Journal de l'année Édition 1969 1969Éd. 1969

Une fois de plus, à la fin du mois, pause, mais, au début de juin, les forces vietcongs déclenchent une nouvelle offensive, faisant plus particulièrement porter leur pression sur Tay Ninh et sur les hauts plateaux.

Quatre raisons essentielles apparaissent pour expliquer cette nouvelle stratégie du FNL :
– Une fois de plus, les forces vietcongs manifestent qu'elles n'ont rien perdu de leur combativité et qu'elles sont prêtes à mener le combat jusqu'à son terme ;
– La légitimité, si l'on peut dire, de sa délégation à Paris n'étant qu'à peine reconnue par les Américains et le gouvernement de Saigon, le FNL, par les attaques qu'il lance, lui confère une présence avec laquelle ses adversaires sont de plus en plus obligés de compter ;
– En bombardant plus particulièrement les bases américaines, le Front désigne les États-Unis comme ennemi no 1. C'est pour lui une façon de réclamer sur le terrain le retrait inconditionnel des troupes US et d'agir sur l'opinion publique américaine, inquiète devant l'augmentation constante des pertes ;
– En effet, en dépit des négociations de Paris, le nombre des Américains tués dans la guerre du Viêt-nam ne cesse d'augmenter de semaine en semaine. Cette année aura été particulièrement sanglante pour eux : 5 835 tués du 1er janvier 1969 au 19 juin.

Plus de morts qu'en Corée

Depuis le 1er janvier 1961, jusqu'à la fin juin 1969, les Américains ont perdu au Viêt-nam 36 500 combattants. Le 20 mars, le nombre des morts atteignait celui de la guerre de Corée : 33 629. Selon les chiffres américains, les Nord-Vietnamiens et le Viêt-cong ont perdu, depuis le début de 1961, 516 000 hommes.

La politique sud-vietnamienne

Tout le problème du gouvernement sud-vietnamien, durant l'année 1968-1969, est de négocier sans négocier. C'est-à-dire d'œuvrer sans perdre la face et sans paraître céder constamment sous la pression de ses alliés ou de ses adversaires.

Négocier obligatoirement

En juillet 1968, la sévère lutte d'influence que se sont livrée le président de la République Thieu et le vice-président Ky est pratiquement terminée. Thieu l'a emporté définitivement et Ky, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, finira par se rallier — au moins publiquement — aux vues du président.

En fait, le conflit entre les deux hommes est dépassé. L'affaire vietnamienne est désormais dominée par les négociations américano-nord-vietnamiennes de Paris et, bien qu'ils se considèrent comme « hors du coup », les dirigeants sud-vietnamiens savent très bien qu'un jour ou l'autre eux aussi s'assoiront à la table des négociations. Avec qui ? Comment ? À quelles conditions ? Pour quel but ? Ce sont précisément les questions qu'ils se posent et qu'ils discuteront pied à pied avec les Américains.

Au cours d'une rencontre à Honolulu — juillet 1968 —, le président américain Johnson met Thieu devant ses responsabilités : tout en l'assurant de l'aide militaire des États-Unis, il le prévient que le gouvernement sud-vietnamien doit se préparer à une révision politique douloureuse, c'est-à-dire accepter à plus ou moins long terme des pourparlers. Ce n'est pas un ultimatum ; politiquement et militairement, les Américains ont autant besoin d'un gouvernement solide à Saigon que ce dernier a besoin des Américains pour survivre. Il s'agit plutôt d'une sorte d'avertissement, une incitation pressante à s'aligner sur la politique des États-Unis, faute de quoi ceux-ci pourraient explorer d'autres voies. Le président Thieu prend acte de cet avertissement.

Retour du « gros Minh »

Deux mois plus tard, en septembre, Saigon annonce que Thieu a autorisé, dans un geste de « réconciliation générale », le retour au Viêt-nam du général Duong Van Minh, en exil à Bangkok depuis quatre ans. Pour quelle raison exacte cette décision est-elle prise ? On ne le sait pas. Ce qui est sûr, c'est que le retour a Saigon — en octobre — de celui qu'on appelait le « gros Minh » apparaît comme un événement politique important.

Très populaire dans l'armée et chez les bouddhistes, le général Minh avait été le leader de la révolution de 1964 qui avait renversé la dictature de Diem, et son nom résonnait comme celui d'un libérateur. Mais il ne demeura que quelques mois à la tête de l'État. Accusé de neutralisme par le général Khan, qui allait lui succéder, il abandonnait le pouvoir et se résignait à l'exil. Saigon révèle donc de cette manière que l'accusation de neutralisme a été inventée de toutes pièces et le « gros Minh » revint, blanchi de tout soupçon.