Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mann (Thomas) (suite)

Revenu en Europe en 1952, Thomas Mann refusa de vivre en Allemagne et s’établit près de Zurich. La raison, souvent méconnue, de cette décision était la fidélité à la nation allemande : le romancier refusait de choisir entre les deux Allemagnes ; il ne voulait se couper ni de l’Est ni de l’Ouest. On le vit bien quand, en 1955, il prit part à la célébration du cent cinquantième anniversaire de la mort de Schiller, fêté parallèlement à Stuttgart pour l’Ouest, à Weimar pour l’Est. Invité à l’un et l’autre endroit, Thomas Mann se rendit aux deux et prononça deux fois le même discours, imprimé ensuite sous le titre d’Essai sur Schiller (Versuch über Schiller).

La commémoration de Schiller avait eu lieu en avril 1955 ; quatre mois plus tard, Thomas Mann, âgé de quatre-vingts ans, mourait. Sa tombe est au cimetière de Kilchberg, près de Zurich, comme il l’avait voulu, pour affirmer paradoxalement son attachement à son pays. Cela rappelle aussi la signification européenne de sa carrière et surtout de son œuvre, réaliste et critique à la fois.

Heinrich Mann

(Lübeck 1871 - Santa Monica, Californie, 1950).

Influencé à ses débuts par l’esthétisme décadent de D’Annunzio, qui anime ses premiers romans (le Pays de cocagne [Im Schlaraffenland, 1900], les Déesses [Die Göttinnen, 1902]) et ses nouvelles (Flûtes et poignards [Flöten und Dolche, 1905]), il évolua vers une inspiration politique et sociale qui le poussa à faire de l’Allemagne wilhelmienne une peinture sans complaisance dans sa trilogie de l’Empire (Das Kaiserreich : le Sujet [Der Untertan, 1914], les Pauvres [Die Armen, 1917], la Tête [Der Kopf, 1925]), puis, après la Première Guerre mondiale, à soutenir la république de Weimar et à lutter contre le militarisme renaissant (Sept Années [Sieben Jahre, 1929], la Grande Affaire [Die grosse Sache, 1930], Une vie sérieuse [Ein ernstes Leben, 1932], la Jeunesse et la maturité du roi Henri IV [Jugend und Vollendung des Königs Henri Quatre, 1935-1938]). À l’avènement du nazisme, il s’exila en Tchécoslovaquie, puis en France et enfin aux États-Unis.

Malgré une œuvre considérable qui reflète toutes les tendances de la première moitié du xxe s., du naturalisme à l’expressionnisme, il doit la plus grande part de sa célébrité à son seul roman, le Professeur Unrat (1905), qui fournit le thème du film l’Ange bleu en 1930.

P. G.

 F. Lion, Thomas Mann (Zurich, 1947). / G. Lukács, Thomas Mann (Berlin, 1949 ; trad. fr., Maspero, 1966). / J. Lesser, Thomas Mann in der Epoche seiner Vollendung (Munich, 1952). / L. Leibnich, Thomas Mann (Éd. universitaires, 1954). / G. Fourrier, Thomas Mann, le message d’un artiste bourgeois (Les Belles lettres, 1960). / M. Deguy, le Monde de Thomas Mann (Plon, 1962). / H. Lehnert, Thomas Mann. Fiktion, Mythos, Religion (Stuttgart, 1965). / F. Tristan (sous la dir. de), Thomas Mann (l’Herne, 1973). / L. Leibrich, Thomas Mann (Aubier, 1974).

Mannerheim (Carl Gustav Emil)

Officier et homme d’État finlandais (Villnäs, près de Turku, 1867 - Lausanne 1951).


Le « George Washington » de la Finlande moderne, issu d’une ancienne famille suédoise établie en Finlande, poursuit, d’abord dans l’armée du tsar, qui règne alors sur son pays, une brillante carrière militaire. Instruit à l’école de cavalerie de Saint-Pétersbourg, lieutenant en 1889, il participe à la guerre russo-japonaise de 1904-05, où il se distingue en organisant la retraite de Mandchourie. En 1906-1908, il fait à cheval une expédition de caractère militaire en Asie centrale et en Chine, et sert en qualité de lieutenant général durant la Première Guerre mondiale.

Une fois l’indépendance de son pays proclamée en 1917, il regagne la Finlande, où, avec ses gardes blancs et l’aide des troupes allemandes de R. von der Goltz, il lutte victorieusement contre les révolutionnaires bolcheviks.

