Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Aquitaine (suite)

L’accession au trône de France de ce dernier entraîne la disparition définitive du royaume, que le comte de Poitiers Rannoux II tente de restaurer à son profit (888). Contraint par le roi Eudes de renoncer à son titre royal pour celui de « Dux maximae partis Aquitaniae », qu’il lui retire d’ailleurs presque aussitôt (889-890), Rannoux II jette les bases d’un duché formel, dont le titulaire exerce sur le sud-ouest de la France une prééminence officieuse, mais riche de possibilités futures, raison pour laquelle la chancellerie royale ne reconnaît son existence qu’en 989. Aussi, les comtes de Toulouse, d’Auvergne et de Poitiers se disputent-ils ce titre, qu’ils portent respectivement de 936 à 941, de 909 à 928 et, pour les derniers, de 928 à 936 et de 941 à 1037.

Illustré en particulier par Guillaume IV Fierebrace (963-994), qui se proclame lui-même « duc de toute la monarchie des Aquitains » (984), ainsi que par le prince des troubadours, Guillaume IX (1086-1127), dont la poésie en langue romane révèle le raffinement de la civilisation occitane, le duché perd son indépendance de fait au xiie s. En effet, à la mort de Guillaume X (1127-1137), sa fille unique Aliénor l’apporte en dot d’abord au roi de France Louis VII, en 1137, puis, après son divorce, à son second époux, le comte d’Anjou, Henri Plantagenêt (1152), héritier du royaume d’Angleterre (1154). Renforçant tour à tour la puissance territoriale et politique du royaume capétien, puis de l’« Empire angevin », l’Aquitaine devient dès lors le champ clos de leurs rivalités.

En fait, jusqu’au xiie s., ce duché n’a pas d’unité réelle. Contraint trop souvent de recourir à la force pour asseoir son autorité sur ses vassaux ou pour s’emparer de leurs fiefs (duché de Gascogne, comté de Toulouse), le duc d’Aquitaine ne possède que les institutions du comté de Poitiers. Il n’en est plus de même après 1137 : le titre comtal disparaît au profit du seul titre ducal, porté tour à tour par Louis VII, par Aliénor d’Aquitaine et par son fils Guillaume. Une cour s’organise autour d’Aliénor sur le modèle de celle de Paris, avec de grands officiers ; connétable, chancelier et surtout sénéchal, dont l’autorité administrative s’étend à la totalité du duché en 1147.

Prenant modèle sur les institutions normandes, Henri II subordonne en 1156 les prévôts à des sénéchaux, dont il fixe le nombre à six en 1174, mais qu’il paraît avoir supprimés après sa réconciliation avec son fils Richard.

Amputée des comtés de Toulouse et d’Auvergne au xiie s. ainsi que de celui de Poitiers, occupé par les Capétiens en 1204 et surtout en 1224 (v. Jean sans Terre), privée d’un souverain particulier après la mort de la reine Aliénor en 1204, l’Aquitaine ne retrouvera plus jamais son unité. Si le Capétien en revendique le titre, puisqu’il confie ce duché en fief à Aimery de Thouars, qui ne contrôle, en réalité, que la sénéchaussée du Poitou, le Plantagenêt le porte également, alors qu’il ne contrôle pratiquement plus que le seul duché de Gascogne*, définitivement occupé par Charles VII en 1453 (victoire de Castillon et prise de Bordeaux). Juridiquement et politiquement, l’Aquitaine n’est plus, mais elle renaît partiellement sous les apparences de la Guyenne* (déformation du mot Aquitaine), qui apparaît dès 1259 dans le traité franco-anglais de Paris.

P. T.

➙ Gascogne / Guyenne.

 A. Richard, Histoire des comtes de Poitou (778-1204) [A. Picard et fils, 1903-1905 ; 2 vol.]. / L. Auzias, l’Aquitaine carolingienne (778-987) [Didier-Privat, Toulouse, 1938]. / R. Boutruche, la Crise d’une société : seigneurs et paysans du Bordelais pendant la guerre de Cent Ans (Les Belles Lettres, 1948). / J. Boussard, le Gouvernement d’Henri II Plantagenêt (D’Argences, 1957). / Y. Renouard, « les Institutions du duché d’Aquitaine », dans Histoire des institutions françaises au Moyen Âge sous la dir. de F. Lot et R. Fawtier, t. I, les Institutions seigneuriales (P. U. F., 1957). / P. Barrère, R. Heisch et S. Lerat, la Région du Sud-Ouest (P. U. F., 1962 ; 2e éd., 1969). / C. Higounet (sous la dir. de), Histoire de l’Aquitaine (Privat, Toulouse, 1971). / S. Lerat, l’Aquitaine (Larousse, 1974).

Arabes

Peuple dont la langue, l’arabe, fait partie du groupe méridional des langues sémitiques.



Les Arabes et l’arabisme

Les Arabes ne constituent pas une race, et, jusqu’à présent, leur ensemble n’a jamais formé une nation-État de type moderne. Il faut les regarder comme un peuple ou une ethnie dont les signes distinctifs sont (sauf exception) l’usage d’un dialecte arabe comme langue courante et l’emploi de la langue arabe classique comme langue écrite de culture. Comme tous les peuples, les Arabes se posent en s’opposant. Dès l’Antiquité, les étrangers percevaient une unité entre les habitants de l’Arabie, alors que ceux-ci regardaient les autres comme des étrangers. Pourtant, ils formaient en réalité une constellation de tribus en lutte perpétuelle les unes contre les autres. Mais, outre la langue, des traits culturels leur étaient communs, ainsi que certaines institutions intertribales. Dès 328 de l’ère chrétienne, un chef de tribu se prétend « roi de tous les Arabes ». À partir de 610, le prophète Mahomet (Muḥammad) se considère comme messager de Dieu, apportant aux Arabes une version spécifique, à eux destinée, d’une révélation monothéiste qui avait déjà atteint les juifs et les chrétiens.

Il y a donc, dès cette époque, une conscience ethnique arabe, plus ou moins diffuse, que développe au maximum la conquête par les Arabes, au viie s., sous le drapeau de l’islām, d’un immense empire, où ils forment la caste dominante et privilégiée. En 750, la révolution ‘abbāsside instaure un empire musulman où les diverses ethnies (Arabes, Persans, Turcs, etc.) sont désormais traités à égalité, avec cependant quelques privilèges honorifiques dévolus aux Arabes. En même temps, en dehors de l’Arabie, berceau originel de ce peuple, une zone déterminée de l’Empire musulman s’est arabisée, plus par assimilation des indigènes que par émigration massive et sans que tous les arabisés deviennent musulmans. Une polémique fait rage alors sur les qualités respectives des diverses ethnies. Mais elle se cantonne sur le terrain littéraire et dans la concurrence pour le contrôle de postes administratifs influents. Les Arabes (très souvent des arabisés) peuvent se targuer de parler la langue de la révélation divine, d’être le peuple où s’est implanté le message de vérité lancé par le Prophète arabe, le dernier et le plus parfait des prophètes.