La confusion s'installe dans les esprits, et les démons anciens réapparaissent : on constate à nouveau l'existence de la publicité clandestine à travers les dramatiques, les reportages sportifs et les informations. Une lettre du ministre de tutelle des sociétés de programmes à l'époque, André Rossi, confirme cette inquiétude : elle adresse un avertissement aux présidents des trois chaînes.

« On ne fait pas de télévision innocemment », se plaît à répéter Marcel Jullian, président d'Antenne 2. Le public semble pourtant en subir les effets en toute candeur. Un sondage publié par l'Express à la fin de 1976 montre que la TV reste la distraction préférée de 76 % de Français et que c'est sur le petit écran et non dans les salles obscures que 59 % voient plusieurs films par semaine.

Et, pourtant, au moment de cette consultation, le téléspectateur ne dispose pas d'une télévision au mieux de sa forme : au cours des mois d'octobre, de novembre et de décembre, la grève des artistes-interprètes (comédiens, chanteurs, danseurs) paralyse la production des programmes directs et des enregistrements destinés aux fêtes de fin d'année. Les syndicats protestent contre un volume décroissant de la production nationale et revendiquent la sécurité de l'emploi, demandent un réajustement des rémunérations et l'assurance d'un droit sur les programmes rediffusés. Après de difficiles négociations, les parties finissent par s'entendre, mais les émissions prévues pour Noël sont amputées, supprimées ou reportées (Chantecler de J.-C. Averty).

TF1

La société issue de l'ancienne première chaîne ORTF reste fidèle à sa manière : continuité et discrétion. Les recettes d'antan font toujours leur effet. L'indice d'écoute donne toujours raison aux Midi-première de Danièle Gilbert, que les familles de province accueillent volontiers à leur repas de la mi-journée. Toujours suivi aussi, le feuilleton du début de soirée, sur un thème socio-familial (La lune Papa ; Bonsoir, Chef), l'émission pour enfants autour du gentil monstre Casimir. L'île aux enfants est désormais entièrement fabriquée sur le sol français. Tout comme ce quart d'heure de divertissement et d'histoires drôles « bien de chez nous » que constitue l'émission Eh bien, raconte.

À 20 h, Roger Gicquel demeure l'homme de confiance, le visiteur du soir dont on croit les informations parce qu'« il fait sérieux ». Roger Gicquel peut tester cette confiance : un soir de mars, il demande aux Français d'éteindre les lumières inutiles de leur logement. En moins de dix minutes, les cadrans de l'EDF accusent une baisse de consommation égale à la consommation électrique de la ville de Nancy...

Le film du dimanche soir bat son plein, celui du lundi aussi. Le mardi soir, TF1 diffuse des documentaires, parmi lesquels L'histoire de l'aviation ressemble à une réussite ; le mercredi, une dramatique : on retient plutôt les productions en plusieurs épisodes comme Adios, d'après Kleber Haedens, ou La maison des autres, d'après Bernard Clavel. Le jeudi est consacré à l'Événement, l'émission d'information animée par Julien Besançon. Des événements certes, il s'en produit sur le plateau lorsque Georges Marchais, le secrétaire du PCF, rencontre Jean-Pierre Fourcade, ministre de l'Industrie, et que Raymond Barre affronte François Mitterrand pendant près de deux heures, le 12 mai. Ce soir-là, près de 28 millions de téléspectateurs suivent le débat.

Le samedi reste enfin le terrain des variétés, en général, et spécialement le territoire particulier de Gilbert et Maritie Carpentier.

Deux productions moins spectaculaires voient doucement mais sûrement grimper leur indice d'écoute, deux émissions d'informations pratiques, axées sur la défense de la qualité de la vie, de l'environnement et de la consommation : Une minute pour les femmes, d'Éliane Victor, présentée par Anne-Marie Peysson fête sa 500e le 22 mai ; alors que, de son côté, À la bonne heure, de Jean-Pierre Guérin et Philippe Sainteny, présentée par Annick Beauchamp, suscite des débats salutaires sur tout ce qui fait la vie quotidienne. Ce qui ne plait pas à tous les producteurs de produits ménagers et responsables de services divers et organismes administratifs. En fin de compte, sur cette chaîne tranquille, ce sont les émissions de service qui font le plus de bruit.

A2

Antenne 2 se spécialise, par contre, dans l'anecdote et le coup de théâtre. Marcel Jullian et ses proches s'étaient donné pour devise : imagination et improvisation. Cette chaîne sympathique connaît pourtant bien des ennuis. Après des fêtes de fin d'année laborieuses, la direction de l'information change pour la quatrième fois de titulaire : Jean-Pierre Elkabbach prend, le 12 janvier, la place de Charles Baudinat. Il s'agit d'un retour pour ce professionnel écarté du petit écran au moment de la réforme (ce qui ne l'a pas empêché d'être le grand vainqueur de l'information de France-Inter avec Treize-quatorze). C'est du reste avec ses lieutenants qu'il monte à l'assaut : Louis Bériot, Jean-Claude Mangeot, Georges Bégou. Annoncé en fanfare, le nouveau journal de l'A2, dans une réalisation éclatée de Raoul Sangla, ne suscite que quelque temps la curiosité des téléspectateurs. Sa nouveauté n'entame guère l'écoute de TF 1 et ne parvient pas à dépasser les tensions internes de la rédaction.