Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

information (suite)

La seconde série de problèmes touche à la délimitation de la compétence du législateur en matière d’observation sociale. Dans quelle mesure le droit devra-t-il lui être réservé de préciser les objectifs de cette observation sociale ainsi que les conditions de sa mise en œuvre ? C’est incontestablement toute une branche nouvelle du droit public dont il faut envisager dès à présent la construction. Conformément aux exigences démocratiques, il faudra concilier par des dispositions diverses (législatives, administratives, judiciaires et technologiques) les nécessités ou les possibilités de l’observation sociale et les libertés individuelles.


Information et éducation

L’université, comme institution sociale, a eu longtemps le monopole de l’éducation. Aujourd’hui, cette transformation de l’homme par l’homme et de la société par elle-même est aussi le fait des nouvelles techniques de diffusion. Ainsi, ce qui semble caractériser les sociétés d’aujourd’hui de la façon la plus sournoise réside dans cette rivalité entre ce que l’on conviendra d’appeler l’école d’un côté et les entreprises de diffusion de l’autre. Cette rivalité peut-elle se résoudre dans ce partage des tâches qui leur conférerait respectivement les responsabilités de l’éducation et de l’information ? Quels peuvent être aujourd’hui les rôles respectifs de l’éducation et de l’information ?

L’éducation se fait à l’occasion d’un dialogue authentique et désintéressé, mais elle ne peut pas de façon subsidiaire ne pas s’attarder à titre d’exemple sur l’actualité. L’information doit avoir le souci prioritaire de toucher, de concerner ou d’intéresser le public et de trouver dans cet objectif une fois atteint la mesure exacte de son succès. Et l’actualité constitue sa matière. Mais elle doit tenir celle-ci pour le passage obligé d’autres ouvertures et se garder d’y épuiser toutes ses énergies. Derrière l’événement d’actualité, il y a un contexte dont le journaliste ne peut éluder l’approche. L’information et l’éducation ne se différencient pas tant par leurs instruments et leurs exigences déontologiques que par leurs rapports respectifs à l’actualité : l’information se sert de celle-ci comme d’un prétexte pour approfondir la connaissance qu’ont les hommes du monde dans lequel ils sont, cependant que l’éducation s’abstrait provisoirement de l’actualité pour en mieux comprendre et maîtriser ultérieurement les événements. En d’autres termes, l’information d’actualité éveille la curiosité pour des affaires dont l’éducation facilite la compréhension. En ce qui concerne la vie politique, l’une et l’autre font le même chemin, mais en des sens opposés : la première part de l’actualité pour s’élargir progressivement au contexte qui l’explique, cependant que la seconde part de ce contexte pour apprendre à saisir le présent et à en maîtriser les événements. Par leurs objectifs ultimes, l’information et l’éducation ne peuvent pas ne pas se rencontrer.

Leur contenu immédiat et patent les différencie : à l’inverse de l’éducation, dont la matière ne se laisse pas circonscrire, l’information se doit de « construire » une actualité, au sens où l’on dit de l’historien qu’il « reconstruit » le passé. L’information enfin doit correspondre aux objectifs ou aux intérêts spécifiques d’un public à un moment donné, tandis que l’éducation, en apprenant à agir, à penser ou à apprendre, permet au contraire de s’en évader pour les mieux dominer. C’est assez dire que l’information est inéluctablement « orientée » par les besoins d’un public et par ce qu’il tient pour essentiel ou intéressant dans son actualité. C’est dire aussi que l’éducation, dans un rapport pédagogique qui n’est pas asservi aux lois du marchandage, fournit les armes pour mieux riposter à une actualité envahissante et à une information par trop complaisante : elle offre un antidote à ce qui peut devenir un poison. Résignons-nous à maintenir les spécificités respectives de l’information et de l’éducation, puisqu’en définitive elles mesureront leurs qualités respectives l’une par rapport à l’autre.

Par sa nature « commerciale », l’information moderne est encline, à l’écart cependant de toute propagande gouvernementale, à une orientation démagogique qui ne peut être contrariée que par l’éducation. Leur qualité, à l’une et à l’autre, suppose qu’elles soient maintenues distinctes : on ne confond pas l’information politique et l’instruction civique. Celle-ci doit aider à comprendre celle-là, cependant que celle-là doit aiguiser l’intérêt pour celle-ci. Et elles opposent curieusement, chacune, des limites aux extravagances de l’autre. Il est vrai que le journaliste et le professeur devront présenter demain des qualités intellectuelles comparables, sinon semblables. Il n’est pas douteux qu’ils se serviront souvent des mêmes instruments. Mais il importe que l’acte d’informer soit rendu à une actualité qui intéresse un public « concerné » par elle, cependant que celui d’éduquer ne perde pas de vue la formation de l’esprit. Le pouvoir de l’un est « limité » par celui de l’autre, ou, si l’on préfère, il faut instaurer une espèce d’ajustement ou, mieux, d’équilibre, entre les deux pouvoirs, L’immunité contre toute « manipulation » ou contre toute propagande est à ce prix : il faut que, distinctes dans leurs vocations immédiates, l’information et l’éducation aillent à la rencontre l’une de l’autre, mais constituent des pouvoirs séparés et équilibrés.

F. B.

➙ Communications de masse / Culture de masse / Disque / Éducation / Enseignement / Presse / Radiodiffusion / Télévision.

 V. Packard, Hidden Persuaders (New York, 1957 ; trad. fr. la Persuasion clandestine, Calmann-Lévy, 1958). / F. Terrou, l’Information (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962 ; 3e éd., 1968). / R. Clausse, les Nouvelles, synthèses critiques (Institut de sociologie, Bruxelles, 1963). / W. Schramm, Mass Media and National Development (Stanford, Calif., 1965 ; trad. fr. l’Information et le développement national, Unesco, 1966). / A. A. Moles, Sociodynamique de la culture (Mouton, 1967). / M. Souchon, la Télévision des adolescents (Éd. ouvrières, 1969). / P. Albert et F. Terrou, Histoire de la presse (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1970). / J. Cazeneuve, les Pouvoirs de la télévision (Gallimard, 1970). / P. Schaeffer, Machines à communiquer (Éd. du Seuil, 1970). / F. Balle et J. G. Padioleau, Sociologie de l’information. Textes fondamentaux (Larousse, 1973).