Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Japon (suite)

On remarquera l’importance des facteurs politiques dans une telle répartition ; les deux grands pays voisins du Japon (Chine et U. R. S. S.) n’ont en effet que des échanges infimes avec lui. Si la Chine constitue en outre un concurrent sérieux (textiles, engrais même), elle s’est peu ouverte aux produits nippons jusqu’aux accords de septembre 1972 pour des raisons politiques et malgré l’évidente complémentarité économique des deux pays. Quant à l’U. R. S. S. (3 p. 100 du commerce japonais contre 2 p. 100 pour la Chine), les récents accords au sujet de la mise en valeur des richesses de l’Extrême-Orient soviétique paraissent ouvrir la porte à des échanges plus développés, comme aussi le projet de gazoduc Sakhaline-Hokkaidō ; les pourparlers n’avancent toutefois qu’avec lenteur.

Des 1 000 ports qu’il possède, le Japon en ouvre 68 au commerce étranger, mais une dizaine d’entre eux effectuent l’essentiel du trafic. Plus de la moitié de celui-ci passe par les baies de Tōkyō (avec Yokohama, Kawasaki et Chiba) et d’Ōsaka (Sakai, Amagasaki, Kōbe), le tiers par la première (320 Mt en 1970) ; Ōsaka progresse plus vite cependant (200 Mt environ avec Kōbe), tandis que la baie d’Ise (Nagoya, Tsu, Yokkaichi) atteindra sans doute ce chiffre d’ici cinq ans. Statistiquement, Yokohama (Tōkyō) et Kōbe (Ōsaka) effectuent à eux deux 60 p. 100 des importations et 40 p. 100 des exportations du pays. Viennent ensuite Tōkyō, Nagoya et Ōsaka, à égalité ; ces cinq ports concentrent ainsi 80 p. 100 des importations et 60 p. 100 des exportations japonaises, si bien qu’en définitive le trafic portuaire n’est ainsi que la façade maritime de la grande industrie japonaise, et c’est la localisation de celle-ci qui en commande les points de concentration.


Régions oubliées et régions actives ; la mégalopolis


Régions oubliées et régions actives

On a décrit la manière dont les Japonais divisent d’une façon largement subjective leur pays en zones de conditions naturelles et surtout d’occupation, de mise en valeur bien différentes. Les conditions historiques du peuplement, la mise en place des grandes cités génératrices d’initiatives et d’entreprises économiques ont dégagé une carte régionale assez nette dont les grands domaines féodaux, étroitement cloisonnés de frontières, avaient également contribué à affirmer la personnalité jusqu’en 1868. Ces régions sont au nombre de onze dont deux, Hokkaidō (1) et Kyūshū (11), correspondent à des îles. Honshū elle-même comprend du nord au sud-ouest : le Tōhoku (2), le Kantō (3 ; plaine du Kantō et sa bordure montagneuse), le Chūbu (partie la plus large de Honshū), divisé lui-même en trois : le centre montagneux appelé Tōsan (4) et les rivages du Pacifique et de la mer du Japon, Tōkai (5) et Hokuriku (6). Vers l’ouest, la vieille région historique du Kansai (7 ; Kyōto-Ōsaka) précède elle-même celle de la mer Intérieure (8), qui comprend les îles et les deux rivages du nord (côte Honshū) et du sud (Shikoku) ; elle s’encadre de deux régions extérieures, donnant l’une sur la mer du Japon : le Sanin (9) ; l’autre sur le Pacifique : le Tosa (10).

Au sein de cet ensemble, l’inégalité de mise en valeur et du peuplement permet de distinguer deux familles de régions. Les unes peuvent être qualifiées de « délaissées » ou de « passives » en ce que leur individualité est plus naturelle ou historique que fondée sur une participation spécifique à la vie économique nationale : tels sont le Tōhoku, le Tōsan, le Hokuriku, le Sanin, le Tosa et le sud de Kyūshū. Les autres sont au contraire éminemment « actives », ce sont les régions clés du Japon, concentrant l’essentiel de sa population et de sa richesse : Hokkaidō méridional, Kantō, Tōkai, Kinki (ou Kansai), mer Intérieure et Kyūshū-Nord. (On trouvera une description détaillée de toutes ces régions aux articles Honshū, Hokkaidō, Kyūshū et Shikoku.)

Cette division en régions géographiques conserve une importance fondamentale dans la mesure où elle correspond approximativement à des conditions naturelles intangibles et sert de base à toute planification économique d’ensemble du pays. De plus en plus, cependant, une zonation plus simple tend à se superposer à elles, et c’est ce processus qu’il importe de décrire pour terminer. Le fait essentiel est l’accélération de la concentration humaine et industrielle le long d’une zone allongée, quelque 1 000 km de long, sur le Pacifique et la mer Intérieure, aux dépens des zones centrale, occidentale et septentrionale, demeurées fidèles à des genres de vie et des activités traditionnels. Il s’élabore ainsi le long de cette bande privilégiée, entre Tōkyō et la baie de Nagoya et Ōsaka, secondairement entre cette dernière et le détroit de Shimonoseki, plus faiblement enfin depuis la capitale jusqu’au sud de Hokkaidō, une traînée urbaine et manufacturière qui dessine les traits d’une des grandes mégalopolis du monde. C’est le lait saillant de la géographie humaine du Japon en la seconde moitié du xxe s., et il en faut dégager les lignes de force qui sont celles-là mêmes de l’économie du pays.


Genèse de la mégalopolis

• Les paysages. Le spectacle actuel de l’évolution du paysage le long de l’axe Tōkyō-Ōsaka est riche d’enseignements. Outre les métropoles (Tōkyō-Yokohama, Nagoya, Ōsaka-Kōbe) elles-mêmes en constant réaménagement, des cités importantes situées dans l’intervalle sont en train, en s’étendant vers le rivage ou en s’adjoignant les campagnes voisines, de susciter une série d’agglomérations « millionnaires » qui forment autant de jalons supplémentaires à l’urbanisation et à l’industrialisation. Depuis la baie de Tōkyō, on rencontre ainsi en progressant vers l’ouest : l’ensemble de la baie de Suruga, centré sur la capitale féodale de Shizuoka et le port industriel voisin (7 km) de Shimizu, avec le grand port de pêche de Yaizu ; l’ensemble a déjà 700 000 habitants ; à 100 km environ au sud-ouest, les deux cités voisines (25 km) de Hamamatsu (430 000 hab.) et de Toyohashi esquissent elles aussi une autre agglomération « millionnaire », la première étant la capitale japonaise des instruments de musique (Yamaha, Kawai), la seconde un vieux centre textile (coton) ; passé Nagoya, Kyōto et Ōsaka, voici Kōbe et le gros centre industriel de Himeji (500 000 hab.) et deux autres grandes cités en train de naître de la sorte : autour d’Okayama (375 000 hab.), ancienne cité féodale, se groupent Kurashiki (340 000 hab.), capitale japonaise de la rayonne, et le gigantesque complexe pétrochimique et sidérurgique de Mizushima ; l’agglomération s’étendra au total sur 40 km et s’ouvrira largement sur la mer Intérieure. À 150 km plus à l’ouest, Hiroshima groupe déjà 800 000 habitants autour de son port et des usines automobiles Tōyō Kōgyō.