Voilà donc encore une fois touché un journal dont la situation paraît saine. Avec un tirage de 415 467 exemplaires, Sud-Ouest a réussi, en cinq ans, à intégrer 150 personnes venant du journal La France et à maintenir l'emploi menacé des 80 personnes du journal l'Éclair des Pyrénées. Naturellement, le nouveau matériel n'a été que le catalyseur d'un conflit idéologique qui intéresse la presse entière et dont on retrouve l'écho dans l'analyse des différents syndicats. Pour l'UNSJ, « le lock-out décidé par la direction de Sud-Ouest est, en fait, une épreuve de force voulue par le patronat pour faire supporter aux professionnels de la presse les frais d'une rationalisation dans le seul dessein d'un accroissement des profits ». Le SNJ est en désaccord avec cette conception : « Le monopole qu'exerce le Livre sur la presse française a pu représenter pour l'indépendance de l'information un danger aussi sérieux que la toute-puissance patronale. »

Les discussions s'éternisent autour des cinq points de revendication présentés par le Syndicat du livre (CGT), et lorsque le journal reparaît enfin, le 16 mars, on estime que la perte due à cette grève est d'environ deux millions et demi.

La première grève nationale

Dès lors que la presse ne traite plus seulement de l'actualité mais constitue elle-même l'actualité, les colonnes des journaux s'emplissent de ses problèmes et la télévision lui consacre plusieurs émissions qui n'apportent guère d'éléments positifs. Chacun des participants poursuivant son monologue sans que s'engage un véritable dialogue.

Seule peut être retenue à l'actif de la profession une grève nationale le 1er février 1972 — la première en son genre —, destinée à soutenir l'action du personnel de Paris Jour et à attirer l'attention du public sur les problèmes de la presse. Encore que cette grève, si elle est unanimement suivie à Paris (et par la contrainte en ce qui concerne un quotidien), remporte un succès plus mitigé en province, où plusieurs journaux paraissent. Mais on ne peut s'empêcher de constater une anomalie : les syndicats admettent qu'un service minimum d'information audio-visuelle soit assuré. De la sorte, télévision et radio sont nettement différenciées des journaux.

Cependant, cette « presse qui doit mener le combat de l'intelligence et de la culture » (Georges Pompidou) va examiner sérieusement quelques-unes des mesures qui devraient lui permettre de jouer son rôle. Déjà le Comité national du syndicat des journalistes autonomes, réuni les 12 et 13 novembre à Rouen, a préconisé : l'équilibre des recettes et des dépenses, la défense du droit à l'information, la pluralité d'expression des opinions, le libre accès aux sources d'information, le droit et le devoir de publier, sans discrimination d'origine économique ou politique, les informations susceptibles d'éclairer les lecteurs.

Certaines de ces idées sont également contenues dans un communiqué de l'UNSJ publié à l'occasion de la grève du 1er février.

L'aide de l'État

Le gouvernement, pourtant, ne reste pas indifférent. Le 6 janvier 1972, Valéry Giscard d'Estaing déclare : « La presse écrite exerce une mission particulière qui doit être facilitée. Il faudra peut-être mettre en œuvre, après délibération avec les intéressés, les moyens financiers nécessaires, notamment pour aider la presse quotidienne dont la mission d'information est particulièrement claire. » Ces bonnes dispositions conduisent le gouvernement à accorder une aide exceptionnelle de 15 millions de francs (sous forme d'une réduction du prix du papier) aux quotidiens. Cette aide est destinée à « atténuer les conséquences des charges particulières que la presse a supportées durant le deuxième semestre de 1971 ». Mais elle est loin de satisfaire l'ensemble de la profession : elle ne représente, en fait, que 0,4 centime par exemplaire tiré.

Il convient, cependant, de noter qu'elle s'ajoute à l'aide de l'État sous forme de subventions à la SNCF pour le transport des journaux, de tarifs postaux préférentiels pour les abonnés, de subventions au papier journal, de tarifs préférentiels pour les transmissions et d'avantages fiscaux divers (notamment l'exonération de la TVA sur les recettes de vente).