Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Japon (suite)

 H. Müller, « Einige Notitzen über die japanische Musik », dans Mitteilungen der deutschen Gesellschaft für Natur- und Völkerkunde Ostasiens, t. I, fasc. 6, 8 et 9 (Berlin, 1854-1876). / F. T. Piggott, The Music and Musical Instruments of Japan (Londres, 1893 ; 3e éd., 1909). / E. Harich-Schneider, « The Rhythmical Patterns in Gagaku and Bugaku », dans Ethno-Musicologica, III (Leyde, 1954). / W. P. Malm, Japanese Music and Musical Instruments (Rutland, Vermont et Tōkyō, 1959) ; Nagauta the Heart ol Kabuki Music (Rutland, Vermont et Tōkyō, 1963). / Shigeo Kishibe, The Traditional Music of Japan (Tōkyō, 1966). / P. Landy, Musique du Japon (Buchet-Chastel, 1970).


Le cinéma japonais

En 1896-97 ont lieu les premières représentations du Vitascope d’Edison. Ces projections sont données dans des théâtres traditionnels, les spectateurs restant assis sur des nattes en demi-cercle autour de l’écran, directement placé sur la scène, habituellement réservée aux représentations de kabuki. Mais, très vite, le Vitascope est concurrencé par le cinématographe Lumière, introduit au Japon par Inahata Katsutarō. Dès 1898, un court métrage est réalisé sur la vie quotidienne à Tōkyō. En 1899, Shibata Tsunekichi filme à Kyōto des spectacles de kabuki où se produisent des comédiens célèbres, comme Danjūrō IX ou Kikugorō V. La première firme japonaise, la Yoshizawa, est fondée dès 1900. La production fait ses véritables débuts avec Allons nous promener sous les feuillages d’érable (Momijigari, 1902), mais doit son essor aux actualités filmées pendant la guerre des Boxers et la guerre russo-japonaise de Mandchourie. La Reddition de Port-Arthur, tournée par deux cameramen (Shimizu et Fujiwara), demeure le plus célèbre des documents de l’époque. Le cinéma est très apprécié dès ses débuts au Japon par toutes les classes sociales, et en particulier par la classe la plus riche. C’est en effet un divertissement relativement coûteux, qui n’a guère le caractère forain qu’on lui connaît alors en Europe et en Amérique. Le rituel du spectacle continue à suivre le plus fidèlement possible la tradition du kabuki. Le commentateur, appelé katsuben ou benshi, qui jouit d’un grand prestige auprès du public, contribue à populariser cet art naissant. En 1908, la Yoshizawa crée avec Pathé un studio à Tōkyō. Son exemple sera suivi notamment par la société Yokota. Certains studios seront spécialisés dans le tournage des films à sujets contemporains (gendai-geki) ; d’autres le seront dans le tournage des films classiques (jidai-geki). En 1910, les structures de l’industrie cinématographique sont en place. L’époque a son réalisateur célèbre, Makino Shōzō (1878-1929), qui dirige notamment la Bataille d’Honnōji (Honnōji gassen, 1908), et sa vedette adulée, Onoe Matsunosuke, qui apparaît dans un très grand nombre de films entre 1909 et 1912, dont le populaire Jiraiya et Sukeroku, film kabuki. En 1910 également s’ouvre la première salle de cinéma régulière à Tōkyō, tandis que l’Odéon de Yokohama se spécialise dans la production étrangère. En 1912, quatre sociétés, dont Yashizawa-Pathé et Yokota, se regroupent pour fonder la Nikkatsu, qui poursuit la politique de dualité des styles (moderne à Tōkyō, traditionnel à Kyōto, où l’on profite de la proximité des temples et des palais pour les décors). Un élève de Makino, Hosoyama Kiyomatsu, dirige en 1914 Kachūsha (d’après Résurrection de Tolstoï) avec pour acteur principal un onna-gata (acteur jouant des rôles féminins). L’un des grands onna-gata est alors Kinugasa Teinosuke (le futur réalisateur), qui triomphe dans le Cadavre vivant (Ikeru shikabane, 1917), de Tanaka Eizō. Inoue Masao met en scène avec succès la Fille du capitaine (Taii no musume), qui date également de 1917.

