Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

• Henri V (1106-1125) a un moment le dessus, contraignant Pascal II à signer un privilège légitimant les investitures laïques. Mais Gélase II (pape de 1118 à 1119) excommunie l’empereur, qui lui oppose un fantoche, Grégoire VIII. Calixte II (pape de 1119 à 1124), décidé à en finir, signe à Worms avec Henri V un concordat qui entérine la renonciation par l’empereur à l’investiture par la crosse et l’anneau (23 sept. 1122). Peu après, le premier concile du Latran (mars-avr. 1123) consacre la victoire de la papauté sur l’Empire.

L’essor des villes.

• Le réveil de l’Europe, le renouveau commercial, la révolution économique et l’effervescence idéologique qui caractérisent le xiie s. trouvent en Italie (et singulièrement dans l’Italie du Nord et du Centre) un terrain d’élection.

• Les grandes villes qui s’adonnent à l’artisanat (textile) et au grand commerce secouent le joug des autorités féodales — l’empereur et ses représentants, l’évêque même — et se donnent des institutions communales qui leur assurent une autonomie de fait, favorable à l’essor commercial ; une oligarchie de négociants et de petits nobles — qui peuplent souvent le magistrat urbain (collège des consuls) — se forme et s’impose à Trévise, Lucques, Assise, Milan, Brescia, Côme, Crémone, Padoue, Pavie, Sienne, et dans vingt autres villes..., qui vont rapidement devenir de brillants foyers de renaissance intellectuelle et artistique. Seule Venise* voit le triomphe d’une aristocratie très fermée.

• Tandis que ces cités prospères tiennent les routes terrestres, Pise et Gênes* chassent les Sarrasins de la mer Tyrrhénienne, qui va être leur, et profitent des premières croisades* pour s’assurer l’exclusivité du commerce entre l’Orient musulman et l’Occident. Venise, leur rivale, ayant supplanté Amalfi, s’assure le monopole des rapports avec Constantinople.

• La Lombardie devient le centre d’une industrie (laine, soie...) et d’un trafic commercial au rayonnement international. Ses banquiers, les célèbres « Lombards » s’installent dans toute l’Europe, gérant, entre autres, les biens du Saint-Siège.

• Naturellement, cette prospérité provoque des rivalités sanglantes dont profitent parfois le pape et surtout l’empereur, appelés à la rescousse. Les duels les plus spectaculaires opposent Gênes et Lucques à Pise, Bologne à Modène, Milan à Pavie, Florence à Sienne et à Pistoia.

• À l’intérieur des villes, des conflits opposent les différentes classes, l’élément le plus dynamique étant constitué par la bourgeoisie négociante et les corporations d’ouvriers. Ces luttes sont souvent arbitrées par un « podestat », noble venu d’une autre ville qui dirige la cité troublée le temps que les conflits s’apaisent.

• Ce remarquable essor économique a pour moteur une série d’innovations dans le domaine des échanges commerciaux — associations de capitaux, assurances, contrats qui intéressent aux bénéfices nombre d’investisseurs — et des techniques du change (lettres de change), que les Italiens pratiquent avec aisance et efficacité bien avant la plupart des Occidentaux. Le prêt à intérêt, le prêt sur gages entrent dans les mœurs, grâce d’abord aux Lombards (de Plaisance, Asti, Novare...) — intermédiaires financiers entre l’Italie et les foires de Champagne —, puis avec les puissantes institutions bancaires du xiiie s. dont Sienne et Florence, notamment, sont le siège.

• Dans toute l’Europe — et notamment en France et en Angleterre —, la finance italienne pose les jalons de la banque moderne.

Le sud à part.

• Ce grand mouvement n’affecte guère le sud de la péninsule, qui garde ses cadres archaïques ou féodaux. Là dominent les Normands, vainqueurs des Arabes en Sicile* (1061-1091) et des Byzantins en Pouille et en Lucanie (1071).

• Le royaume normand échappe pratiquement à la suzeraineté pontificale. C’est une monarchie absolue, féodale, bureaucratique. Les principaux titulaires sont, après Robert Guiscard († 1085), comte (1057), puis duc de Pouille, de Calabre et de Sicile (1059), son frère Roger Ier († 1101), comte de Sicile de 1062 à 1101, et le fils de ce dernier, Roger II († 1154), qui, duc de Pouille et de Calabre, devient le premier roi de Sicile en 1130 par la grâce de l’antipape Anaclet.

• La Sicile, grâce aux rois normands, puis aux Hohenstaufen, qui en héritent en 1194, grâce aussi aux apports étrangers (Français, Lombards) et au respect des lois de l’islām, devient le centre d’une civilisation composite et un grand foyer de navigation en Méditerranée.


L’âge d’or (xiie-xve s.)


La lutte du Sacerdoce et de l’Empire en Italie (1154-1250)

• L’élection à la dignité impériale de Frédéric de Hohenstaufen (Frédéric Ier* Barberousse) en 1152 relance la lutte entre la papauté et l’Empire. Car les Hohenstaufen* prétendent faire valoir leurs droits sur Rome et les États du pape et même unifier l’Italie aux dépens du royaume normand, allié indispensable de la papauté.

• Le pape Alexandre III* (1159-1181) est amené à soutenir contre l’empereur les villes de la haute Italie qui refusent de restituer à Frédéric les droits régaliens qu’elles ont usurpés. Ces villes constituent la Ligue lombarde (1167), qui réussit à vaincre (Legnano, 1176) Barberousse : celui-ci, par les accords de Venise (1177) et de Constance (1183), semble abandonner les droits régaliens, mais il continue à tirer parti des querelles locales.

• Le fils de Barberousse, Henri VI (1190-1197), époux de Constance de Sicile, met la main sur le Royaume normand (1194) ; mais sa mort prématurée ne laisse à son fils Frédéric II que le royaume de Sicile, sous la tutelle du pape désireux d’éviter l’encerclement de ses États par les Impériaux.

• Le règne de Frédéric II* (1220-1250) n’est qu’une longue lutte contre la papauté (v. sacerdoce et de l’empire [lutte du]), toute sa politique tendant à étendre son hégémonie sur l’Italie du Nord et du Centre. La guerre civile ravage la péninsule ; dans le Nord se reconstitue la Ligue lombarde, que l’empereur écrase à Cortenuova (1237).