Le 14 décembre 1918, il est nommé régent de Finlande et exerce cette fonction jusqu’à l’établissement de la république et d’un régime démocratique. Il se retire de la scène politique après son échec dans la première élection présidentielle du nouvel État (juill. 1919) et se consacre alors à des activités de bienfaisance : ligue Mannerheim pour le bonheur de l’enfant, qu’il fonde en 1920, présidence de la Croix-Rouge en 1921, etc.

Président du Conseil de la défense territoriale à partir de 1931, il réorganise l’armée et se consacre à des ouvrages de défense militaire, dotant son pays de la célèbre « ligne Mannerheim », qui, à travers l’isthme de Carélie, protège sa patrie contre une éventuelle attaque soviétique. Il est nommé feld-maréchal en 1933. Avec le titre de commandant en chef des armées, il est chargé de défendre la Finlande durant la « guerre d’hiver » de 1939-40, tenant tête pendant trois mois à l’armée rouge et sauvant ainsi l’indépendance du pays. Quand la guerre reprend en juin 1941, il dirige de nouveau les opérations militaires. La défaite de la Finlande apparaissant inévitable, Mannerheim, maréchal depuis 1942, est élu président de la République (4 août 1944) afin de faciliter la conclusion de l’armistice. Il déclare la guerre à l’Allemagne en mars 1945.

L’évolution politique de son pays vers la gauche, son âge, son état de santé provoquent sa démission en mars 1946. Il quitte peu après la Finlande et réside le plus souvent en Suisse et en Suède. Il meurt à Lausanne à quatre-vingt-quatre ans le 27 janvier 1951. Le maréchal Mannerheim a écrit À travers l’Asie d’ouest en est de 1906 à 1908 (1940) ; ses Mémoires ont été publiées en 1952.

P. P. et P. R.

➙ Finlande.

 C. T. Borenius, Field-Marshal Mannerheim (Londres, 1940). / O. Warner, Marshal Mannerheim and the Finns (Londres, 1967).

Mannheim-Ludwigshafen

Villes « jumelles » d’Allemagne fédérale de part et d’autre du Rhin.



Mannheim

Le village de Mannheim (sur la rive droite, en Bade-Wurtemberg) mène une vie effacée jusqu’au début du xviie s. Jusqu’alors Heidelberg est la cité dominante. L’évolution des techniques militaires fait rechercher un site de plaine, propice pour la défense. Mannheim va être la place forte de l’Union protestante dans les pays du haut Rhin. Mais, en 1716, elle n’a encore que 3 360 habitants. Pourtant, en 1720, elle est choisie par l’Électeur du Palatinat Charles-Philippe (1716-1742) comme résidence princière. Celui-ci transforme complètement la ville, y construisant de très nombreux monuments. La forteresse est démolie et cède la place à un grand château de style baroque. Mannheim devient la « Barockstadt », titre qu’elle a gardé. La ville haute, ou « Oberstadt », groupée autour du château, a un caractère plus monumental que la ville basse, ou « Unterstadt », à l’aspect petit-bourgeois prédominant. La fonction princière entraîne le développement de la vie de cour et donc de la fonction culturelle. Mais, lorsque l’Électeur marque sa préférence pour Munich, un déclin provisoire atteint la cité. En 1819, Mannheim ne compte guère plus de 20 000 habitants. Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du xixe s. que la ville connaît une croissance rapide : 41 000 habitants en 1871 ; 194 000 en 1910 et 240 000 en 1925. Elle doit son essor rapide à l’amélioration des moyens de transport et des voies de communication. Le premier pont ferroviaire franchissant le Rhin est construit en 1867. Le Rhin est endigué et corrigé en amont de la ville. Longtemps Mannheim reste le terminus de la navigation rhénane. Le charbon de la Ruhr amène une industrialisation rapide. En 1895 la municipalité décide l’achat de l’île de Friesenheim, réservée à la création d’un port industriel. En moins de dix ans, 71 entreprises industrielles s’installent à Friesenheim. On y trouve de grands établissements : cellulose, papeterie, aciérie, huilerie, filatures. Grâce au port, Mannheim est un des plus grands centres minotiers d’Europe. Un consortium privé édifie à peu près en même temps, plus au sud, le port rhénan qui, dès 1903, compte 45 usines, dont une centrale thermique, une aciérie, une câblerie, des usines chimiques. À cette époque les ports jouent un rôle décisif. L’industrie, depuis, n’a cessé de se diversifier. Quelques grandes entreprises y ont installé des établissements de plusieurs milliers de travailleurs : Daimler-Benz, John Deere Lanz, Brown Boveri, Boehringer.