Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

anglicanisme (suite)

Après la mort de ce dernier et sous le règne du faible Édouard VI (1547-1553), les nobles influents, soutenus par les courants wycliffiens et approuvés par le Parlement et la majorité du clergé, animé par l’autorité des théologiens ouverts aux idées de Luther (notamment Thomas Cranmer [1489-1556], l’archevêque de Canterbury), favorisèrent une réforme limitée du culte et du dogme. Une nouvelle liturgie vit le jour : en 1549 fut publié le Book of Common Prayer qui, à travers des révisions successives, mais superficielles (1552, 1662, 1871-72, etc.), est resté jusqu’aujourd’hui la charte cultuelle de l’Église anglicane. Contenant des indications et des formulaires pour la célébration du culte dominical et quotidien, pour les prières dans les diverses circonstances de la vie, pour la célébration de l’eucharistie et des cérémonies diverses, et, en outre, un catéchisme et une confession de foi, le Book of Common Prayer a exercé une influence considérable parmi les fidèles de l’Église d’Angleterre. Il repose sur d’anciennes liturgies anglaises, mais aussi sur des textes plus spécifiquement liés à la Réforme, tels la « simplex et pia deliberatio » de Martin Bucer et Melanchthon et le « bréviaire réformé » de 1535. Cranmer, chargé de corriger le premier projet, entretint à ce sujet une correspondance fournie avec Melanchthon, Calvin, Bucer et Pierre Martyr Vermigli. Théologiquement, le Book of Common Prayer se distingue radicalement de la doctrine catholique : la transsubstantiation, la réservation des espèces, l’adoration du saint sacrement, la prière pour les morts, l’onction des nouveau-nés et des malades en sont absents.

L’intense fréquentation de l’Écriture, qu’il prévoit et organise, le fit apparaître, à l’époque, comme résolument protestant : le psautier doit être intégralement chanté chaque mois ; l’Ancien Testament doit être lu une fois et le Nouveau trois fois chaque année. On comprend que ce livre fut utilisé très tôt non seulement dans les églises épiscopales d’Écosse, d’Irlande, des États-Unis et de l’Empire britannique, mais aussi, avec quelques modifications minimes, dans les communautés « méthodistes ».

En 1553 paraissait la nouvelle confession de foi, correspondant à la nouvelle liturgie : les « quarante-deux articles », où l’on trouvait, à côté d’affirmations désormais classiques sur la justification et sa place centrale dans la prédication et la vie de l’Église, une conception purement calvinienne de l’eucharistie. D’ailleurs, à partir de 1547, l’influence luthérienne en Angleterre avait été remplacée par celle du calvinisme, dont de nombreux et éminents représentants (P. M. Vermigli, Bernardino Ochino, M. Bucer, Jan Łaski) vinrent résider dans le pays, cependant que Calvin, infatigable épistolier, dirigeait à distance Cranmer, Edward Seymour, duc de Somerset, et Édouard VI lui-même.


Élisabeth Ire

Sous le règne de la « catholique » ou « sanglante » Marie Tudor (1553-1558), fille de Catherine d’Aragon, une courte et terrible contre-réformation se déchaîna (rétablissement de la juridiction romaine en 1554, nombreuses exécutions, bûcher pour Cranmer, fuite vers le continent de nombreux « évangéliques »).

Ce bref et tragique intermède eut pour conséquence de détacher définitivement le peuple de Rome et du catholicisme politique, déjà représenté par l’influence espagnole. Élisabeth Ire (1558-1603) n’eut aucune peine à reprendre l’évolution dans le sens du protestantisme, mais surtout d’une Église anglicane d’État. En 1559, le Parlement réaffirma la « suprématie royale » et le serment qui la reconnaissait. Désormais, le souverain était désigné et servi comme « chef suprême de l’État dans les choses ecclésiastiques et politiques » : l’annonce de la Parole et l’administration des sacrements lui échappaient donc. Dans le même temps, l’Acte d’uniformité rétablissait les formes du culte, et, en 1563, les « trente-neuf articles » définissaient la doctrine, légèrement atténuée dans un sens plus luthérien que le strict calvinisme des « quarante-deux articles ».


Les traits principaux de l’anglicanisme

L’Église d’Angleterre prenait petit à petit son visage définitif : les images, le crucifix, les chants et les vêtements liturgiques ont été conservés du catholicisme ; la doctrine, qui est à l’arrière-plan de ces formes extérieures, est profondément enracinée dans la pensée de la Réforme luthéro-calviniste. Un point capital pour le dialogue œcuménique contemporain, la « succession apostolique », a été maintenu. Tout cet édifice était et reste garanti par l’existence d’une monarchie qu’il appuie et à qui il est strictement soumis : le service de Dieu et l’obéissance au souverain sont désormais une seule et même chose, et l’alliance entre le trône et l’autel est une des alliances les plus strictement codifiées que l’on puisse imaginer. Toutefois, le tempérament anglais, l’équilibre des lois et des coutumes font que ce système, loin de conduire à l’instauration d’un régime clérical autoritaire, a permis une souplesse et une liberté remarquables dans l’interprétation et l’évolution de la doctrine, la manifestation de différentes tendances (« Haute » et « Basse » Église), la naissance d’Églises « dissidentes » sur le territoire du Royaume-Uni et une très large ouverture aux grands problèmes de l’affrontement de l’Église au monde moderne : mission industrielle, limitation des naissances, ordination de la femme, recherches théologiques modernes.

Et si, au cours des xviiie et xixe s., l’influence statistique et fondamentale de l’Église d’Angleterre sembla constamment décroître au profit des communautés dissidentes, il n’en est pas de même au xxe s., où un profond renouveau, à la fois doctrinal, spirituel et éthique, la travaille ; il est certain, notamment, que les origines socio-politiques de son existence donnent à l’anglicanisme une sorte de « vocation naturelle » à l’abord de ces dimensions du témoignage chrétien, et cela est d’une importance particulière à l’époque de la « sociologisation » que traversent toutes les Eglises, depuis que s’est manifestée au niveau œcuménique une conscience croissante de l’immensité des problèmes du monde et des responsabilités des chrétiens à leur égard.