Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Népal (suite)

Peuplement et civilisation

Le peuplement est hétérogène. La zone du Terai est habitée par des populations hindoues, de même race que les Indiens de la plaine gangétique. Les hautes vallées du Nord, au-dessus de 3 000 m, sont le domaine de populations tibétaines, pratiquant le bouddhisme lamaïque, comme les Sherpas du Khumbū (massif de l’Everest) et les Lobas du Mustāng. Le Moyen Himālaya est partagé entre diverses ethnies. Tout l’Ouest est dominé, comme le Kumāon et le Garhwāl voisins, par l’ethnie des Khasas : population hindoue, dialectes paharis (montagnards) de la famille indo-aryenne, hiérarchie de castes, genre de vie typiquement indien. Dans l’Est dominent les anciennes tribus népalaises, comme les Rāīs (bassin de la Sun Kosī), les Limbūs (limitrophes du Sikkim) : populations mongoloïdes non brahmanisées, influencées par le bouddhisme, langues intermédiaires entre la famille tibéto-birmane et la famille munḍā, habitat dispersé. Au centre, c’est un mélange de Khasas et de tribus mongoloïdes, comme les Tamāngs, les Magars, les Gurungs. Parmi celles-ci, les Newārs du bassin de Katmandou tiennent une place exceptionnellement importante, car ils ont créé la civilisation népalaise.

La conquête du Népal par les Gurkhās (1768), population khasa du bassin de la Marsyāndī, a accentué l’influence de l’hindouisme sur le pays. De là l’ambiguïté religieuse et sociale du Népal, où les éléments hindous et bouddhistes s’interpénètrent. Ce dualisme de la civilisation est particulièrement frappant chez les Newārs. Le nepālī, langue des Gurkhās (de la famille indo-aryenne), est devenu commun à tout le Népal, mais sans abolir la résistance du newārī, langue d’affinités tibétaines.

Manquant d’unité géographique, le Népal a une vie urbaine très dispersée, consistant essentiellement en gros marchés ruraux. Les hautes vallées tibétaines sont dépourvues de centres urbains, à l’exception de Lo Mantang, capitale de la principauté du Mustāng (3 800 m d’altitude), petite cité enclose de murs où vivent un millier d’habitants. Les villes du Terai sont des marchés de contact entre la montagne et la plaine, tels Rājapur, Nepālganj, Amlekganj, Birātnagar. Dans le Moyen Himālaya, ce sont les centres des principales vallées comme Pokharā, Gurkhā. Il faut mettre à part les villes du bassin de Katmandou, pays de très ancienne civilisation urbaine. Katmandou (Kātmāndū, 121 000 hab.), Pātan (ou Lalitpur, 48 000 hab.), Bhādgāun (ou Bhaktapur, 37 000 hab.) sont des capitales d’anciens royaumes, remarquables par leur architecture traditionnelle et surtout leurs pagodes aux toits dorés. Katmandou doit son développement exceptionnel à sa fonction de capitale. À côté de la vieille cité pittoresque s’est développé le quartier aristocratique de l’ouest, aux palais somptueux, tandis que des faubourgs populaires s’étendent au nord et au sud. Katmandou est devenu un centre scolaire et universitaire et un lieu de tourisme.


L’économie

Une grande partie du Népal reste dépourvue de routes carrossables. Les transports se font surtout à dos d’hommes, et par caravanes de yacks dans le haut pays. Dans ces conditions, l’économie reste essentiellement fragmentée, vouée à des cultures vivrières. Le Terai et les basses vallées (au-dessous de 2 500 m) pratiquent une agriculture de type indien, à double récolte annuelle, avec aménagement de terrasses sur les versants : en été, le riz (jusqu’à 1 500 m env.), le maïs, les millets ; en hiver, le blé, l’orge. Des cultures itinérantes se maintiennent dans le Népal oriental. Au-dessus de 3 000 m règne une économie de type tibétain, fondée sur le blé, l’orge, les pommes de terre, l’élevage des moutons, des chèvres, des yacks et de leurs hybrides (le mâle, dzopo, et la femelle, dzomo, fruits du croisement du yack et de la vache).

Le bassin de Katmandou est une région à forte densité démographique, où vivent plus d’un demi-million d’individus. Il doit à son altitude modérée un climat tempéré chaud, où l’absence d’hiver froid permet une agriculture sans interruption hivernale, dont la technique minutieuse a été mise au point par les Newārs depuis des siècles. Un système d’irrigation ancien, captant les torrents montagnards, assure la permanence des cultures en saison sèche. Toute la terre est cultivée d’une manière intensive. La culture d’été (saison pluvieuse) est la rizière en eau, que l’on moissonne en octobre-novembre ; elle occupe la majeure partie de la vallée, laissant au maïs des terrasses plus hautes, non irriguées. Les cultures d’hiver, sur les mêmes terres, sont le blé, les pommes de terre, les fèves, les oignons et autres légumes. Il est courant de voir une rotation de trois cultures dans l’année ; par exemple, le riz suivi de deux récoltes de pommes de terre. La rotation ininterrompue, trait particulier de la civilisation agricole des Newārs, distingue la vallée de Katmandou des autres vallées népalaises, où les cultures d’hiver sont beaucoup moins développées.

Malgré la difficulté des communications, les paysans pratiquent des échanges actifs qui entraînent de longs déplacements. Mais les structures commerciales, qui diffèrent selon les régions, soulignent le caractère hétérogène de la société du Népal. Le haut pays tibétain n’a pas de bazars ni de commerçants spécialisés ; tous les paysans se livrent plus ou moins à des transactions au cours de leurs déplacements. Ainsi le village de Nāmche Bazār, sur les flancs de l’Everest, n’est qu’un groupement de paysans sherpas qui pratiquent une économie spéculative (production et vente des dzos). Au-dessous de 2 500 m, l’ouest du Népal porte la marque de l’ethnie des Khasas : le commerce y est organisé dans un réseau de bazars de type indien. Cependant, les paysans s’y livrent à de grands déplacements, surtout en hiver, pour faire des échanges sur les marchés du Terai. Dans l’Est népalais, au contraire, on voit très peu de bazars. Depuis le début du xxe s., les échanges se sont développés, surtout dans des marchés périodiques, que fréquentent des commerçants et où se vendent, avec les produits agricoles locaux, de multiples articles d’origine indienne comme sur tous les bazars.