Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Johnson (Uwe) (suite)

Douze ans après son début, Uwe Johnson est revenu en 1971 à Gesine, la jeune fille amie de Jacob, dans, Jahrestage. Aus dem Leben der Gesine Cressphal (Anniversaires. Scènes de la vie de Gesine Cressphal). Mais Gesine a quitté l’Allemagne de l’Ouest pour aller vivre à New York, où l’auteur a lui-même séjourné. Le livre est fait de notations au jour le jour, entremêlées d’essais, de digressions et de considérations d’actualité. À ce propos, l’auteur a déclaré dans une interview de mars 1972 : « La République démocratique allemande, pour moi, c’est vieux de douze ans ! » Il ajoutait à la même occasion : « Si je suis capable de mettre noir sur blanc par exemple ma première découverte de ce qu’est le pays natal, tel que je l’ai senti, un soir où la lumière baissait déjà, c’est que j’ai quelque part ressenti quelque chose et que j’ai réagi spontanément à quelque chose qui était réel. » Faut-il en conclure que cet attachement aux souvenirs d’enfance ramènera le romancier vers les sujets de ses débuts, où se traduit aussi un souci national de ses compatriotes ?

P. G.

Joinville (Jean, sire de)

Chroniqueur français (v. 1224-1317).


À quatre-vingts ans passés, Joinville, à la prière de Jeanne Ire de Navarre, commença à dicter « un livre des saintes paroles et des bons faiz nostre roy saint Looys ». La jeune reine étant morte en 1305, avant l’accomplissement de cette pieuse tâche, l’ouvrage fut dédié en 1309 à Louis le Hutin, alors roi de Navarre et comte de Champagne. On pourrait s’étonner que Joinville se mît à écrire à un âge aussi avancé et près de quarante années après la mort de son maître. Ce fait prouve que le rayonnement spirituel du roi avait été tel que, sans effort, spontanément et avec amour, un fidèle serviteur s’acquitta presque d’une dette : celui-ci voulut montrer aux générations futures combien la vie du souverain pouvait servir de modèle, si profonde et si édifiante ayant été l’impression qu’il en avait reçue. Appartenant à une excellente noblesse, sénéchal de Champagne après la mort de son père, le sire de Joinville avait participé à la septième croisade (1248-1254) et était devenu l’intime du roi lors du désastre de Mansourah (1250), où l’un et l’autre furent faits prisonniers par les Sarrasins. Après sa libération, il fut le conseiller écouté du prince, qui s’amusait de ses reparties, de sa naïveté et de ses faiblesses, tout en appréciant son franc-parler et son dévouement. À la suite de la croisade fatale de 1270, à laquelle il avait refusé de prendre part, il voua un véritable culte à la mémoire de Louis IX et se fit entendre comme témoin de l’enquête qui précéda la canonisation.

Son histoire de Saint Louis est ainsi d’abord un témoignage. La première partie, assez brève, est consacrée aux enseignements du roi ; l’autre, beaucoup plus longue, à ses grands faits d’armes. Chacune obéit au dessein de montrer que le souverain est un homme à part, qui se distingue de l’humanité moyenne par des vertus chrétiennes portées au plus haut point, telles la piété, la charité, l’équité, la simplicité. Dans ce tableau, nulle gaucherie, mais l’accent du vrai. Joinville n’hésite pas à parler des mouvements d’humeur de son maître et ne passe pas sous silence le discret humour qui le caractérise. Par-delà la personne royale, le chroniqueur donne la perspective de toute une civilisation, avant tout chrétienne et possédant le sens de l’honneur. Son livre est le reflet d’une époque, la traduction de la prodigieuse vitalité de ce siècle inspiré. En filigrane, constamment sous-jacentes, apparaissent la grandeur et la morale d’un siècle, Joinville ayant eu le sentiment de faire partie d’un temps privilégié et illuminé par la figure d’un être exceptionnel.

Autrement dit, l’œuvre est loin d’être une banale hagiographie. La geste de Saint Louis sert de prétexte à la peinture d’un peuple de croyants et de guerriers. Mais ce qui enlève à cette fresque toute platitude, c’est la présence de son auteur. Car cet auteur est là, à travers toutes les pages. Tout autant que le roi, dont il est l’ombre, on le voit vivre, plein de craintes, d’espoirs, de tentations, d’hésitations, bien souvent conscient de ne pas être à la hauteur du maître qu’il vénère. Cette humanité de Joinville est rassurante au milieu de tant d’exploits, de tant d’élévation. Il est l’image même de la vie, avec ce qu’elle comporte d’incertitudes en face d’un idéal difficile à atteindre.

Avouons aussi que l’homme a bien du talent et qu’il a su mettre au service de ses souvenirs un style et une langue qui ont une particulière saveur. Joinville est un écrivain d’instinct : on a tout dit sur son naturel et sur son ingénuité. Sans doute, il trouve le mot juste, le terme familier et concret ; jamais il ne vise à l’effet, et sa sobriété est remarquable, même lorsqu’il rapporte des événements dramatiques ; sa candeur est désarmante (mais n’est-elle pas feinte ?), sa générosité souriante. Mais ce par quoi il reste singulièrement moderne, c’est par ses dons de coloriste : il est un visuel qui, d’emblée, par de petits traits précis, livre l’expression exacte de ce qu’il a vu. Il a fait entrer l’exotisme et le dépaysement dans notre littérature. Sa narration aisée est celle d’un conteur qui permet au lecteur de rêver aux épisodes qu’il met en scène, aux batailles qu’il décrit. Ce pouvoir de suggestion n’est pas sa moindre qualité.

Et, plus encore peut-être, on reste sensible à cette jeunesse de plume, à cette sympathie pour tout ce qui est humain, qui font que, si l’ouvrage de Joinville a pour l’historien une inappréciable valeur documentaire, il donne également sans austérité une belle leçon de savoir-vivre.

A. M.-B.

Joliot-Curie (Irène et Frédéric)

Ménage de physiciens français : Irène (Paris 1897 - id. 1956), et Jean Frédéric (Paris 1900 - id. 1958).



Irène Curie

Elle est la fille des célèbres physiciens Pierre et Marie Curie*. Le ménage Curie habite Sceaux, et la jeune fille ne fréquente qu’assez tard le collège Sévigné, mais elle a comme professeurs particuliers sa mère, qui lui enseigne la physique, Paul Langevin*, qui se charge des mathématiques, et Jean Perrin*, de la chimie. Quelle écolière put jamais se targuer de tels maîtres ? Irène commence à peine à fréquenter la faculté des sciences de Paris que survient la Première Guerre mondiale, et elle accompagne sa mère en prenant un poste d’infirmière radiographe. Puis elle passe sa licence ès sciences et devient préparatrice de sa mère à l’Institut du radium.