Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Liechtenstein (suite)

Celui-ci reçut l’éducation d’un grand seigneur protestant ; avec son ami Karel Žerotín (1564-1636), il fit des études à Genève et à Bâle. Très vite, il fut investi de responsabilités administratives en Moravie, tandis qu’un mariage avec une des plus riches héritières du pays augmentait sa fortune. Sa conversion au catholicisme marqua un tournant décisif dans sa carrière ; en 1600, il était nommé conseiller d’État de l’empereur Rodolphe II, auquel il prêtait, en outre, des sommes considérables. En 1604, il devenait gouverneur de la Moravie, qu’il faisait basculer, en 1608 dans le camp de l’archiduc Mathias, ce qui lui valut, pour lui et sa famille, la dignité de prince de l’Empire. De 1612 à 1618, il demeura à l’écart de la vie politique, tandis qu’il achetait le duché de Troppau en Silésie. Au début de la guerre de Trente Ans, il se rangea sans hésiter du côté des Habsbourg. Gouverneur de Bohême en 1621, il eut à diriger la répression après la défaite des rebelles à la Montagne Blanche, mais il profita des confiscations pour élargir encore son patrimoine.

Son frère Gundakar (1580-1653) tenta de poursuivre son œuvre politique, mais, d’esprit indépendant, il n’exerça pas longtemps la charge de grand maître de la Cour que lui avait octroyée Ferdinand II en 1627 et paraissait rarement au Conseil d’État.

Cette attitude hautaine caractérisa dès lors la famille, que l’on retrouvait rarement au premier rang de la vie politique viennoise. Les Liechtenstein préféraient visiblement gérer leur immense fortune plutôt que de siéger régulièrement dans les conseils de gouvernement. Le prince Jean Ier Joseph (1760-1836), obéissant à une profonde vocation militaire, s’illustra comme soldat tout au long des guerres de la Révolution et de l’Empire ; il fut à Aspern un des brillants adjoints de l’archiduc Charles et un adversaire redoutable de l’armée française. De nos jours, le prince François-Joseph II (né en 1906) mène une vie paisible entre son magnifique palais baroque de Vienne (œuvre de D. Martinelli) et le château de sa petite capitale, Vaduz, le centre de gravité s’étant déplacé vers l’ouest depuis 1945.

J. B.

lied

Terme allemand adopté en français (pl. des lieder) et qui désigne un chant strophique pour une ou plusieurs voix, avec ou sans refrain, accompagné ou non, de style, de formes et de dimensions variables, dans lequel le verbe s’unit intimement à la musique. Il s’applique à toutes sortes de pièces profanes (chansons, ballades, romances, mélodies) ou religieuses. On distingue le lied artistique (Kunstlied) et la chanson populaire (Volkslied). Bien que les deux genres se soient parfois interpénétrés, le Kunstlied est lié à l’histoire littéraire autant qu’à l’histoire musicale.


À l’origine, le lied est un poème en vers de caractère épique. Le Hildebrandslied, fragment de la geste de Théodoric, roi des Ostrogoths, était chanté. Au début du xiiie s., il qualifie un genre de poésie courtoise chantée, le Minnesang, imité de l’art des troubadours et des trouvères. Les Minnesänger (Minne = amour ; Sänger = chanteurs) composent des lieder inspirés de la canso (chanson d’amour provençale), de la chanson d’aube (Tagelied), de la chanson de croisade (Kreuzlied), etc., auxquels Walther von der Vogelweide (v. 1170 - v. 1230) et ses émules impriment un lyrisme personnel, fort éloigné de l’art populaire. Mais, aux xive, xve et xvie s., les Meistersinger (maîtres chanteurs), bourgeois et artisans amateurs, substituent à l’art courtois un art polyphonique pesant, sans spontanéité ni finesse.

