Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Luxembourg (grand-duché de) (suite)

Mais la sidérurgie avait pris une place si prépondérante dans toute la vie du grand-duché qu’elle créait parfois des situations embarrassantes. L’industrie luxembourgeoise était devenue quasi monolithique. En 1958, la sidérurgie occupait 62 p. 100 des actifs industriels, et ses produits constituaient 86 p. 100 des exportations ; l’économie dépendait du marché mondial de l’acier. D’autre part, le Luxembourg est un gros producteur de laminés, et le besoin s’est fait sentir d’une spécialisation et d’une élaboration accrues des produits. Le taux de croissance de la branche n’est pas suffisant. Enfin, l’A. R. B. E. D. est dominée par des capitaux étrangers (groupes Schneider et Société générale [de Belgique]) ; au cours des récentes années, elle a placé ses principales extensions hors du grand-duché, axant sa politique, au Luxembourg, sur l’amélioration de ses capacités de production.

Ainsi s’est fait sentir la nécessité d’une conversion, d’autant plus que de nombreuses activités traditionnelles sont en perte de vitesse, comme les industries extractives (pierre à bâtir, ardoises) ou encore les industries du cuir, développées en liaison avec l’élevage et le tan des chênes ; la ganterie de Luxembourg eut son heure de gloire. Le recul du textile a été stabilisé par le développement de la confection, et celui des industries du bois par la fabrication de meubles ou de contre-plaqué.

Par contre, d’autres industries traditionnelles sont plus prospères : l’édition et l’impression ; les faïenceries et les céramiques. Les industries alimentaires représentent 2 p. 100 de la valeur ajoutée industrielle ; ce sont essentiellement des laiteries, mais aussi des brasseries (bières de Diekirch), des distilleries de fruits, des fabriques de jus de fruits.

Les fabrications métalliques, qui présentent l’intérêt de valoriser la principale production nationale, se développent, occupant 3 000 personnes et arrivant au troisième rang pour l’emploi après la sidérurgie et la chimie. Les productions sont variées : pièces de fonderie, pompes, robinets, appareils de levage et de manutention, biens d’équipement pour la sidérurgie, machines-outils, montage automobile.


Le tourisme

Il occupe presque autant de personnes que les constructions mécaniques, plus de 2 500, et contribue pour plus de 1,5 p. 100 au produit national brut ; les dépenses touristiques sont estimées, en 1969, à 1 526 millions de francs. Le nombre des nuitées s’est élevé, en 1970, à 1 868 000, en augmentation de 66 p. 100 par rapport à 1961. Le grand-duché est remarquablement bien placé à côté du « triangle lourd » industriel de l’Europe, et les accès sont faciles. Il est bien équipé, depuis les campings jusqu’aux hôtels de classe internationale. À la variété et à la beauté exceptionnelles de ses paysages s’ajoute la richesse du patrimoine culturel. En Oesling, les grands versants boisés s’enfoncent au-dessous des plateaux cultivés, dominés par des châteaux. Clervaux, avec les toits rouges de son abbaye, est un très beau site touristique. Les villes de bordure sont aussi attachantes : Ettelbrück, Diekirch et Echternach, avec ses vieilles maisons et sa glorieuse abbaye fondée par saint Willibrord. La vallée de la Moselle est le site du vignoble, mais aussi des sports nautiques, et possède la vieille ville fortifiée de Grevenmacher et, à côté, la ville d’eau de Mondorf-les-Bains. Le Bon Pays a, lui aussi, de multiples attraits, notamment la pittoresque « petite Suisse » avec ses escarpements rocheux, la gorge du Loup, le célèbre Müllerthal, indépendamment de la capitale (v. article spécial).


La « reconversion »

Malgré ces quelques activités dynamiques, la nécessité se faisait sentir d’une « deuxième révolution industrielle ». L’énorme prépondérance de la sidérurgie n’avait pas seulement créé un déséquilibre structurel. Localisée dans le Sud-Ouest, la sidérurgie avait aussi créé un déséquilibre spatial, d’autant plus que la partie nord du pays voyait décliner ses activités agricoles et industrielles. Deux impératifs s’imposaient : diversifier les productions et les répartir plus équitablement en se préoccupant plus spécialement de l’Oesling et de sa bordure. Quelles sont les conditions offertes à cette conversion ?

Deux éléments ne sont pas favorables. D’abord, la main-d’œuvre est rare. L’accroissement naturel est très faible, et, en 1970, 83 p. 100 des nouveaux emplois industriels ont été couverts par des étrangers ; à côté, les besoins en personnel de la Sarre risquent de peser de plus en plus sur le marché. D’autre part, l’épargne nationale s’investit peu dans l’industrie, et il faut faire appel aux investissements publics et à des capitaux étrangers.

Le grand-duché a, comme source d’énergie, de l’électricité. Produite à partir des gaz de hauts fourneaux, elle était difficilement modulée et devenait insuffisante ; depuis quelques années, le pays produit de l’hydroélectricité : la Moselle et la Sûre ont été équipées ; la centrale la plus intéressante est celle de Vianden : elle achète du courant en heures creuses pour remonter l’eau de l’Our dans un lac créé sur le plateau et produit aux moments de pointe ; sa puissance installée est de l’ordre de 1 000 MW, sa productibilité avoisine 1 TWh. Près de la moitié de l’électricité du grand-duché est maintenant d’origine hydraulique.

L’approvisionnement en eau devenait préoccupant depuis 1960 ; il a trouvé sa solution dans la construction d’un réservoir de 62 millions de mètres cubes avec station de traitement à Esch-sur-Sûre.

Les facteurs particulièrement appréciés sont : la qualité de l’environnement naturel ; la situation centrale dans le Marché commun avec de bonnes conditions d’accès ; le système bancaire ; enfin, la stabilité politique et sociale.

Une première étape de cette conversion a été marquée, en 1950, par l’installation d’une usine de pneus (Goodyear) à Colmar-Berg, entre Luxembourg et Ettelbrück ; l’usine employait 400 personnes en 1951. En 1959, le gouvernement créa un « Bureau de développement industriel » et, le 2 juin 1962, une loi-cadre permettait d’accorder des avantages financiers et fiscaux aux nouvelles entreprises. En 1965 démarrent des unités de Du Pont de Nemours (films plastiques) à Contern et de Monsanto (textiles synthétiques) à Echternach. En 1967-68, Uniroyal (entoilages pour pneumatiques) s’installe à Steinfort. De petites unités se sont aussi implantées dans l’Oesling. En 1969, le gouvernement relance le mouvement. Goodyear s’adjoint une usine d’entoilages, un centre de recherches pour l’Europe, une usine de moules (Luxmold S. A.), une usine de câbles pour pneus (Luxwire S. A.), une piste d’essais ; ses effectifs passent de 400 en 1951 à 2 500 en 1971 et devraient atteindre 3 500 en 1975. S’installent également une fonderie d’aluminium à Troisvierges, une usine de ferro-alliages à Dommeldange, de montage de camions (General Motors) à Bascharage, une usine de fibres synthétiques à Mertert, une deuxième usine de câbles pour pneus (A. R. B. E. D. et National Standard).