La méthode chinoise tient compte de tout. D'une part, des signes classiques acceptés par tous les géophysiciens du monde : sismicité, géologie et structure, activité micro-sismique, déformations du sol, variations du champ magnétique, de la résistivité du sol, de la teneur en radon des eaux de source, des vitesses des ondes sismiques, du niveau de l'eau des puits et des débits des sources. D'autre part, des signes que nombre de sismologues considèrent comme relevant plus du folklore que de la science, tels les comportements anormaux des animaux.

C'est en 1970 que la conférence nationale pour le travail sismologique décida de mettre la province du Liao-ning sous haute surveillance. Les géophysiciens effectuèrent leurs études géologiques, entreprirent des mesures répétées de nivellement, de magnétisme, de gravimétrie, et installèrent des sismographes.

Prémonition

Dès le milieu de 1 973, on avait intensifié toutes ces mesures et les amateurs avaient multiplié les observations de tous les signes considérés comme prémonitoires. Et, en juin 1974, il fut établi qu'à échéance d'un an ou deux un séisme de magnitude 5 ou 6 pouvait se produire dans le sud de la province.

À partir de la mi-décembre 1974, les signes prémonitoires se multiplièrent : des serpents sortirent sur la glace, l'eau de certains puits devint boueuse et des bulles s'en dégageaient. Un séisme de magnitude 4,8 se produisit à 70 km au nord de Hai-cheng. De nouvelles sources jaillirent du sol, et les déformations de la topographie, après s'être accélérées, se ralentirent brusquement. La population fut alors avertie de se tenir prête. La solidité des installations importantes (mines, barrages, usines) fut contrôlée et les renforcements nécessaires furent faits.

Le 28 janvier 1975, la surveillance fut encore renforcée et chacun reçut des instructions complémentaires pour préserver la vie des siens et également des animaux domestiques. Les comportements de ceux-ci montrèrent de nombreuses anomalies. Une vingtaine de puits devinrent artésiens et des séries de petits tremblements de terre se produisirent, alors que la région était connue comme pratiquement asismique.

Évacuation

Le 4 février, à 12 h 30, le recoupement d'innombrables observations fit conclure à l'imminence d'un violent séisme. À 14 heures, la population reçut l'ordre d'évacuer ses maisons, de construire des abris légers, de sortir les malades des hôpitaux, de rassembler les véhicules. Les équipes médicales se regroupèrent et des gardes furent établies autour des bâtiments importants. Certaines communes organisèrent même des séances de cinéma en plein air pour leurs membres.

Le même jour, à 19 h 36, un grand séisme de magnitude 7,3 se produisait. Les destructions furent énormes, atteignant 90 % dans certaines localités. Les victimes, disent les Chinois, sans autre précision, furent très peu nombreuses.

Questions

La délégation chinoise à la conférence de l'UNESCO a dit que la méthode avait permis de prévoir avec succès 10 tremblements de terre de magnitude supérieure à 5. Mais elle a reconnu que ces succès ne représentent qu'un faible pourcentage des prévisions établies, car des régions éloignées, l'ouest du pays notamment, n'ont pas encore assez d'observateurs. Interrogés sur d'éventuelles prévisions qui seraient en cours, les Chinois ont répondu qu'effectivement « quelques brigades d'observation ont été renforcées dans certaines régions », sans autre précision.

Les succès de la méthode chinoise sont très probablement dus à la multiplication infinie et aux recoupements des observations de tous ordres. Mais on peut se demander si cette méthode est transposable hors du modèle chinois de société.

Le nouveau visage des sciences de la Terre

La 16e assemblée générale de l'Union géodésique et géophysique internationale (UGGI) s'est tenue à Grenoble du 25 août au 6 septembre 1975. L'UGGI, créée en 1922, est l'une des 17 unions scientifiques constituant le Conseil international des unions scientifiques (ICSU). Elle regroupe 7 associations spécialisées : géodésie ; sismologie et physique de l'intérieur de la Terre ; météorologie et physique de l'atmosphère ; géomagnétisme et aéronomie ; sciences physiques de l'océan ; sciences hydrologiques ; volcanisme et chimie de l'intérieur de la Terre.

Interdisciplinarité

Cette 16e assemblée de l'UGGI a vu le triomphe de l'interdisciplinarité. De descriptives et qualitatives qu'elles étaient à leurs débuts, les sciences de la Terre sont en train de devenir quantitatives, mais pas encore exactes. C'est-à-dire qu'elles font de plus en plus appel aux mathématiques, à la physique, à la chimie et à d'autres disciplines, parfois fort éloignées en apparence de ce que l'on a l'habitude d'appeler sciences de la Terre.