Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

K’iu Yuan (suite)

Puis faisant appel au folklore magique de Chu, il décrit sa longue errance dans l’univers, dont l’éclat ne saurait lui faire oublier la patrie perdue :
Nos moyeux de jade les uns à côté des autres, nous galopions de concert,
Les huit chevaux-dragons attelés à mon char étaient tout pantelants,
Mes drapeaux-nuages hissés ondulaient dans le vent...
Cependant, comme je m’élevais dans la clarté du ciel,
Soudain je vis en bas mon vieux pays.

D. B.-W.

➙ Chine.

Kivi (Aleksis)

Pseudonyme d’Aleksis Stenvall, écrivain finlandais d’expression finnoise (Nurmijärvi 1834 - Tuusula 1872).


Quand ce fils d’un pauvre tailleur de village naquit non loin de Helsinki dans une région peuplée de paysans frustes, la littérature finnoise, où dominait alors un romantisme académique, n’avait encore produit, si l’on excepte le Kalevala, que des œuvres sans importance. Aussi Kivi apparaît-il « comme tombé des nues dans un milieu à peine défriché ». Vif, imaginatif et sensible, élevé dans l’esprit de la Bible par une mère piétiste, il connut malgré la pauvreté une enfance heureuse. Le dénuement, une santé précaire interrompent souvent ses études ; il ne peut entrer à l’université de Helsinki qu’à l’âge de vingt-trois ans. Il y suit des cours d’histoire, de littérature, d’esthétique, intéressé surtout par ceux de Lönnrot sur le Kalevala, mais, malade et criblé de dettes, il abandonne définitivement ses études à vingt-sept ans. Il avait lu Dante, Ossian, Shakespeare, Cervantes, Runeberg et Molière, la Bible et le Kalevala étant ses livres de chevet, et il avait compris qu’écrire était son destin. Malgré ces nombreuses lectures, il s’affranchit de toute école et du romantisme de son époque. Encore étudiant, il écrit quelques petits drames peu remarqués, puis, en 1864, une tragédie, la première en finnois : Kullervo, qui met en scène un sombre héros du Kalevala ; la même année, il publie une comédie paysanne, la plus vivante, la plus gaie du répertoire finnois : les Cordonniers du village (1864), que domine la silhouette d’Esko, le jeune cordonnier primitif et têtu dont le mariage manqué provoque des situations imprévues du plus grand comique. Dans cette comédie devenue classique et toujours jouée avec succès, le réalisme apparaît pour la première fois sur la scène finlandaise, réalisme plein d’humour, de fraîcheur et de couleur locale. Kivi, à cette époque, vit retiré à la campagne, heureux d’avoir retrouvé la nature et les habitants de son village, qu’il observe d’un œil amusé. Mais de nouveau, souvent malade et sans ressources, il se sent parfois « comme un loup sans abri » et est prêt à sombrer dans le désespoir. C’est alors qu’une femme charitable, Charlotte Lönnqvist, l’héberge et le soutient de son amitié jusqu’à sa mort. Années fécondes pendant lesquelles Kivi écrit plusieurs pièces de théâtre : Lea (1869), au sujet tiré de la Bible, drame à la fois réaliste et idéaliste et qui, joué avec un grand succès le 10 mai 1870, marque la naissance du théâtre finnois ; les Fiançailles, une comédie humoristique en un acte ; Jour et nuit, l’émerveillement d’une petite aveugle qui recouvre la vue, devant la beauté de l’été ; Margareta (1870), son chef-d’œuvre, plein de mélancolie. Ses poésies, remarquables par leur rythme et leur musicalité, expriment d’une façon concrète son inquiétude, sa nostalgie du pays natal, de la mort et, dans Bruyère (1866), la douceur du foyer, de l’enfance, la poésie des landes et des bois. Son seul roman : les Sept Frères (1870), mûri pendant de longues années, le rendit célèbre. Sept orphelins, tous batailleurs, indisciplinés, typiquement finnois et bien différenciés, se sauvent dans les solitudes pour ne pas apprendre à lire, échappant ainsi à la férule d’un pasteur. Dix années durant, ils mènent sur la lande, au bord des marécages cernés de forêts, une vie riche d’aventures burlesques, souvent tragiques, jusqu’au jour où, assagis et enrichis par les efforts qu’ils ont dû soutenir pour vivre au sein d’une nature parfois hostile, ils reviennent à leur ferme natale. Là, tenant désormais une place honorable dans leur village, ils vivent entourés de la considération de tous. Avec ce roman singulier, éclatant de joie de vivre et devenu classique, le réalisme qui, chez Kivi, n’exclut pas tout romantisme, apparaît pour la première fois dans la littérature finlandaise. Sous une forme souvent dialoguée, au récit coupé de contes, de légendes poétiques, de chansons populaires, dans une langue concrète, imagée vit tout un village : petites gens, mendiants, propriétaires, pasteur et chantre, bêtes familières et des bois, que Kivi campe avec humour et sympathie. Pas de considérations philosophiques, mais des événements rapides, variés et la poésie des solitudes où perce parfois la nostalgie des lointains inaccessibles. L’imagination, l’humour, la fantaisie, le rêve et cet optimisme que ni la pauvreté ni la maladie n’ont pu abattre, et qui vient peut-être de ce grand amour de Kivi pour la nature et les hommes, de « son âme chaleureuse » font des Sept Frères le plus grand livre de la littérature finlandaise. Avant d’avoir la joie de le voir paraître, Kivi, « le père du théâtre et du roman finnois », mourut dans la misère d’une maladie mentale. Une cabale montée par quelques professeurs incapables de comprendre le réalisme et l’originalité de ce roman singulier en avait fait retarder l’impression jusqu’en 1873.

L. T.

Klee (Paul)

Peintre allemand (Münchenbuchsee, près de Berne, 1879 - Muralto, près de Locarno, 1940), considéré très généralement comme l’un des pionniers de l’art moderne dans ses différentes expressions.


Son père était un maître de chant d’origine bavaroise, et le jeune Klee hésita quelque temps entre le violon et la peinture. Il devait d’ailleurs avoir une adolescence difficile, qu’on qualifierait aujourd’hui de « retardée » et sur laquelle ses carnets intimes fournissent quelques renseignements d’ordre psychanalytique. Il nourrissait un idéal féminin à peu près totalement imaginaire, jusqu’à ce qu’il rencontre une jeune pianiste, son aînée de quelques années, qu’il épousera en 1906 à Munich.