Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

liants (suite)

Liants hydrocarbonés

Ce sont des liants colloïdaux rentrant dans la catégorie des goudrons et des bitumes.


Liants à base de goudrons

Dominante jusqu’en 1939, l’utilisation du goudron s’est réduite de 500 000 à 150 000 t, tandis que le bitume et ses dérivés ont progressé jusqu’à 700 000 t. Le goudron que l’on emploie comme liant est un goudron de houille extrait par distillation du charbon en vase clos et reconstitué avec les huiles et le brai de houille après une première distillation, qui permet d’isoler l’anthracène et la naphtaline, à la fois nuisibles à la qualité du liant, mais très valorisés pour d’autres utilisations, telles que les bases pyridiques, le phénol, les crésols, les xylénols et les benzols. Beaucoup de produits tirés du goudron entrent actuellement dans la fabrication de différentes matières plastiques. Le goudron pour routes est surtout utilisé en revêtement superficiel des chaussées (ou enduisage). Chauffé entre 110 et 125 °C, car très visqueux à froid, il se fluidifie et peut alors être répandu en un film mince (environ 1 kg/m2) sur la chaussée préalablement décapée. Il est aussitôt recouvert d’une couche de gravillons concassés (porphyre, diorite ou basalte) ; l’ensemble est cylindre et, quelques heures après, livré à la circulation.

On utilise aussi le goudron sous forme de tarmacadam, notamment de macadam de laitier concassé, que l’on cylindre après étalement sur la chaussée de manière à obtenir des revêtements de plusieurs centimètres d’épaisseur. On a également fait avec le goudron des coulis de scellement avec sable fin qui imperméabilisent des surfaces routières.

• Caractéristiques du goudron. La densité du goudron varie de 1,05 à 1,20. La viscosité η est une fonction de la température t :

η0 et k étant des paramètres fixes caractéristiques du type de goudron et de sa viscosité à une température donnée.

De l’équation (1), on tire
log η – log η0 = – kt log e.

Quand la température t croît en progression arithmétique, la viscosité décroît en progression géométrique. La décroissance de la viscosité, caractérisée par la valeur de k, en fonction de la température t, est, pour les goudrons, assez rapide, et plus rapide, en tout cas, que celle des bitumes : les goudrons sont plus susceptibles aux variations de température que les bitumes.

La susceptibilité d’un liant hydrocarboné est caractérisée par la valeur de la dérivée de la viscosité en fonction de la température. C’est un nombre qui varie lui-même exponentiellement avec la température et dans le même sens que la viscosité. On peut, cependant, caractériser la susceptibilité par la dérivée du logarithme de la viscosité par rapport au temps ; c’est une fonction linéaire, et la susceptibilité est représentée par le coefficient angulaire de la droite traduisant la formule.

Pour les goudrons, on a la formule

alors que, pour les bitumes fluides, on a

La susceptibilité logarithmique prise en valeur absolue est de 8 pour les goudrons et de 6 pour les bitumes. De ces valeurs dépend le comportement des liants sur la route : par temps chaud, le goudron se ramollit plus que les bitumes ; d’où le ressuage l’été, très préjudiciable à la circulation. En revanche, le goudron durcit davantage par temps froid, et il devient fragile pour des températures basses (– 10 °C par exemple) ; d’où le danger de fissuration sous fortes gelées, pendant lesquelles le liant durcit et perd toute souplesse, alors que le retrait grandit. En revanche, si l’on considère deux liants, l’un goudron, l’autre bitume fluide, de même viscosité à froid, le goudron à 110 °C deviendra aussi fluide que le bitume à 140 °C ; d’où la nécessité de chauffer davantage le bitume fluide pour l’étaler. On a utilisé avec succès des goudrons au chlorure de polyvinyle (PVC), matière plastique avec laquelle le goudron est parfaitement compatible, les goudrons très fluides formant avec le chlorure de polyvinyle (PVC) des gels à haute viscosité ; l’addition du chlorure de polyvinyle se fait sous forme d’une poudre fine mélangée à chaud en quantité relativement faible.


Liants à base de bitumes*

• Bitume, routier. Il y a plusieurs variétés de bitumes. Le bitume existe à l’état naturel dans les calcaires asphaltiques, mais presque tout le bitume utilisé comme liant routier est le résidu de la distillation sous vide de pétroles asphaltiques ou semi-asphaltiques, distillation qui donne par ailleurs l’essence légère, le pétrole lampant (ou kérosène), les fuels (léger et lourd) et des huiles lourdes, bases de diverses utilisations, telles que les huiles de graissage. Le bitume routier est un solide plus ou moins déformable, selon la présence d’huiles plastifiantes et la température. Il sert à deux fins : relativement mou, il est destiné à la fabrication des émulsions routières ; plus dur (moins plastifié), il est utilisé dans les bétons bitumineux compacts, mis en place à chaud, notamment sur les autoroutes et les grandes artères de même que sur les pistes d’envol.

• Bitume pour étanchéité. Un autre type de bitume est utilisé comme base d’étanchéité (multicouches, feutres bitumés, pour toitures-terrasses notamment) : c’est le bitume soufflé, ou bitume oxydé. On le prépare à chaud, par insufflation d’air dans un bitume très mou, qui durcit lors de cette opération. Ce bitume vieillit plus lentement que le bitume routier et, a fortiori, beaucoup plus lentement que le goudron. Le vieillissement des liants hydrocarbonés à l’air se fait à la fois par évaporation lente des huiles plastifiantes et par durcissement des résines sous l’influence de l’oxydation. Le bitume soufflé est aussi un bitume à susceptibilité extrêmement faible, ce qui convient aux produits d’étanchéité ; mais il ne permettrait pas des mises en œuvre faciles si on l’utilisait à l’état pur comme bitume routier. On fait toutefois des mélanges de bitume routier et de bitume d’étanchéité, pour réaliser des bétons bitumineux destinés à constituer des masques étanches de barrages ou des revêtements de berges de canaux, bétons qui sont plus stables sur les pentes et ne risquent pas de fluer quand la température s’élève.