Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

médaille (suite)

La médaille et les médailleurs

Le principal intérêt de la médaille est de présenter un double caractère, esthétique et commémoratif.

Les tessères et les contorniates des Romains, qui se prêtaient à diverses utilisations courantes, ne peuvent être considérés comme des médailles. Par contre, dès le Moyen Âge, en Italie, on appelait medaglia les monnaies n’ayant plus cours, mais que l’on collectionnait pour leur beauté et aussi en raison de leur valeur de document d’histoire.

C’est à la fin du xive s., en Italie, que furent exécutées les premières médailles, inspirées des monnaies romaines ; elles étaient à l’effigie des ducs de Ferrare et de Padoue. Jean de France, duc de Berry*, en posséda des répliques, les fit copier par des miniaturistes, puis en commanda au peintre français Michelet Saumon (actif de 1401 à 1416).

Italiennes ou françaises, ces premières médailles ont été réalisées à l’aide d’une des trois techniques suivantes : frappe au marteau à partir de coins métalliques gravés ; fonte opérée dans un moule en creux ; emboutissage, à la façon des orfèvres, de deux plaques minces de métal soudées l’une à l’autre, les creux à l’intérieur restant vides. Ce dernier procédé est vite tombé en désuétude.

Pisanello* produisit au xve s., en Italie, toute une série de chefs-d’œuvre coulés. Il manifesta dans la médaille l’équivalent de ses hautes qualités de peintre : portraits loyalement individualisés ; fermeté du dessin ; modelé tout à la fois énergique et sensible ; sens exact de la composition plane ou en perspective ; vérité des formes ainsi que du comportement naturel de l’homme ou de l’animal dans les scènes représentées. Parmi ces œuvres, où l’art des temps modernes s’annonce, les médailles de l’empereur Jean VIII Paléologue* (1439), de Lionel d’Este, de Cécile de Gonzague sont les plus souvent citées. Pisanello eut dans son temps de remarquables émules, comme Matteo De’Pasti (1420 - v. 1468) et Cristoforo di Geremia (1430-1476), dont le style ne manque pas de personnalité, mais aussi des imitateurs qui, non sans succès, édulcorèrent l’art du maître. Au xvie s., où la vogue de la médaille s’accentua, se distinguèrent surtout Leone Leoni (1509-1590), Benvenuto Cellini* et Jacopo Primavera qui, comme Cellini, vint séjourner en France (entre 1568 et 1585), de même que Giovanni Candida (v. 1450 - v. 1504). Ce dernier devait être le principal introducteur, dans notre pays, du goût et de la technique des médailleurs italiens.

Les réalisations dues à l’initiative du duc de Berry étaient demeurées sans lendemain ; à la fin du xve s., les médailles françaises ne se différenciaient guère des monnaies et des sceaux de l’époque gothique. Elles étaient, en général, frappées par des orfèvres. Les imitations, coulées, des productions de Pisanello et de ses continuateurs ne se multiplièrent que sous le règne de François Ier (dont presque tous les portraits métalliques ont été exécutés par des artistes italiens). Ce fut Henri II qui fit substituer à la frappe au marteau la frappe au balancier (plus nette et plus rapide) ; mais c’est à Charles IX qu’est échu le mérite d’avoir, en 1572, nommé contrôleur général des Monnaies le grand sculpteur Germain Pilon*. On doit à celui-ci, entre autres chefs-d’œuvre, le célèbre médaillon du chancelier René de Birague, digne de supporter la comparaison avec les plus belles médailles de Pisanello ; il possède une puissance de réalisme tout à la fois élégant et profond, caractéristique du génie français. Le plus remarquable contemporain de Germain Pilon fut Étienne Delaune (1519-1583) [médaille d’Antoine de Navarre].

Les premières médailles allemandes offraient surtout un aspect décoratif qui les apparentait aux sceaux de l’époque gothique. À partir de 1520 et jusque vers 1570, elles allaient, bien que portant parfois la marque d’une influence italienne, présenter les caractères d’un style spécifiquement germanique, par la vigueur du réalisme alliée à l’autorité des rythmes de la composition. Principalement à Augsbourg, à Nuremberg et à Leipzig, ces médailles ont été ordinairement fondues par des orfèvres qui les retouchaient au ciselet. Alors que les Italiens commençaient par établir des modèles en cire, les Allemands taillaient les leurs dans le bois (surtout le buis) ou la pierre tendre ; ces modèles, conservés, ont plus d’une fois permis de retrouver le nom de l’auteur de certaines médailles disparues ou mal connues. De grands artistes, comme Dürer* (fils d’orfèvre), ou de moins glorieux, comme Peter Flötner (v. 1485-1546), ont épisodiquement contribué à fonder la renommée de la médaille allemande, dont les producteurs les plus actifs, au temps de Charles Quint et de Maximilien II, furent Hans Schwarz (né v. 1492) et Joachim Deschler († v. 1571).

Dans les Pays-Bas, il faut signaler une œuvre exceptionnelle de Quinten Matsys* (sa médaille par lui-même), l’Érasme italianisant attribué à l’humaniste et graveur Jean Second (Jan Everaerts, 1511-1536) ainsi que les médailles de Jacob Jonghelinck (1530-1606).

La première moitié du xviie s. français est dominée par l’œuvre de Guillaume Dupré (v. 1574-1647), qui fut contrôleur général des Monnaies de 1604 à 1639. Il pratiqua la médaille fondue dans un style dont la puissance et l’élégance allaient valoir désormais à la France l’ascendant précédemment exercé à travers toute l’Europe par l’Italie. Parmi ses principaux chefs-d’œuvre citons la médaille d’Henri IV et de Marie de Médicis commémorant la naissance du Dauphin, ainsi que les médailles de Nicolas Brulart de Sillery, de Louis XIII et de Richelieu. Son plus remarquable émule fut Jean Varin (ou Warin) [1604-1672], auteur, notamment, d’une médaille frappée lors de la prise de La Rochelle ainsi que des médaillons, ovales, de Michel de Beauclerc et de Tabarin, d’accent baroque.

Le goût de Louis XIV pour les médailles détermina une abondante production, mais qui ne fut qu’exceptionnellement au bénéfice de l’art. Les médailleurs du règne, artisans très habiles (utilisant de préférence le procédé de la frappe), étaient voués à la glorification du monarque et de son entourage ; ce fut l’Histoire métallique de Louis XIV, trésor officiel et illustration dithyrambique des faits et des actes significatifs de la grandeur royale. L’Académie des inscriptions et médailles (créée en 1663 et devenue Académie des inscriptions et belles-lettres) désignait les sujets et rédigeait en latin les devises. Les dessins étaient commandés à des artistes tels que Nicolas Delaunay (1647-1727), Antoine Coypel*, Sébastien Le Clerc (1637-1714), plus tard Edme Bouchardon*, et exécutés dans les ateliers royaux.