Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

nébulosité galactique (suite)

Nébuleuses obscures

Riches en poussières, elles apparaissent en contraste sur un fond lumineux, comme la nébuleuse de la Tête de Cheval, ou bien sont décelées par des zones moins denses en étoiles et en galaxies sur le fond régulier du Ciel. Par dénombrement des étoiles, on mesure la distance, l’épaisseur et le pouvoir absorbant de ces nuages. Puis, d’après les propriétés absorbantes moyennes des particules de poussières, on calcule leur masse. Dans le plan galactique, on trouve un nuage tous les 100 à 150 parsecs. Il existe également de petites concentrations très denses de poussières, appelées globules. La température de ces nuages est très basse, inférieure à 10 K.

Certains astronomes pensent que les petits globules denses sont des étoiles en formation. On trouve, en effet, des objets très jeunes dans des nébulosités poussiéreuses. Ainsi, les étoiles T Tauri, qui n’ont pas achevé leur contraction, sont encore tout enveloppées des nuages de gaz et de poussières dont elles sont nées. Probablement, le Soleil fut, dans le passé, une étoile T Tauri, et la Terre ainsi que les autres planètes sont sorties de ces nuages entourant l’étoile. En 1936, on a vu naître une étoile, FU Orionis, dans une concentration de gaz et de poussières de la constellation d’Orion. Ce phénomène est très rare à l’échelle humaine, puisqu’une dizaine d’étoiles naissent chaque année dans la Galaxie entière et une dizaine par siècle seulement dans la région visible de la Terre. Actuellement, FU Orionis est une étoile T Tauri qui mesure de 20 à 25 diamètres solaires et a une température de 1 300 K. Une quarantaine de petites nébulosités brillantes, qu’on appelle objets de Herbig-Haro, ont été trouvées dans des nuages de poussières parmi de jeunes étoiles T Tauri. Elles marquent peut-être le début de l’activité stellaire. À un stade plus primitif encore, l’objet de Becklin-Neugebauer, découvert en 1968 dans la nébuleuse d’Orion, est un nuage froid de 600 K, mesurant 1 500 diamètres solaires, invisible, mais émettant dans l’infrarouge un rayonnement semblable à celui des étoiles T Tauri. S’il est une protoétoile, on verra dans un délai inférieur à vingt ans s’allumer à cet endroit une nouvelle étoile. Des petits globules obscurs, à bords nets, de forme arrondie et de densité croissant vers le centre sont peut-être des protoétoiles, mais il est étonnant de ne pas en trouver dans la nébuleuse d’Orion et dans le complexe de nuages obscurs Taurus-Aurigae, régions extrêmement riches en objets jeunes.

D’autres possibilités sont les nuages froids de gaz neutre riches en molécules, tels que les centres d’émission radio du radical OH et de la molécule H2O, qui ont une dimension de quelques unités astronomiques, ou, au contraire, les « objets hyperdenses » inobservés, mais qui exploseraient en expulsant des fragments stellaires s’écartant les uns des autres, comme le font les étoiles jeunes des associations.

La nature des poussières, la taille et la forme des grains sont déduites des spectres de lumière pris dans une gamme étendue de longueurs d’onde, de l’ultraviolet à l’infrarouge. Tandis que le gaz est responsable des raies d’absorption apparaissant dans ces spectres, la poussière crée un rougissement dû à l’absorption sélective qu’elle effectue sur les rayonnements stellaires, absorbant davantage la lumière bleue. C’est un phénomène analogue au rougissement par les molécules de l’atmosphère terrestre, mais la loi de variation de l’absorption avec la longueur d’onde est différente. La polarisation, de 20 p. 100 environ, qui mesure la variation maximale de brillance d’une nébulosité observée à travers un filtre polarisant que l’on fait tourner de 90°, a fait naître de nombreuses hypothèses dont celle des flocons de graphite et celle des grains en rotation, alignés suivant la direction du champ magnétique interstellaire. Le graphite est aussi responsable de la forte absorption à 2 200 Å, dans l’ultraviolet. D’autre part, l’émission infrarouge de la région poussiéreuse située au centre de la nébuleuse d’Orion suggère la présence de silicates comme l’olivine (Mg,Fe)2SiO4 ou l’enstatite (Mg,Fe)SiO3. Un mélange de graphite, de silicates et de carbure de silicium donne, en laboratoire, un spectre qui coïncide bien avec le spectre observé aux diverses longueurs d’onde. Mais d’autres substances sont à l’essai, notamment le diamant.

