Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mill (John Stuart) (suite)

Comme solutions à leur porter, il convient en premier lieu que les sociétés avancées limitent la croissance démographique par le contrôle des naissances, car il s’agit avant tout d’élever le niveau de vie par habitant. On trouve ici une résurgence du malthusianisme*. L’association capital-travail et la coopérative de production paraissent, par ailleurs, des solutions à privilégier. Mais le remède le plus curieux (s’apparentant, fait étrange, à un courant d’opinion qui fleurira plus d’un siècle après Mill) réside dans une société qui serait parvenue à un état stationnaire, c’est-à-dire à un point où la masse de capital cesserait d’augmenter. Mill constata d’ailleurs que la baisse du taux des profits est automatique et conduit précisément les sociétés occidentales à l’arrêt de l’accumulation du capital par la disparition du motif même de cette accumulation.


Un adepte de la croissance-zéro ?

« Je ne puis éprouver », écrit Stuart Mill, « pour l’état stationnaire des capitaux et de la richesse cette aversion sincère qui se manifeste dans les écrits des économistes de la vieille école. Je suis porté à croire qu’en somme il serait bien préférable à notre condition actuelle. J’avoue que je ne suis pas enchanté de l’idéal de vie que nous présentent ceux qui croient que l’état normal de l’homme est de lutter sans fin pour se tirer d’affaire, que cette mêlée où l’on se foule aux pieds, où l’on se coudoie, où l’on s’écrase, où l’on se marche sur les talons et qui est le type de la société actuelle, soit la destinée la plus désirable pour l’humanité, au lieu d’être simplement une des phases désagréables du progrès industriel. »

Keynes* et J. Schumpeter prouveront que l’on ne peut imaginer de système capitaliste stationnaire. La position de Stuart Mill est, dans ce cadre, difficile à soutenir, car il opte en quelque sorte pour un compromis : Mill souhaite conserver le capitalisme*, mais en arrêtant la croissance*, en stoppant le développement des forces productives.

La théorie de Stuart Mill concernant la détermination des termes de l’échange entre deux pays est mieux appuyée et paraît plus solide. Pour Stuart Mill, les termes de l’échange dépendent de l’importance, dans chaque pays, de la demande* de produits nationaux formulée par les autres pays : en d’autres termes, la demande qui existe dans chaque pays pour les produits de l’autre. C’est ce qu’on a pu appeler la loi de Mill, dont il apparaîtra cependant plus tard que la portée est, en fait, assez limitée.

Les principales œuvres de Stuart Mill

A System of Logic, Ratiocinative and Inductive (1843) ;

Essays on Some Unsettled Questions of Political Economy (1844) ;

Principles of Political Economy (1848) ;

On Liberty (1859) ;

Considerations on Representative Government (1861) ;

Utilitarianism (1861, dans Fraser’s Magazine ; 1863 : publication séparée) ;

Examination of Sir William Hamilton’s Philosophy (1865) ;

Auguste Comte and Positivism (1865) ;

England and Ireland (1868) ;

Autobiography (1873).

J. L.

➙ Économique (science).

 F. Arata, La logica di J. Stuart Mill e la problematica etico-sociale (Milan, 1964). / H. Jacobs, Rechtsphilosophie und politische Philosophie bei John Stuart Mill (Bonn, 1965). / H. Denis, Histoire de la pensée économique (P. U. F., 1966 ; 3e éd., 1971). / J. M. Robson, The Improvemenf of Mankind, the Social and Political Thought of John Stuart Mill (Toronto, 1968).

millénarisme

Tendance de l’esprit religieux qui le conduit à privilégier l’aspect eschatologique des croyances.


Il se rencontre aussi bien dans les religions primitives sous le mythe de l’« âge d’or » que dans la religion chrétienne, dans l’islām ou le bouddhisme.


Généralités

Dans l’islām, ce courant s’est cristallisé autour de la personne du Mahdī, sorte de messie, qui est à l’origine d’un mouvement politico-religieux, le madhisme, dans le Soudan de la fin du xixe s. (Les Anglais subirent des défaites cuisantes de 1881 à 1885, infligées par les partisans fanatisés du Madhī.)

Une des caractéristiques du millénarisme est de mêler bien souvent les thèmes religieux et les revendications politiques : il en va ainsi du mouvement anabaptiste de Thomas Münzer au xvie s. (v. anabaptistes).

Dans la tradition judéo-chrétienne, le millénarisme connut son apogée durant les trois premiers siècles du christianisme. Pour la pensée juive, la vraie vie était sur terre, le châtiment des méchants comme la récompense des justes devaient trouver leur sanction en ce monde ; de même, le règne du Messie serait un règne temporel, le bonheur sans fin était promis à tous les élus sur cette terre.

Des Pères de l’Église, tels saint Justin, saint Irénée ou Tertullien, furent millénaristes. Après saint Augustin, l’Église se montra nettement défavorable à ces mouvements d’anarchie spirituelle qui troublaient la tranquillité d’une Église hiérarchisée et fortement institutionnalisée.

Cet aspect trop temporel finit par rebuter, bien qu’Origène au iiie s. l’eût déjà spiritualisé. L’Église au concile d’Éphèse en 431 n’en condamna pas moins le millénarisme et s’employa à lui substituer un millénarisme céleste, rejeté dans l’au-delà, celui du jugement dernier, plus problématique, mais moins dangereux que le premier pour la vie des sociétés.

Le millénarisme temporel continua malgré tout à fasciner les foules ; des prophètes-messies prêchèrent à partir du xiie s. le refus du monde, de l’ordre social et particulièrement de la société ecclésiastique. Tels furent Tanchelijn (Tanchelm) aux Pays-Bas, Pierre de Bruys en Provence et en Dauphiné, Éon de l’Étoile en Bretagne, Arnaud de Brescia en Italie.

Bien souvent, ces messies prirent l’aspect de princes temporels comme le célèbre Maître de Hongrie, qui déclencha en 1251 en France la révolte des « Pastoureaux », ou bien apparurent de faux empereurs comme Baudouin de Constantinople ou l’empereur Frédéric d’Allemagne. À l’époque des croisades, ce mouvement se retrouve dans la « croisade des pauvres gens » de Pierre l’Ermite et de Gautier sans Avoir. Les foules qui suivaient ces meneurs étaient composées en général de malheureux, de pauvres, de femmes et aussi de très jeunes gens.

L’Église, comme les pouvoirs laïques, lutta vigoureusement contre ces manifestations ; les chefs furent brûlés, les foules dispersées.