Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Aragon

En esp. Aragón, région du nord-est de l’Espagne.



La géographie

L’Aragon, formé des provinces de Huesca, Saragosse et Teruel (48 000 km2 ; 1 153 000 hab.), est une région demeurée presque exclusivement rurale, et dont la densité de peuplement est la plus faible d’Espagne (24 hab. au km2). Les possibilités agricoles y sont en effet limitées par le climat continental à aridité marquée qui règne dans le bassin de l’Èbre, encastré entre la chaîne pyrénéenne au nord et les monts Ibériques au sud. Mais les montagnes, surtout les Pyrénées, offrent leurs pâturages aux troupeaux de la plaine, lorsque celle-ci est brûlée par le soleil, et alimentent les cours d’eau, qui, dès l’époque romaine, ont permis d’irriguer les fonds de vallée et de diversifier les cultures.

La vie dans les Pyrénées aragonaises est axée sur une dépression longitudinale qui court de Berdún à Tremp, et où l’on pratique une petite polyculture méditerranéenne à base de céréales. Les hautes vallées qui descendent de la partie culminante de la chaîne (pic d’Aneto, 3 404 m), fortement marquées par les glaciers quaternaires, sont orientées vers l’élevage du bétail, surtout ovin, qui transhume en été sur les hauts pâturages, ainsi que vers l’exploitation forestière. Le tourisme y reste encore modeste (parc national d’Ordesa, sur le flanc sud du mont Perdu, thermalisme, ski). De nombreux sites de barrage ont été équipés : l’abondante production d’hydro-électricité est en grande partie livrée à la Catalogne et n’a profité qu’à Sabiñánigo, où se sont fixées l’électrochimie, l’électrométallurgie ainsi que les industries du plastique et de la cellulose.

Les monts Ibériques sont une région frontière, sous-développée et en voie de dépeuplement. Leurs sévères montagnes, trop modestes pour échapper à la sécheresse, n’offrent que de maigres pacages aux ovins et quelques beaux massifs forestiers aux bûcherons. La population se réfugie dans les bassins effondrés de Calatayud, Daroca et Teruel, ainsi que le long de la vallée du Jalón ; les cultures sèches du blé, de la vigne et, près de Teruel, du safran y voisinent avec les terres irriguées plantées de betteraves, de pommes de terre et surtout d’arbres fruitiers (pommiers, poiriers). Le minerai de fer extrait à Ojos Negros, et exporté vers Sagunto, ainsi que les gisements de lignite du flanc nord de la Sierra de San Just, exploités pour la production d’électricité, ont été mis en valeur par des capitaux extérieurs à la province et ne lui ont pas profité : seule Teruel (22 000 hab.) est dotée d’un polygone industriel ; Calatayud (18 000 hab.) n’est qu’un marché rural.

Dans la partie aragonaise du bassin de l’Èbre, l’Èbre et ses affluents ont creusé, aux dépens des remblaiements détritiques que l’érosion avait arrachés aux montagnes voisines, d’amples vallées à niveaux de terrasses étagés. Dans les interfluves subsistent des reliefs tabulaires, les muelas ou planos, ou des collines intensément disséquées (Los Monegros). Au nord, entre les derniers plis pyrénéens et ces reliefs, l’érosion a creusé une série de dépressions, les hoyas, que l’on suit depuis les Cinco Villas jusqu’à Barbastro.

Les piémonts (somontanos) du nord sont relativement humides : on y pratique encore la traditionnelle polyculture arbustive, associant au blé la vigne, l’olivier et l’amandier. Mais, de nos jours, le blé et l’amandier gagnent sur la vigne et l’olivier, en net déclin. Dans la Litera, à l’est, l’irrigation de 40 000 ha permet la culture intensive du blé, de la betterave et des fruits. Aussi, tandis que Huesca (33 000 hab.) et Barbastro végètent, Monzón a connu un récent essor grâce aux industries alimentaires, auxquelles sont venus s’ajouter l’électrochimie et le plastique.

Le piémont méridional, plus sec, s’est spécialisé dans la vigne dans la région de Borja et dans le Campo de Cariñena, dont le vignoble de masse est une monoculture sujette aux crises ; dans le bas Aragon, c’est l’olivier qui fait l’objet de la spéculation.

Le centre de la cuvette doit à son aridité (moins de 350 mm de pluie par an) et à son sol souvent gypseux (Los Monegros) son paysage de steppe pelée. Un vigoureux contraste oppose les secanos, éblouissants sous le soleil, aux longs rubans verts des regadíos, le long des vallées. Sur les terres sèches, la culture du blé n’assure que des rendements très bas (7 q à l’ha) ; très mécanisée, elle est pratiquée aussi bien par de petits exploitants (plus de la moitié de la surface du sol est occupée par des exploitations de moins de 10 ha) que par de grands exploitants (les exploitations de plus de 100 ha couvrent le quart de la surface du sol). Les jachères, qui assurent le repos de la terre un an sur deux, et les friches sont livrées aux ovins transhumants en hiver. L’irrigation est ancienne : le canal de Tauste, qui irrigue la rive gauche de l’Èbre, date du Moyen Âge ; le canal Impérial, qui arrose les terres de la rive droite, fut achevé au xviiie s. Sur ces terres, de petits exploitants cultivent la betterave à sucre, la luzerne et secondairement le maïs, les fruits et le coton. Depuis peu, l’horticulture a connu une grande expansion : piments, tomates, artichauts et asperges sont en partie expédiés vers les conserveries de Murcie, en partie traités sur place. Le « Plan d’Aragon », à l’achèvement duquel 230 000 ha supplémentaires seront irrigués, est déjà grandement avancé : en supprimant la jachère, il permet l’extension des cultures fourragères destinées à l’élevage des bovins à l’étable, en rapide accroissement, ainsi que le développement de la culture de la betterave, du coton et des arbres fruitiers. Il s’accompagne de la création de villages de colonisation, qui attirent les populations abandonnant les terrés sèches trop pauvres. Mais l’émigration profite surtout à Saragosse.

R. L.

➙ Saragosse.


L’histoire


La naissance de l’Aragon

L’Aragon, contrairement à bon nombre de régions espagnoles, n’est pas soumis à une colonisation romaine profonde.

Les invasions barbares touchent particulièrement les villes, si bien que seules les plus développées (Saragosse, Huesca, Tarazona) peuvent survivre. Pendant l’occupation des Goths, les incursions continuelles des Basques et des Francs incitent la population à fortifier les cités.