Enfin, dans un hommage, respectueux mais très émouvant, de Richard Patterson à Charlie Chaplin, The gentleman tramp, on voit, entre les morceaux choisis extraits de ses grands films, vivre et créer celui qui, dans sa retraite helvétique, ne vit plus aujourd'hui que des souvenirs d'une grande époque bien révolue.

Italie

L'Italie, peut-être plus encore que les années précédentes, paraît détenir le secret de la véritable création. Avec, d'abord, deux films phares, très différents l'un de l'autre, très controversés l'un et l'autre : Le Casanova de Fellini et 1900 de Bernardo Bertolucci.

Puissant

Casanova, qu'interprète, méconnaissable avec son front dégarni, son maquillage agressivement laid, l'Américain Donald Sutherland, est une sorte de descente aux enfers du donjuanisme, d'un pessimisme total. Mais Fellini y fait montre d'une puissance d'imagination, d'une force sombre, d'une richesse d'invention dans les décors, les costumes, les accessoires, de la statue géante à l'oiseau mécanique, dont il a seul le secret. 1900, film fleuve de quelque six heures présenté en deux parties est une fresque puissante, lyrique, sur l'Italie depuis 1900 jusqu'à nos jours, à travers l'évolution parallèle d'un gros propriétaire terrien et de son métayer. Gérard Depardieu et Robert de Niro, avec un grand nombre d'interprètes tout aussi prestigieux, y font chacun une création remarquable. Excessif peut-être, ce film, par son souffle exceptionnel, reste l'un des trois ou quatre qui dominent l'année.

Dino Risi déçoit un peu avec La carrière d'une femme de chambre et déconcerte avec Ames perdues. Deux films pourtant non négligeables et où l'on retrouve le grand Vittorio Gassman. Mais c'est peut-être Une vie difficile, un film en noir et blanc, vieux de seize ans, que l'on retiendra surtout de cette saison Risi. On y voit en outre Alberto Sordi, méconnu jusqu'alors mais que le nouveau film de Mario Monicelli, Un bourgeois tout petit petit, a fait triompher à Cannes.

De Mario Monicelli, Mes chers amis, quatuor grinçant et pathétique de quinquagénaires farceurs, n'a pas eu la carrière qu'il méritait. Non plus, surtout, que le très beau film, très achevé, de Luigi Comencini, Casanova, un adolescent à Venise, aux antipodes, par son charme souriant, du noir Casanova de Fellini. Non plus encore que l'excellent Pain et chocolat de Franco Brusati, où Nino Manfredi incarne un Italien que rejette la Suisse, peu tendre pour ses travailleurs immigrés. Le même Nino Manfredi fait un numéro d'acteur étourdissant dans le très grinçant Affreux, sales et méchants d'Ettore Scola.

Avec encore Todo modo, fable politique sanglante d'Elio Petri, Histoire d'aimer, comédie bouffonne de Marcello Fondato où Monica Vitti, irrésistible, Claudia Cardinale, toujours très belle, Vittorio Gassman et Gian Carlo Gianini s'en donnent à cœur joie, avec trois films inégaux de Mauro Bolognini (le meilleur, L'héritage, devant beaucoup à Dominique Sanda) et avec La marche triomphale, de Marco Bellochio, où l'on retrouve Miou-Miou, on mesure la vigueur et l'intérêt de la production italienne, peut-être la plus riche de toutes. C'est sans doute cette richesse qu'ont voulu saluer les jurés de Cannes en couronnant Padre Padrone, des frères Taviani.

Allemagne

Moins de films nous viennent de l'Allemagne, Portrait de groupe avec dame, du Yougoslave Aleksandar Petrovic, grave mais confuse adaptation du roman du prix Nobel Heinrich Böll, a obtenu à Cannes un succès mitigé, malgré son interprète, Romy Schneider, parfaite comme toujours.

Austère, en noir et blanc, d'une beauté froide et pourtant émouvante, le Coup de grâce de Volker Schlöndorff, d'après le roman de Marguerite Yourcenar, est un des grands films de l'année. Mais Werner Herzog a déçu avec un Cœur de verre statique (les acteurs ont tourné sous hypnose), confus, bien que d'une grande perfection formelle. Et Rainer Fassbinder reste dans une marginalité provocante avec Roulette chinoise et Maman Kusters s'en va au ciel, tandis qu'Alexandre Kluge, dans Ferdinand le radical, ne séduit que les amateurs de fable politique pesante. La révélation s'appelle Vim Wenders, avec Au fil du temps, primé à Cannes l'an dernier, L'ami américain sélectionné cette année, ainsi qu'Alice dans la ville.

Grande-Bretagne

Plus riche que les années précédentes, la production anglaise a connu le succès avec Quand la panthère rose s'emmêle, où Peter Sellers, sous la direction de Blake Edwards, reste un très amusant commissaire Clouseau. Plus inattendu, le Winstanley de Kevin Brownslow et Andrew Mollo réhabilite le film historique — avant Les duellistes, primé à Cannes, de Ridley Scott. Dans la même veine, La rose et la flèche, de Richard Lester (qui a terminé son cycle Dumas avec On l'appelait Milady) permet à Audrey Hepburn, une revenante de charme, de montrer qu'elle n'a pas perdu la séduction de l'époque de Vacances romaines. Bugsy Malone enfin, d'Alan Parker, met en scène, dans une parodie musicale des films de gangster, exclusivement des enfants : une expérience originale.

Pays divers

On retrouve, dans les films les plus marquants venus des autres pays, les grands noms du cinéma mondial : Ingmar Bergman, le Suédois, avec Face à face : prodigieuse descente au fond d'elle-même, à la faveur d'une dépression nerveuse et d'une sorte d'auto-analyse, de la grande actrice Liv Ullman. Et le Japonais Akira Kurosawa, cette fois-ci sous les couleurs soviétiques, avec le magnifique Dersou Ouszala où l'on découvre, au fil des saisons, l'immense taiga sibérienne, en compagnie d'un vieil Asiatique aux yeux malins. Deux des très grands films de l'année.