Terme allemand adopté en français (pl. des lieder) et qui désigne un chant strophique pour une ou plusieurs voix, avec ou sans refrain, accompagné ou non, de style, de formes et de dimensions variables, dans lequel le verbe s’unit intimement à la musique. Il s’applique à toutes sortes de pièces profanes (chansons, ballades, romances, mélodies) ou religieuses. On distingue le lied artistique (Kunstlied) et la chanson populaire (Volkslied). Bien que les deux genres se soient parfois interpénétrés, le Kunstlied est lié à l’histoire littéraire autant qu’à l’histoire musicale.
À l’origine, le lied est un poème en vers de caractère épique. Le Hildebrandslied, fragment de la geste de Théodoric, roi des Ostrogoths, était chanté. Au début du xiiie s., il qualifie un genre de poésie courtoise chantée, le Minnesang, imité de l’art des troubadours et des trouvères. Les Minnesänger (Minne = amour ; Sänger = chanteurs) composent des lieder inspirés de la canso (chanson d’amour provençale), de la chanson d’aube (Tagelied), de la chanson de croisade (Kreuzlied), etc., auxquels Walther von der Vogelweide (v. 1170 - v. 1230) et ses émules impriment un lyrisme personnel, fort éloigné de l’art populaire. Mais, aux xive, xve et xvie s., les Meistersinger (maîtres chanteurs), bourgeois et artisans amateurs, substituent à l’art courtois un art polyphonique pesant, sans spontanéité ni finesse.
Ce n’est qu’au xviie s., après les expériences monodiques et l’adoption du style concertant, que le lied prend une vigueur nouvelle. Les premiers compositeurs, Hans Leo Hassler (1564-1612), Schütz* (1585-1672) et Johann Hermann Schein (1586-1630), ne participent qu’indirectement à cette renaissance. Ils ne respectent pas le principe de la forme strophique en vers d’égale longueur, grâce auquel le lied se distingue du chant continu des Italiens. Heinrich Albert (1604-1651), par contre, passe pour le créateur du lied moderne. Ses Arien oder Melodeien (1638-1650) pour une voix et basse continue ne sont, cependant, pas tous originaux ; on y compte bon nombre de monodies italiennes et plus rarement des airs de cour français. Andreas Hammerschmidt (1612-1675), dans ses odes profanes (Weltliche Oden, 1642-43), et surtout Adam Krieger (1634-1666), dans ses Arien (1657-1676) de une à cinq voix, montrent plus d’invention. Ce dernier, poète, musicien de la cour de Dresde, fait la synthèse du lied et de la monodie accompagnée.
À partir de 1670, le lied subit l’influence de la musique dramatique. Si Johann Wolfgang Franck (v. 1640 - v. 1710) sait assez bien concilier les deux genres dans ses Geistliche Lieder (1681), Philipp Heinrich Erlebach (1657-1714), dans Harmonische Freude (Joie harmonique, 1697-1710), use parfois de l’air à da capo. Vers la fin du siècle, le lied, qui ne s’accommode pas des répétitions, des vocalises et des ornements de l’opéra, disparaît. Il s’insinue toutefois dans le Singspiel (opéra-comique allemand), qui met en scène des personnages de la vie quotidienne et contient des couplets sans façon — de vrais lieder —, parfois comiques. Après Reinhard Keiser (1674-1739) et Johann Adam Hiller (1728-1804), Mozart* illustrera brillamment, dans l’Enlèvement au sérail (1781-82) et la Flûte enchantée (1791), cet art moins policé, moins savant, moins conventionnel que celui de l’opéra, et qui semble le dernier refuge de la sentimentalité populaire.
Vers le milieu du xviiie s., cette tendance latente de l’âme allemande trouve dans la révolution littéraire du Sturm und Drang un moyen d’expression prédestiné. En réaction contre le rationalisme classique, Johann Gottfried Herder (1744-1803), puis Goethe* redécouvrent les formes primitives du langage et du sentiment que la culture n’a pas défigurées, ainsi que le rythme chantant du Volkslied. Entre-temps, l’école de Berlin fraie la voie au nouveau lied romantique. Christian Gottfried Krause (1719-1770) et Friedrich Wilhelm Marpurg (1718-1795) réunissent dans des anthologies des chants faciles munis d’un léger accompagnement de clavier de Telemann*, de Karl Heinrich Graun (1704-1759), de Franz Benda (1709-1786) et de Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788). Johann Abraham Peter Schulz (1747-1800) publie des Lieder im Volkston (dans le style populaire) de 1782 à 1790. Le Souabe Johann Rudolf Zumsteeg (1760-1802), Johann Friedrich Reichardt (1752-1814) et Karl Friedrich Zelter (1758-1832) mettent en musique des poèmes de Goethe, de Schiller* et de Herder, en modifiant parfois, selon leur contexte, la mélodie des strophes. Mais déjà de grands musiciens s’essaient au lied et le libèrent de l’esprit de l’air. Chez Mozart, la facture reste simple ; chez Haydn*, elle devient plus complexe, parfois plus dramatique. Beethoven* pressent mieux la puissance expressive du lied, mais son lyrisme reste grave. On lui doit le premier cycle de lieder, An die ferne Geliebte (À la bien-aimée lointaine, 1816). Malgré l’importante partie de piano et la reprise, à la fin, du thème initial, Beethoven ne parvient pas à susciter l’atmosphère psychologique qui auréole un de ses derniers lieder, Résignation (1817). Bien que plus représentatif de l’esprit romantique, Weber* conserve encore à ses lieder, comme Beethoven, une tenue classique.