Petit à petit, une lutte d’influence assez vive met aux prises au sein des sociétés cinématographiques les tenants de la tradition ancestrale et les partisans d’un courant moderniste qui combat sur trois fronts (séparation entre le cinéma et le théâtre, suppression des benshi, remplacement des onna-gata par des actrices). Avec la naissance de l’Association pour le film d’art (Eigageijutsu-kyōkai), dirigée par Kaeriyama Norimasa (réalisateur de Joie de vivre [Sei no yorokobi, 1919]), le cinéma entend acquérir un langage spécifique. Avec la fondation d’un grand trust, la Shōchiku, le cinéma japonais franchit un pas décisif : en quelques années, la nouvelle Compagnie se lance dans une politique ambitieuse de construction de salles et monopolise une grande partie de la distribution des films. Des metteurs en scène comme Kurihara Thomas (auteur d’Amateur club [1920] et de la Séduction du serpent [Jasei no in, 1921 ; d’après le romancier Tanizaki Junichirō]) et Henry Kotani (auteur de l’Insulaire [Shima no onna, 1920] et de l’Herbe de Gubijin [Gubijinsō, 1921]), qui ont été formés en Amérique, reviennent avec des idées nouvelles et transforment les méthodes de tournage traditionnelles. Le film de Murata Minoru Une âme sur la route (Rojyō no reikon, 1921) est tourné hors studio, et la vedette féminine, Sawamura Haruko, est une véritable actrice. Le Japon entreprend même une coproduction avec la France : la Bataille (où joue Hayakawa Sesshū). Au moment où le cinéma prend un essor considérable et où la lutte entre Nikkatsu et Shōchiku est à son apogée, le tremblement de terre de Tōkyō (1923) anéantit tous les efforts entrepris ; 80 p. 100 des salles et tous les studios de Tōkyō sont détruits. Mais les Japonais ne se laisseront guère abattre par l’adversité et reconstruiront en un temps record leur industrie. De 1923 à la fin du cinéma muet, la période est artistiquement très riche en talents divers. Parmi les réalisateurs les plus remarquables, il faut citer Murata Minoru (1894-1937), auteur de la Femme de Seisaku (Seisaku no tsuma, 1924) et d’Osumi et sa mère (Osumi to haha, 1924), Shimazu Yasujirō (1897-1945), Ushihara Kiyohiko (né en 1897), Tanaka Eizō, Itō Daisuke (né en 1898), Itami Mansaku (1900-1946), Yamanaka Sadao (1909-1938) et tous ceux qui vont profondément marquer le cinéma japonais après la révolution du parlant et qui font leurs débuts dans les années 20 : Kinugasa Teinosuke, Uchida Tomu, Mizoguchi Kenji*, Naruse Mikio, Gosho Heinosuke et Ozu Yasujirō. Pratiquement inconnue du public occidental, la production japonaise de la fin du muet est d’une richesse insoupçonnée. Après 1927, on assiste à une augmentation des sujets modernes, à la naissance de films à messages sociaux et parfois même à l’éclosion d’un cinéma ouvertement prolétarien (les films de Suzuki Shigeyoshi). L’influence du Pro-Kino peut être décelée dans Avant l’aube (Reimei Izen, 1931) de Kinugasa, dans Symphonie d’une grande ville (Tokai Kōkyōgaku, 1929) de Mizoguchi, dans l’Épée qui tua hommes et chevaux (Zanjin zambaken, 1929) de Itō Daisuke, dans Pourquoi a-t-elle agi ? (Nani ga kanojo o sō saseta ka, 1930) de Suzuki et dans les films de Uchida Tomu. Les vrais débuts du film parlant eurent lieu lors de la projection du long métrage de Gosho Heinosuke la Femme du voisin et la mienne (Madamu to nyōbō, 1931). Les années 30 sont marquées au Japon par une lente prise de pouvoir de la caste militariste, qui utilisera tous les moyens de propagande — et le cinéma, art éminemment populaire, était une tribune de choix — pour imposer ses conceptions belliqueuses et étroitement nationalistes. Paradoxalement, l’industrie du cinéma ne réagira que tardivement aux directives des dirigeants politiques. Sans doute note-t-on un reflux des films à tendance sociale à partir de 1932-33. Mais ces derniers sont remplacés par des œuvres intimistes dont certaines se rapprochent du néo-naturalisme (par exemple la Terre [Tsuchi, 1939]) de Uchida Tomu. Si Kinugasa donne ses lettres de noblesse au film samourai (la Bataille d’été à Ōsaka [Ōsaka natsu no jin, 1937]), Mizoguchi Kenji (les Sœurs de Gion [Gion no shimai, 1936], Élégie de Naniwa [Naniwa hika, 1936]), Gosho Heinosuke (le Fardeau de la vie [Jinsei no onimotsu, 1935]) et le délicat Naruse Mikio (Printemps gâché [Mushibameru haru, 1932], Sois comme une rose ma femme [Tsuma yo, bara no yōni, 1935]) défendent les vertus pudiques d’un nouveau réalisme où les héros, souvent issus de milieux sociaux assez humbles, sont profondément humanisés. Quant à Ozu Yasujirō, chez qui la célébration de la vie quotidienne s’élève toujours à la hauteur d’un rite, il s’efface avec un art consommé derrière ses personnages en adoptant un style feutré, sensible, tout en demi-teintes.