De son côté, Joël Le Theule conclut à la lecture du budget qu'« on peut se demander s'il est possible d'entretenir une armée de 580 000 hommes, de l'entraîner convenablement et de l'équiper avec des matériels modernes, étant donné le poids des dépenses de personnel ». Un tel jugement rejoint l'avis exprimé, le mardi 19 avril 1977, par le général Maurice Saint-Cricq, chef d'état-major de l'armée de l'Air, selon lequel « le budget de 1977 est le plus difficile et le plus mauvais que l'armée de l'Air française ait connu depuis longtemps ». Trois semaines auparavant, le chef d'état-major de la Marine nationale, l'amiral Jean Lannuzel, avait émis des doutes sur la capacité (faute de moyens financiers et techniques) d'assurer en permanence le contrôle de zones économiques portées à 200 milles par décision gouvernementale, le 12 février 1977.

Dissuasion

Le débat entre partisans de la conscription et adeptes de l'armée de métier divise, surtout, la majorité. À gauche, en effet, on s'en tient à la thèse du service militaire universel et obligatoire, telle qu'elle apparaît dans le Programme commun, dans sa première version de 1972. Mais, depuis la date de cette signature, les circonstances ont évolué, et nombreux ont été les chefs militaires à faire observer à la gauche que l'existence d'un service militaire de six mois reviendrait à transformer l'armée en une école de formation permanente du contingent, au risque d'amoindrir l'efficacité opérationnelle et la disponibilité permanente des forces de combat.

C'est la raison pour laquelle, chacun pour soi, le PS et le PCF ont lancé des études, au début de 1977, pour tenter de définir la nouvelle organisation d'un service militaire qui ne serait plus fondé sur une durée de six mois. Les premières analyses connues de ces deux partis font apparaître la conception d'un service militaire qui reposerait sur une période de formation de six mois, précédée par une période de préparation militaire et suivie par une période de réserve. Le service militaire durerait huit ou neuf mois.

Socialistes et communistes ont entrepris de réviser leur attitude sur la dissuasion nucléaire. Mais, pour l'instant, aucun des deux signataires du Programme commun n'a officiellement demandé la renégociation ou la réactualisation de ce texte sur les problèmes de la défense nationale.

Au comité directeur du PS, le 7 novembre 1976, les trois rapporteurs désignés, Robert Pontillon, Jean-Pierre Chevènement et Charles Hernu, estiment que « la gauche au pouvoir devra tenir compte du fait nucléaire », dans le but de sauvegarder « l'autonomie de décision » de la France.

Le PC se rallie le 11 mai, à la force nucléaire. Tant Jean Kanapa que Georges Marchais ont estimé que l'armement nucléaire était actuellement le « seul moyen de dissuasion réel » au service de l'indépendance nationale et qu'il convenait même de le perfectionner, compte tenu, par ailleurs, de la faiblesse de la défense classique de la France. On est loin du Programme commun de gouvernement qui prescrivait la renonciation « à la force nucléaire stratégique, sous quelque forme que ce soit, et l'arrêt immédiat de sa fabrication ».

Prenant note, le 18 juin 1977, à Mailly-le-Camp (Aube), de l'évolution de la gauche sur le nucléaire, Raymond Barre affirme que, d'ici 1982, la capacité de la force nationale de dissuasion sera quadruplée. Il rappelle que la dissuasion s'applique à la défense du territoire national et à celui des voisins et alliés de la France. Il envisage que, dans des cas extrêmes, l'arme nucléaire tactique puisse être utilisée avec les forces d'action extérieures dans des zones lointaines (Méditerranée, océan Indien) pour protéger les intérêts français.

Le Premier ministre affirme que le gouvernement ne saurait être engagé par les propos du général Méry sur la nécessité pour la France de compléter la crédibilité de sa force nucléaire avec la possession de satellites militaires et de missiles croisières. Le 21 mars 1977, à l'Institut des hautes études de défense nationale, le chef d'état-major des armées avait indiqué que la mise au point de ces engins était à notre portée. Raymond Barre déclare, en termes assez fermes à Mailly, que c'est au gouvernement, en régime démocratique, de trancher cette question.