Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

organisations internationales (suite)

• Secrétariat
Le Secrétariat est l’organe permanent d’administration de l’Organisation des Nations unies. Il est dirigé par le secrétaire général, « le plus haut fonctionnaire de l’Organisation » (art. 97 de la Charte), qui assure, avec l’assistance de huit secrétaires généraux adjoints, le secrétariat des séances de tous les organismes de l’O. N. U. ainsi que la préparation et la diffusion de leurs travaux. Le rapport annuel du secrétaire général, document capital d’information déposé sur le bureau de l’Assemblée, donne une synthèse précise de l’activité de l’Organisation dans tous les domaines, politique, économique, social, au cours de l’année écoulée.

Le personnel du Secrétariat, dont le recrutement doit être effectué sur une base géographique « aussi large que possible », est nommé par le secrétaire général, qui, lui-même, est désigné pour cinq ans par l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité. La fonction a été occupée successivement par Trygve Lie (1896-1968) de 1946 à 1953, Dag Hammarskjöld (1905-1961) de 1953 à 1961, Sithu U Thant (1909-1974) de 1961 à 1971. Elle est actuellement assurée par l’Autrichien Kurt Waldheim (né en 1918).

Les membres du Secrétariat sont des fonctionnaires internationaux, « possédant les plus hautes qualités de travail, de compétence et d’intégrité » (art. 100 § 3). Indépendants, ils ne doivent accepter d’instructions d’aucun gouvernement. Les accords de siège conclus par l’O. N. U. leur garantissent des privilèges et des immunités comparables à ceux des agents diplomatiques. Bien qu’ils conservent leur nationalité, ils ne devraient pas, dans l’exercice de leur fonction, sur l’initiative de leur État d’origine, faire l’objet d’une enquête de loyalisme qui compromettrait leur indépendance.

L’article 99 de la Charte, qui permet au secrétaire général d’« attirer l’attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationale », a déterminé l’origine et le développement d’une activité diplomatique et politique du secrétaire général, laquelle s’est trouvée tour à tour sollicitée et contestée par les puissances. Hammarskjöld, disparu dans un accident aérien en Rhodésie du Nord, a été particulièrement critiqué pour son intervention en 1960 dans l’affaire du Katanga, effectuée cependant à la demande de l’Assemblée générale. U Thant s’est efforcé de justifier dans son rapport annuel la décision du retrait des forces d’urgence de l’O. N. U. hors de la zone de Gaza, prise par lui sur la seule demande de l’Égypte et sans l’assentiment préalable de l’Assemblée.

Le 10 mars 1953, Trygve Lie a lu en séance plénière de l’Assemblée une émouvante déclaration « concernant l’administration du personnel de l’O. N. U. », où il dénonçait avec courage et précision les pressions, influences et « actions subversives » qu’exerçaient de part et d’autre les plus grandes puissances sur le chef et le personnel du Secrétariat, contrairement à l’article 100, alinéa 2 de la Charte. Dans ses souvenirs, publiés en 1954 sous le titre de Au service de la paix (In the cause of peace), il a relaté différents incidents, parfois dramatiques, tirés de la vie parfois dangereuse et fiévreuse des hauts fonctionnaires du Secrétariat. L’un d’eux, son conseiller le plus intime, Abe Feller, fut poussé au suicide, le 13 novembre 1952, par les « chasseurs de sorcières ». Victime lui-même de la « pression la plus brutale », Trygve Lie devait donner sa démission avant l’expiration, au 1er février 1954, de la prolongation de son mandat qu’avait décidée, le 1er novembre 1950, l’Assemblée en raison de l’impossibilité, pour les membres permanents du Conseil de sécurité, de s’entendre sur la désignation de son successeur.

Les activités conçues et réalisées dans le poste, telles qu’elles ressortent du rapport annuel, permettent, cependant, d’affirmer que les démarches du secrétaire général peuvent affronter avec succès la compétence exclusive des États dans le domaine de la protection des droits de l’homme.


Heurs et malheurs de l’O. N. U.

La situation politique mondiale après la capitulation du IIIe Reich allemand et du Japon indiquait clairement en 1945 où seraient localisées les responsabilités de l’organisation de la paix et ses chances de réussite.

À la fin des hostilités, l’U. R. S. S. est, en Europe, la puissance prédominante ; l’affaiblissement de la Grande-Bretagne et de la France, épuisées par la guerre et l’occupation, contestées dans leurs empires coloniaux, lui laisse le champ libre pour l’exploitation d’une victoire chèrement payée ; la pénétration de l’idéologie communiste sera singulièrement facilitée dans les pays vaincus de l’Europe centrale et de l’Europe orientale par le maintien de l’armée rouge dans les territoires occupés. En présence de la défaillance des démocraties occidentales européennes, les États-Unis s’estiment seuls susceptibles de freiner la pression des Soviétiques et leur leadership dans la liquidation de la guerre et l’organisation de la paix.

L’alliance des deux plus grands vainqueurs de la guerre, ébauchée à Yalta, proclamée dans la charte de la conférence de San Francisco (« Nous les peuples des Nations unies... »), est, en 1945, le postulat de la paix. Dès l’origine, cependant, en dépit de l’incantation d’une promesse conjointe faite aux peuples et aux générations futures, le désaccord des idéologies comme des intentions est profond, et ses effets sont prévisibles. Le système de l’O. N. U., plus fort en apparence et mieux armé que celui de la S. D. N., se révélera en réalité encore plus faible.

Dès 1945, le divorce des deux politiques éclate à l’occasion des affaires d’Iran, de Turquie et de Grèce. Occupé d’un commun accord en 1941 pour la durée des hostilités, l’Iran, qui, dans le passé, avait fait entre la Russie et la Grande-Bretagne l’objet d’une distribution en sphères d’influence, devait être libéré six mois après la cessation des opérations militaires. De fait, Anglais et Américains retirent leurs troupes, mais l’U. R. S. S. refuse, menaçant même le gouvernement de Téhéran d’une intervention armée s’il tente de réduire par la force la rébellion que le parti Tudeh, communiste, a suscitée en Azerbaïdjan. À deux reprises (19 janv. et 18 mars 1946), le gouvernement iranien dépose au Conseil de sécurité une plainte contre l’U. R. S. S., fondée sur le maintien des troupes soviétiques et leur ingérence dans les affaires intérieures. En avril, la délégation soviétique prend le parti de se retirer du Conseil.

En Turquie, l’U. R. S. S. dénonce le traité d’amitié et de non-agression de 1925, et demande la révision de la convention de Montreux sur le régime des détroits. Anglais et Américains soutiennent le refus d’Ankara et Moscou n’insiste pas, sans renoncer pour autant à une politique méditerranéenne.

En Grèce, où survient en 1946 la guerre civile, l’U. R. S. S., après s’être abstenue pour respecter le partage d’influence conclu à Moscou en automne 1944 avec la Grande-Bretagne, donne son accord à l’action des partisans et oppose son veto à une décision du Conseil favorable au rétablissement de l’ordre.

En Europe centrale et en Europe orientale, partout où l’armée soviétique contrôle les territoires par ses forces d’occupation, s’installent au pouvoir des gouvernements de front national où les communistes dominent.