Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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oreille (suite)

L’homologie des divers osselets de l’oreille moyenne est complexe, mais on peut la résumer et la simplifier de la façon suivante. Chez les Poissons Crossoptérygiens, trois éléments osseux interviennent dans le soutien et l’articulation de la mâchoire : l’hyomandibulaire, fixé à la capsule otique et qui suspend la mâchoire au crâne ; le carré, portion postérieure de la mâchoire supérieure ; l’articulaire, portion postérieure de la mâchoire inférieure, ou mandibule, articulé sur le carré. Dès le passage aux Vertébrés Tétrapodes les plus primitifs, l’hyomandibulaire perd son rôle suspenseur et se transforme en stapes (ou columelle), qui est l’osselet de l’oreille moyenne des Amphibiens, des Reptiles et des Oiseaux. Chez les Reptiles Synapsides (qui sont à l’origine des Mammifères), on assiste à la mise en place, à côté de l’articulation carré-articulaire, d’une articulation squamosal-dentaire de la mandibule, qui rendra possible l’incorporation de l’articulaire (homologue du marteau) et du carré (homologue de l’enclume) dans l’oreille moyenne des Mammifères. La membrane du tympan est soutenue par l’anneau tympanique, homologue de l’angulaire, autre élément osseux de la mandibule des Vertébrés non mammaliens.


L’oreille interne

L’oreille interne des Mammifères comprend un labyrinthe membraneux, empli d’endolymphe, logé dans une structure osseuse creuse, le labyrinthe osseux, empli de périlymphe. Chez les Vertébrés non mammaliens, l’enveloppe osseuse n’est pas complète. Le labyrinthe osseux des Mammifères comporte une cavité, le vestibule ; il communique avec l’oreille moyenne par la fenêtre ovale, qu’obture la base de l’étrier, et envoie dans la cavité crânienne un fin canal, l’aqueduc du vestibule. Dans le vestibule s’ouvrent dorsocaudalement cinq orifices, qui correspondent à trois canaux semi-circulaires ; l’un d’eux est horizontal ; les deux autres, qui ont un pilier commun, sont verticaux et font avec le plan de symétrie du crâne des angles de 45° et de 135°. Le vestibule communique ventrorostralement avec le limaçon osseux, qui a la forme d’une spire hélicoïdale enroulée sur trois tours et demi. Cette spirale est divisée en deux rampes par une lame spirale, osseuse près de l’axe de la spire, ou columelle, et membraneuse à l’extérieur. La rampe qui communique avec le vestibule est la rampe vestibulaire (dorsale) ; celle qui aboutit à la fenêtre ronde, ou tympan secondaire, est la rampe tympanique (ventrale). Les deux rampes communiquent l’une avec l’autre au sommet du limaçon (hélicotréma). Chez les Oiseaux, la cochlée est allongée, mais rectiligne ; elle est courte chez les Reptiles.

Le labyrinthe membraneux est logé dans le labyrinthe osseux. Il forme dans le vestibule deux sacs unis par un fin pédicule d’où part le canal endolymphatique, logé dans l’aqueduc du vestibule. Le sac dorso-antérieur est l’utricule, qui communique avec les canaux semi-circulaires membraneux, logés dans les canaux osseux. À la base de chacun de ces canaux se trouve un renflement, ou ampoule, qui abrite la crête dite « acoustique » (bien que sa fonction soit d’équilibration). Le sac ventropostérieur est le saccule, qui envoie dans la rampe vestibulaire un diverticule en cul-de-sac, le canal cochléaire. Utricule et saccule portent également un organe sensoriel, la tache acoustique, ou macule, qui a, comme les crêtes acoustiques, un rôle d’équilibration. La fonction auditive est assurée par le canal cochléaire, au niveau de l’organe de Corti. Chez les non-mammaliens, ce canal cochléaire n’est qu’un diverticule, une papille du saccule, appelée lagena. Chez les Poissons osseux, utricule, saccule et lagena renferment une concrétion calcaire, l’otolithe, qui intervient dans la fonction d’équilibration de l’oreille. Cela montre que l’oreille interne des Vertébrés a pour fonction principale l’équilibration et que ce n’est que secondairement que s’y est ajoutée la fonction auditive.

À la lagena s’ajoutent, chez les Amphibiens, des papilles basilaire et amphibienne. Diverticules lagénaire et basilaire s’unissent en un canal cochléaire rectiligne chez les Crocodiliens et les Oiseaux ; l’extrémité du canal porte encore la tache acoustique de la lagena à son extrémité. Cette tache n’existe plus chez les Mammifères, Monotrèmes exceptés.


Embryologie de l’oreille

Les oreilles externe et moyenne résultent de l’évolution des poches ectoblastique et entoblastique de la première fente branchiale des Poissons, le spiracle. La poche ectoblastique donne le conduit auditif externe, et la poche entoblastique la caisse du tympan. La double membrane obturante, qui s’ouvre chez les Poissons pour donner la fente spiraculaire, reste tendue et forme le tympan des Tétrapodes.

L’oreille interne provient de l’évolution de la placode auditive, induite par le mésoblaste paracordal antérieur. La placode s’invagine profondément, puis se ferme en une vésicule creuse, l’otocyste. La région dorsale de l’otocyste s’étire en un pédicule, le canal endolymphatique, tandis que la paroi médiale s’épaissit en un ganglion nerveux. Puis l’otocyste s’étrangle en deux parties : la plus antérieure forme l’utricule et les canaux semi-circulaires, et la plus postérieure le saccule et la cochléé. Des crêtes et des taches acoustiques partent des fibres nerveuses constituant la branche vestibulaire du nerf auditif ; de l’organe de Corti partent les fibres nerveuses de la branche cochléaire ou acoustique de ce même nerf.


Structure des récepteurs sensoriels

Les récepteurs sensoriels des crêtes et des taches acoustiques ainsi que ceux de l’organe cochléaire ont une morphologie identique à celle des récepteurs des neuromastes de la ligne latérale des Vertébrés aquatiques. Il s’agit, dans tous les cas, de cellules sensorielles secondaires pourvues d’un kinocil plus ou moins régressé et de stéréocils raides, solidaires d’un épaississement de la membrane cellulaire.