Mann (Thomas) (suite)
Revenu en Europe en 1952, Thomas Mann refusa de vivre en Allemagne et s’établit près de Zurich. La raison, souvent méconnue, de cette décision était la fidélité à la nation allemande : le romancier refusait de choisir entre les deux Allemagnes ; il ne voulait se couper ni de l’Est ni de l’Ouest. On le vit bien quand, en 1955, il prit part à la célébration du cent cinquantième anniversaire de la mort de Schiller, fêté parallèlement à Stuttgart pour l’Ouest, à Weimar pour l’Est. Invité à l’un et l’autre endroit, Thomas Mann se rendit aux deux et prononça deux fois le même discours, imprimé ensuite sous le titre d’Essai sur Schiller (Versuch über Schiller).
La commémoration de Schiller avait eu lieu en avril 1955 ; quatre mois plus tard, Thomas Mann, âgé de quatre-vingts ans, mourait. Sa tombe est au cimetière de Kilchberg, près de Zurich, comme il l’avait voulu, pour affirmer paradoxalement son attachement à son pays. Cela rappelle aussi la signification européenne de sa carrière et surtout de son œuvre, réaliste et critique à la fois.
Heinrich Mann
(Lübeck 1871 - Santa Monica, Californie, 1950).
Influencé à ses débuts par l’esthétisme décadent de D’Annunzio, qui anime ses premiers romans (le Pays de cocagne [Im Schlaraffenland, 1900], les Déesses [Die Göttinnen, 1902]) et ses nouvelles (Flûtes et poignards [Flöten und Dolche, 1905]), il évolua vers une inspiration politique et sociale qui le poussa à faire de l’Allemagne wilhelmienne une peinture sans complaisance dans sa trilogie de l’Empire (Das Kaiserreich : le Sujet [Der Untertan, 1914], les Pauvres [Die Armen, 1917], la Tête [Der Kopf, 1925]), puis, après la Première Guerre mondiale, à soutenir la république de Weimar et à lutter contre le militarisme renaissant (Sept Années [Sieben Jahre, 1929], la Grande Affaire [Die grosse Sache, 1930], Une vie sérieuse [Ein ernstes Leben, 1932], la Jeunesse et la maturité du roi Henri IV [Jugend und Vollendung des Königs Henri Quatre, 1935-1938]). À l’avènement du nazisme, il s’exila en Tchécoslovaquie, puis en France et enfin aux États-Unis.
Malgré une œuvre considérable qui reflète toutes les tendances de la première moitié du xxe s., du naturalisme à l’expressionnisme, il doit la plus grande part de sa célébrité à son seul roman, le Professeur Unrat (1905), qui fournit le thème du film l’Ange bleu en 1930.
P. G.
F. Lion, Thomas Mann (Zurich, 1947). / G. Lukács, Thomas Mann (Berlin, 1949 ; trad. fr., Maspero, 1966). / J. Lesser, Thomas Mann in der Epoche seiner Vollendung (Munich, 1952). / L. Leibnich, Thomas Mann (Éd. universitaires, 1954). / G. Fourrier, Thomas Mann, le message d’un artiste bourgeois (Les Belles lettres, 1960). / M. Deguy, le Monde de Thomas Mann (Plon, 1962). / H. Lehnert, Thomas Mann. Fiktion, Mythos, Religion (Stuttgart, 1965). / F. Tristan (sous la dir. de), Thomas Mann (l’Herne, 1973). / L. Leibrich, Thomas Mann (Aubier, 1974).