Le mécanisme de formation des grains le plus généralement admis est l’accrétion : un germe naît de la rencontre de deux atomes, formant une molécule ou un radical libre et est capable de croître ensuite par capture des atomes qui viennent le frapper. Il faut 30 millions d’années pour qu’un grain atteigne 0,1 μ. Mais il ne peut croître indéfiniment, car il a de grandes chances d’être détruit par les photons, les électrons et les atomes du milieu interstellaire.


Nébuleuses diffusantes

Ce sont des nébuleuses brillantes. Leurs poussières diffusent la lumière d’étoiles voisines. Le spectre de la lumière reçue de la nébuleuse est analogue au spectre de l’étoile qui l’éclaire, avec les mêmes raies d’absorption ou d’émission. Néanmoins, la nébuleuse est plus bleue et l’est davantage en ses points les plus éloignés de l’étoile. C’est le résultat de la déviation sélective des rayonnements par les poussières, les plus courtes longueurs d’onde étant les plus déviées.


Régions H II

Ce sont des nébuleuses ayant un spectre d’émission propre et entourant des étoiles chaudes, lumineuses, de type spectral O ou B, de température supérieure à 20 000 K. Le rayonnement ultraviolet intense de ces étoiles y ionise les atomes d’hydrogène neutre H I, les dissociant en électrons et en ions H II (qui sont des protons) d’où le nom de ces nébuleuses. Dans la nébuleuse d’Orion, la mieux connue, il y a plusieurs étoiles chaudes noyées dans la masse gazeuse.

Plusieurs processus physiques sont responsables de la lumière émise par le gaz et produisent des spectres caractéristiques différents.
1o Le continu thermique est dû aux électrons arrachés aux atomes d’hydrogène par les photons ultraviolets qui se déplacent dans le gaz. Quand un de ces électrons négatifs passe au voisinage d’un proton positif, il est attiré, dévié et perd de l’énergie sous forme d’un rayonnement dont la longueur d’onde dépend de la vitesse de l’électron. Comme ces vitesses peuvent avoir une suite continue de valeurs, le spectre est continu.
2o Les raies de fluorescence sont dues à la capture des électrons par des protons du gaz et à la reconstitution d’atomes d’hydrogène neutre. Le nouvel atome formé est d’abord excité, puis perd son excitation et revient à son état fondamental en émettant des raies, notamment les raies de Balmer dans le visible, dont la raie rouge Hα. Presque aussitôt l’électron est de nouveau arraché par un autre photon.
3o Les raies de Bowen sont les raies bleues et violettes de l’oxygène et de l’azote ionisés, intensifiées par suite d’une double coïncidence : l’hélium qui est ionisé également émet, par recombinaison avec un électron, un rayonnement à 304 Å qui correspond exactement à l’énergie d’excitation d’un atome d’oxygène ionisé, sur un de ses niveaux. Cet atome, en perdant son excitation, émet des raies violettes et ultraviolettes, ainsi qu’une raie à 374 Å qui correspond exactement à l’énergie d’excitation d’un atome d’azote ionisé. Cet atome perd son excitation à son tour, en émettant des raies violettes et ultraviolettes d’une intensité bien plus grande que ne le ferait l’excitation par collisions avec les électrons du gaz.
4o Les raies interdites, dues aux atomes d’oxygène ionisé O II, O III et d’azote ionisé N II, peuvent être excitées dans des états qui ont une durée de vie très longue, de quelques heures, avant de revenir à l’état fondamental en émettant un rayonnement. Ces états sont dits métastables. La durée de vie d’un état excité normal est de 10–8 à 10–7 s. Dans un laboratoire terrestre, la densité est telle, même dans les vides les plus poussés, que de nouvelles collisions modifient l’état d’excitation d’un atome dans un état métastable, avant qu’il revienne, par rayonnement, à son état fondamental. Les raies correspondantes ne sont donc jamais émises sur Terre, mais elles peuvent l’être dans une région H II où la densité est inférieure à 106 atomes par centimètre cube. Les premiers astronomes qui observèrent ces raies les attribuèrent à un élément inconnu sur Terre et présent dans les nébuleuses, qu’ils appelèrent le Nébulium.