Ce n’est qu’au xviie s., après les expériences monodiques et l’adoption du style concertant, que le lied prend une vigueur nouvelle. Les premiers compositeurs, Hans Leo Hassler (1564-1612), Schütz* (1585-1672) et Johann Hermann Schein (1586-1630), ne participent qu’indirectement à cette renaissance. Ils ne respectent pas le principe de la forme strophique en vers d’égale longueur, grâce auquel le lied se distingue du chant continu des Italiens. Heinrich Albert (1604-1651), par contre, passe pour le créateur du lied moderne. Ses Arien oder Melodeien (1638-1650) pour une voix et basse continue ne sont, cependant, pas tous originaux ; on y compte bon nombre de monodies italiennes et plus rarement des airs de cour français. Andreas Hammerschmidt (1612-1675), dans ses odes profanes (Weltliche Oden, 1642-43), et surtout Adam Krieger (1634-1666), dans ses Arien (1657-1676) de une à cinq voix, montrent plus d’invention. Ce dernier, poète, musicien de la cour de Dresde, fait la synthèse du lied et de la monodie accompagnée.

À partir de 1670, le lied subit l’influence de la musique dramatique. Si Johann Wolfgang Franck (v. 1640 - v. 1710) sait assez bien concilier les deux genres dans ses Geistliche Lieder (1681), Philipp Heinrich Erlebach (1657-1714), dans Harmonische Freude (Joie harmonique, 1697-1710), use parfois de l’air à da capo. Vers la fin du siècle, le lied, qui ne s’accommode pas des répétitions, des vocalises et des ornements de l’opéra, disparaît. Il s’insinue toutefois dans le Singspiel (opéra-comique allemand), qui met en scène des personnages de la vie quotidienne et contient des couplets sans façon — de vrais lieder —, parfois comiques. Après Reinhard Keiser (1674-1739) et Johann Adam Hiller (1728-1804), Mozart* illustrera brillamment, dans l’Enlèvement au sérail (1781-82) et la Flûte enchantée (1791), cet art moins policé, moins savant, moins conventionnel que celui de l’opéra, et qui semble le dernier refuge de la sentimentalité populaire.

Vers le milieu du xviiie s., cette tendance latente de l’âme allemande trouve dans la révolution littéraire du Sturm und Drang un moyen d’expression prédestiné. En réaction contre le rationalisme classique, Johann Gottfried Herder (1744-1803), puis Goethe* redécouvrent les formes primitives du langage et du sentiment que la culture n’a pas défigurées, ainsi que le rythme chantant du Volkslied. Entre-temps, l’école de Berlin fraie la voie au nouveau lied romantique. Christian Gottfried Krause (1719-1770) et Friedrich Wilhelm Marpurg (1718-1795) réunissent dans des anthologies des chants faciles munis d’un léger accompagnement de clavier de Telemann*, de Karl Heinrich Graun (1704-1759), de Franz Benda (1709-1786) et de Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788). Johann Abraham Peter Schulz (1747-1800) publie des Lieder im Volkston (dans le style populaire) de 1782 à 1790. Le Souabe Johann Rudolf Zumsteeg (1760-1802), Johann Friedrich Reichardt (1752-1814) et Karl Friedrich Zelter (1758-1832) mettent en musique des poèmes de Goethe, de Schiller* et de Herder, en modifiant parfois, selon leur contexte, la mélodie des strophes. Mais déjà de grands musiciens s’essaient au lied et le libèrent de l’esprit de l’air. Chez Mozart, la facture reste simple ; chez Haydn*, elle devient plus complexe, parfois plus dramatique. Beethoven* pressent mieux la puissance expressive du lied, mais son lyrisme reste grave. On lui doit le premier cycle de lieder, An die ferne Geliebte (À la bien-aimée lointaine, 1816). Malgré l’importante partie de piano et la reprise, à la fin, du thème initial, Beethoven ne parvient pas à susciter l’atmosphère psychologique qui auréole un de ses derniers lieder, Résignation (1817). Bien que plus représentatif de l’esprit romantique, Weber* conserve encore à ses lieder, comme Beethoven, une tenue classique.