Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

louage (suite)

Les obligations du locataire

Elles sont multiples : son obligation principale consiste évidemment dans le paiement des loyers (ou fermages) selon les modalités convenues et, à titre accessoire, de certaines contributions ou charges ; ses autres obligations ont pour but d’assurer la restitution de la chose louée en fin de bail : il doit donc jouir de la chose sans excès et conformément à sa destination, assurer les menues réparations (dites « locatives »), contrepartie des légères dégradations que son occupation entraîne ; d’une façon générale, il doit veiller à la conservation de la chose. En principe, il est possible pour le locataire de sous-louer ou de céder son bail.


La fin du contrat de louage

Le contrat de louage est un contrat essentiellement temporaire. La loi interdit les baux perpétuels. Le bail le plus long (bail emphytéotique) ne peut excéder une durée de 99 années (art. 937, alin. 2 du Code rural). Les causes d’extinction du contrat de louage sont : s’il est à durée déterminée, la survenance du terme ; s’il est à durée indéterminée, la manifestation par l’une des parties contractantes de sa volonté d’y mettre fin (congé). Mais le contrat de louage peut également prendre fin en cas de destruction fortuite de la chose louée ou d’inexécution par l’une des parties de ses obligations (ce qui ouvre à l’autre contractant le droit de demander la résiliation). Le décès des contractants ou de l’un d’eux ne met pas fin, en principe, à la convention, qui continue avec les héritiers du (ou des) contractants) décédé(s).


La législation récente en matière de louage de choses

L’évolution récente de la législation du louage obéit à des préoccupations contradictoires. Au lendemain de deux grandes guerres mondiales, et en raison aussi de la dépréciation constante de la monnaie*, diverses crises économiques et sociales ont rendu insuffisants les textes du Code civil. Aussi le législateur est-il intervenu pour régler par voie impérative les conflits d’intérêts entre les propriétaires et les locataires (intervention en faveur de ces derniers, qui forment une classe plus nombreuse, socialement et politiquement plus intéressante). Les lois de l’après-guerre ont ainsi modifié les louages de locaux d’habitation ou à usage professionnel (cf. notamment la loi du 1er sept. 1948), les baux commerciaux (décret-loi du 30 sept. 1953) et même les baux ruraux (statut du fermage, loi d’orientation agricole, etc.).

Ces législations spéciales, dérogatoires au droit commun du louage de choses, se caractérisent par un renforcement singulier du droit du locataire ; et le caractère temporaire du bail est perdu de vue, au point que l’on peut parler à l’heure actuelle de « propriété locative », « propriété commerciale » ou « propriété culturale ». Ces lois consacrent le maintien des situations acquises soit en accordant au locataire ou à ses ayants droit le maintien dans les lieux à l’expiration du bail, voire en lui donnant (comme dans le bail rural) un droit de préemption sur tout acquéreur de la chose louée, soit en octroyant au preneur un droit au renouvellement du bail. À l’inverse, les droits du propriétaire s’amenuisent : on lui interdit, sauf exception, de reprendre le bien loué, ou on ne le lui permet que moyennant le versement d’une forte indemnité d’éviction ; on lui interdit même parfois de discuter librement du prix du loyer, qui est fixé impérativement par la loi en fonction de certains éléments de calcul.

Toute cette législation n’est cependant pas sans inconvénients, notamment d’ordre économique. Et on envisage même, à l’heure actuelle, un retour progressif à la liberté contractuelle. En effet, cette réglementation impérative s’est révélée malthusienne à bien des égards. Les propriétaires et capitalistes ont perdu le goût d’investir aux fins de location, et les locataires ne peuvent pas toujours utiliser la chose louée au mieux de l’intérêt général. Aussi tout le mouvement législatif le plus récent a-t-il pour objet d’encourager certaines formules nouvelles, destinées à favoriser les investissements*. Il faut citer particulièrement en ce sens la loi du 16 décembre 1964 créant le bail à construction, qui confère au locataire un droit réel sur le terrain loué ; le locataire s’engage à édifier des constructions sur ce terrain, le bailleur devenant propriétaire de ces constructions à l’expiration du bail, qui peut durer entre 18 et 70 ans. La loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967 institue le contrat de concession immobilière : le propriétaire d’un immeuble bâti ou non bâti en confère la jouissance à une personne, dénommée concessionnaire, pour une durée de 20 années au minimum et moyennant le paiement d’une redevance. Une très grande liberté est laissée aux contractants dans l’établissement de leur contrat ; le but est de donner au locataire la stabilité, mais sans pour autant lui conférer un droit de renouvellement ; en contrepartie, les droits du concessionnaire sont sensiblement plus étendus que ceux d’un locataire ordinaire. Dans le même ordre d’idées, mais en matière immobilière comme mobilière, la loi du 2 juillet 1966 relative aux entreprises pratiquant le crédit-bail* (ou leasing) réglemente le contrat par lequel une société de financement achète un bien de production ou devient propriétaire d’un immeuble à usage professionnel en vue de louer ce bien à un entrepreneur (avantages fiscaux). À l’issue du contrat, le locataire du bien peut, à son gré, y mettre fin, le renouveler à des conditions plus avantageuses, acheter la chose louée pour sa valeur résiduelle.

Ces quelques exemples montrent que le contrat de louage est susceptible de nombreuses adaptations et peut rendre des services fort utiles pour peu qu’on laisse une certaine liberté contractuelle aux éventuels intéressés.

A. V.

 J. Voulet, Toutes les Questions pratiques sur les baux d’habitation et professionnels (Delmas, 1956 ; 6e éd., 1972).