Ledru-Rollin (Alexandre Auguste Ledru, dit) (suite)
George Sand, dans le Bulletin de la République du 15 avril, organe officiel, agite la menace d’une intervention populaire au cas où les résultats du scrutin ne répondraient pas au vœu des masses. Son article, d’une rare maladresse, passe pour refléter l’opinion du ministre de l’Intérieur. Ledru-Rollin doit alors rallier le camp de l’ordre. Le 16 avril, il collabore activement avec Lamartine et Marrast à l’« étouffement pacifique » de la manifestation ouvrière. Il n’est pas blanchi pour autant. L’Assemblée constituante élue le 23 avril lui manifeste son hostilité, et peu s’en faut que Ledru-Rollin ne soit écarté de la Commission exécutive, qui, le 10 mai 1848, remplace le gouvernement provisoire. Le 15 mai, c’est un nouveau coup de force des clubs.
Ledru-Rollin et Lamartine marchent à la tête des gardes nationaux contre l’Hôtel de Ville, où Barbès et Albert ont formé un éphémère gouvernement. C’en est trop. L’Exécutif est discrédité, et, le 17 mai, le général Cavaignac arrive d’Alger. Lors des journées de Juin, qui manifestent le désespoir des ouvriers, Ledru-Rollin doit, comme ses collègues, abandonner ses pouvoirs au général dictateur. Mais il se range à contrecœur du côté de la légalité.
Le retour à l’opposition
La réaction qui s’accélère après juin 1848 trouve en Ledru-Rollin un adversaire déterminé. Mais aux élections présidentielles du 10 décembre il peut mesurer son influence réelle : 370 000 voix. Louis Napoléon en a 5,5 millions. Un redressement s’opère aux élections législatives du 13 mai 1849. Unis, démocrates et socialistes remportent un certain succès. Ledru-Rollin, pour sa part, est élu dans cinq départements. Grisé par sa victoire, il oublie la leçon du printemps 1848. Menant campagne contre l’intervention en Italie, il met en accusation le président et ses ministres, et menace de défendre la Constitution au besoin par les armes.
Le 13 juin, il tente avec quelques clubistes d’organiser une « journée » contre la Chambre. La manifestation est brisée, et Ledru-Rollin, qui a tenté de former une Convention révolutionnaire au Conservatoire national des arts et métiers, échappe de peu à l’arrestation. Il s’enfuit en Belgique, puis gagne l’Angleterre. Le second Empire le considérera comme un dangereux adversaire, et Ledru-Rollin ne pourra rentrer en France qu’en 1870, sous le gouvernement Émile Ollivier. Élu à l’Assemblée nationale en février 1871, le vieux chef du radicalisme n’est plus qu’un personnage de second plan. Il demeure neutre dans le conflit entre Versailles et la Commune, mais toujours suspecté par les conservateurs irréductibles. À la veille de sa mort, le Vaucluse républicain lui confie un dernier mandat.
J. L. Y.
➙ Révolutions de 1848.
R. Schnerb, Ledru-Rollin (P. U. F., 1948). / G. Duveau, 1848 (Gallimard, 1965). / L. Girard, Naissance et mort de la IIe République (Calmann-Lévy, 1968).