totale des prélèvements dans le PIB a ainsi augmenté de 7 points en 7 ans, un record.

Le partage de la valeur ajoutée est donc resté défavorable aux entreprises ; les comptes de la nation ne font apparaître aucun redressement depuis 1975 (cœur de la crise), ce qui relativise les considérations sur « l'argent gagné par les patrons » ou « le doublement des profits ». Cet alourdissement constant des charges a entretenu la pression à la hausse des barèmes, encore que l'État ait bien plus relevé les tarifs publics que les firmes redevenues maîtresses de leurs prix. La libération de ceux-ci n'a pas provoqué de dérapage, une fois décompté l'effet du pétrole, dans l'industrie. Mais il n'en est pas allé de même dans les secteurs protégés de la concurrence : il n'y a pas que les salaires qui sont indexés, voire surindexés, il y a aussi les marges des commerces et services.

Compétitivité

Jusqu'à l'élection, la persistance de l'inflation n'a pas mis en péril le franc, malgré un déficit extérieur record, dû au pétrole, mais aussi à notre excès (relatif) de consommation. Après la chute qui a sanctionné le laxisme du gouvernement Chirac, la monnaie n'a pas bougé — même dans la tourmente du début 1981, et ce peut être un hasard : cette stabilité reflète la maîtrise du déficit budgétaire, de la masse monétaire et des coûts, mais aussi, plus profondément, le redéploiement à l'œuvre dans l'économie française.

Notre compétitivité nominale a souffert d'un taux de change stable cumulé à une inflation supérieure aux autres, mais cela n'a pas empêché — au contraire — l'adaptation de notre appareil de production. Les restructurations défendent la productivité, renforcent les activités d'avenir ; la libération des prix, la réorientation de l'épargne vers les emplois productifs, le réveil de la Bourse favorisent les investissements ; l'indépendance énergétique gagnée par l'effort nucléaire et les économies desserre la contrainte extérieure ; au total, ce sont les comportements eux-mêmes qui ont changé : moins assistés, plus autonomes eux aussi, et n'est-ce pas le plus important ?

Le bilan du septennat s'éclaircit donc quand on le rapporte non plus à nos propres performances passées, mais à celles des partenaires. Si le critère reste, comme le disait un ancien ministre des Finances, de « ne pas faire plus de bêtises que les autres », on observe même une amélioration au cours du septennat. La preuve en est notre plus grande résistance au second choc pétrolier qu'au premier (d'ampleur équivalente) : récession évitée, franc tenu, comportements responsables. Cet affermissement contraste avec la dégradation de la situation apparue d'un choc à l'autre dans les autres pays et notamment en Allemagne. En résumé, nous avons, jusqu'ici, tenu notre rang. Dans un monde plus dur, nous sommes même parvenus à nous renforcer.

Bref, Giscard a corrigé ses premières erreurs. Mais il a laissé en souffrance le grand chantier des réformes de structures. Or, nos rigidités sont telles qu'elles affaiblissent le combat contre l'inflation et le chômage, ces deux fléaux que le septennat a légués au suivant.