Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Indiens (suite)

En fait, jusqu’au xviie s., c’est la région du Moyen-Est qui fut la plus favorisée avec son sol cultivable, tandis que les Hautes Plaines étaient le domaine de mal lotis, de bandes d’Apaches surtout. Il aura fallu l’apparition du cheval dans l’existence indienne pour que naquît la civilisation des Plaines proprement dite. Vers la fin du xviie s., des chevaux s’échappèrent (pense-t-on) des établissements espagnols du Sud-Ouest et de la Californie, et se répandirent dans la Prairie. Ils y proliférèrent et furent capturés par les Indiens, qui apprirent à les monter et devinrent ainsi des cavaliers quasi légendaires. La chasse du bison, auparavant effectuée à pied, s’organisa désormais à cheval. Mais un siècle à peine s’écoula que l’avance des Blancs détruisit cette civilisation en plein essor.

Ces Indiens pacifiques, qui faisaient la guerre non pour la guerre, mais pour la prouesse, furent de plus en plus acculés à des défenses désespérées, rarement organisées. Un Shawnee, Tecumseh, réussit bien un soulèvement contre les Américains en 1812, après avoir uni les Osages, les Chippewas (ou Ojibwas) et même les Creeks du Sud-Est, mais il mourut au combat, et sa coalition mourut avec lui. Les tribus, affaiblies par l’alcool, par les épidémies (comme celle de variole en 1837, qui décima les Mandans et les Hidatsas), par la famine due aux Blancs, qui s’étaient livrés à une chasse exterminatrice des bisons, furent peu à peu dispersés. Les Sioux et les Crows se virent laisser de maigres réserves sur leurs terres d’origine, mais beaucoup furent déportés et rassemblés dans l’Oklahoma. L’allotissement accentua la désintégration.

La « danse des esprits », venue de l’Ouest, devint chez les Sioux, en 1890, un ferment de révolte. Par le pouvoir de la danse, pensaient les Sioux, les bisons reviendraient, et les Indiens seraient assez forts pour chasser les Blancs. Ceux-ci écrasèrent le soulèvement naissant. C’est chez les tribus des Plaines qu’allait se propager le plus le peyotisme, consommation rituelle et collective du peyotl (Lophophora Williamsii), plante riche en alcaloïdes (en particulier hallucinogènes), relayant ou se mêlant le cas échéant au chamanisme antérieur.


La Californie, le Grand Bassin, les Plateaux

Ces trois grandes contrées de l’Amérique du Nord étaient peuplées de tribus qui ne connaissaient pratiquement pas l’agriculture ; elles se livraient, selon les ressources de leurs territoires respectifs, au ramassage, à la cueillette, à la chasse et à la pêche. Avec l’apparition du cheval, la civilisation des tribus les plus orientales se rapprocha de celle des Prairies. Cependant, leur dispersion fit que leur résistance, même farouche, demeura cantonnée.

La Californie du Sud connut avec l’occupation espagnole l’établissement de missions, où ceux des Indiens qu’on put contraindre à s’y rassembler se virent imposer une religion et des manières de vivre qui leur étaient étrangères.

Pour la Californie du Nord, le Grand Bassin, les Plateaux, ce fut la « ruée vers l’or » qui, en 1848, marqua l’expansion blanche. Plus que les autres, ces aventuriers de l’or ne concevaient de « bon Indien que mort ». Décimées par des combats inégaux, les tribus acceptèrent des réserves, qui devaient être réduites à plusieurs reprises. Lorsque les Nez-Perces se virent ainsi menacés de perdre leurs dernières terres, un groupe de la tribu opéra une retraite militaire, mais il fut rejoint en vue du Canada et expédié dans l’Oklahoma. Une poignée de Yahis, en Californie, choisit de se retirer au plus profond de la montagne, dans une longue clandestinité qui devait durer quelque quarante années. Jusqu’à ce qu’un jour le dernier survivant, à bout, se rende au monde des Blancs.


Le Nord-Ouest

Au nord de la Californie, entre les Rocheuses et le Pacifique, s’allonge une étroite bande de terre qui est un territoire privilégié de pêche et même de chasse (v. Colombie britannique).

Les techniques de conservation du produit de leur pêche, où ils étaient passés maîtres, donnaient aux habitants des loisirs et des ressources semblables à ceux dont pouvaient jouir des agriculteurs prospères. Les sociétés indiennes de cette région, dites « sociétés à potlatch », sont connues pour leurs somptueuses parades et leurs destructions rituelles de richesses ainsi que pour leur art, en particulier des mâts totémiques. (v. potlatch.) Sur cette terre, rare cependant, vivait une population dense, et la guerre était fréquente de tribu à tribu.

Lorsque des Blancs commencèrent à s’installer dans cette partie de l’Amérique, la riposte indienne fut parfois brutale. Ce fut le cas lors de l’installation des Russes au début du xixe s. sur le territoire des Tlingits, au sud de la presqu’île d’Alaska. Les Indiens menèrent alors des expéditions guerrières et détruisirent les établissements étrangers. Mais la véritable invasion des Blancs, l’invasion américaine, fut, dans cet extrême ouest du continent, très tardive et trop puissante lorsqu’elle se produisit pour rencontrer une résistance efficace.


Le Sud-Ouest

Le Sud-Ouest est une des régions les plus anciennement habitées de l’Amérique du Nord, et c’est aussi la région où les tribus gardent aujourd’hui le mieux leur personnalité. À l’époque où les Blancs y pénétrèrent, ils y rencontrèrent deux types de tribus indiennes : les unes de nomades, les autres de cultivateurs.

Les nomades étaient alors essentiellement de langues athabascan (ou athabasques), Apaches et Navahos. Entraînés dès l’enfance à tous les exercices guerriers, ils réussirent à échapper à la domination espagnole et à résister ensuite des années durant aux troupes américaines. Finalement battus, ils se virent attribuer des réserves à la fin du xixe s. De guerriers, ils devinrent éleveurs, parcourant avec leurs troupeaux de moutons, en un semi-nomadisme, la portion de territoire vaste, mais en majorité désertique qui leur était impartie. La découverte de pétrole sur leur terre — richesse dont ils n’ont pas été spoliés — leur a permis d’amorcer une lutte contre leur misère, qui devenait dramatique. Très aptes à utiliser les possibilités économiques de la vie moderne, ils y voient la condition de leur survie et combinent pour l’heure l’exploitation de celles-ci et le maintien de traditions tribales.