horloge (suite)
L’atome de césium, comme la molécule d’ammoniac, possède deux états d’énergies E1 et E2 voisines et très inférieures à celles de tous les autres états : l’état fondamental est subdivisé en deux états hyperfins. À la différence d’énergie E2 – E1 correspond la fréquence ν voisine de 9 192 MHz. D’après la statistique de Ludwig Boltzmann*, les atomes de césium qui sortent du réservoir se trouvent répartis, à un millième près, en nombres presque égaux entre ces deux états. Mais ceux-ci diffèrent non seulement par la valeur de l’énergie, mais aussi par leur moment magnétique, et cette différence permet de séparer les atomes. On fait passer le jet atomique dans l’entrefer d’un aimant de forme spéciale, qui crée un champ magnétique très inhomogène, c’est-à-dire dont la valeur varie énormément entre deux points voisins. Un tel champ soumet un moment magnét que atomique à une force qui tendant à le déplacer modifie sa trajectoire ; cette force, que l’on crée perpendiculaire à la direction du jet, dépend de la valeur du moment magnétique et agit en sens opposé sur les atomes appartenant respectivement aux états 1 et 2, qui décrivent des trajectoires paraboliques courbées en sens opposés. Aucun atome ne va en ligne droite.
Le champ magnétique inhomogène est, en fait, créé par deux aimants identiques, que le jet atomique traverse successivement. Entre ces deux aimants, les atomes sont soumis à l’onde hertzienne de fréquence ν, qui provoque des transitions de l’état 1 vers l’état 2 et réciproquement. Les atomes qui effectuent la transition au milieu de leur trajectoire sont déviés en sens opposés avant et après la transition. On peut faire en sorte que ces deux déviations opposées se compensent (pour une partie des atomes au moins, dont le vecteur vitesse initiale à la sortie du canal répond à certaines conditions), de telle manière que les atomes ayant effectué la transition aboutissent dans le détecteur placé sur l’axe du canal. On reçoit donc des atomes dans le détecteur à condition que l’onde hertzienne possède la fréquence exacte qui provoque la transition entre les deux niveaux.
Pour observer les transitions effectuées par les atomes, on peut encore utiliser la méthode de détection optique, développée initialement en France par Kastler* et Brossel et qui consiste à irradier les atomes avec une onde lumineuse appropriée. La lumière peut aussi être utilisée pour effectuer un pompage* optique, c’est-à-dire une modification de la répartition des atomes entre les états 1 et 2. Cela permet d’effectuer facilement l’observation sur les atomes d’une vapeur et d’éviter la technologie délicate exigée par les jets atomiques. On construit industriellement en France une horloge à pompage optique utilisant les atomes de rubidium. Les meilleures horloges atomiques actuelles ont une stabilité de fréquence voisine de 10–12, c’est-à-dire que leur fréquence est définie avec 12 chiffres exacts. Si leur stabilité à très long terme se confirme, elles varieront de moins d’une seconde après dix milles années de fonctionnement. La précision avec laquelle elles permettent de mesurer le temps est bien supérieure à la précision obtenue par les mesures astronomiques.
La recherche horlogère
La perfection des horloges est le domaine des laboratoires nationaux et privés : Laboratoire suisse de recherche horlogère (L. S. R. H.), Centre de recherches collectif de l’industrie horlogère française de Besançon (Cetehor), Institut für Uhrentechnik und fein Mechanik de Stuttgart, Institut horloger de Moscou. Aux États-Unis et au Japon, ce sont les grandes firmes horlogères privées qui possèdent leurs propres laboratoires de recherches. Pour équiper l’aviation supersonique et les stations de surveillance spatiale, la chronométrie moderne exige des systèmes horaires de très haute précision (horloges atomiques de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales, à Châtillon-sous-Bagneux). Une nouvelle unité de temps est née de ces nouvelles horloges. Depuis la XIIIe Conférence générale des poids et mesures (oct. 1967), la définition de la seconde n’est plus la 86 400e partie du jour solaire moyen, mais « la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de césium 133 ».
J. S. et B. C.
➙ Laser et Maser / Photon / Pompage.
E. von Bassermann-Jordan, Uhren (Berlin, 1914 ; trad. fr. Montres, horloges et pendules, P. U. F., 1964). / Alte Uhren und ihre Meister (Leipzig, 1926). / M. Herrero Garcia, El Reloj en la vida española (Madrid, 1955). / A. Chapuis et F. Robert-Charrue, Grands Artisans de la chronométrie (Éd. du Griffon, Neuchâtel, 1958). / E. Morpurgo, La Mostra degli orologi antichi a Winterthur (Rome, 1959). / H. Rieben, M. Urech et C. Iffland, l’Horlogerie et l’Europe (Univ. de Lausanne, 1960). / S. Fleet, Clocks (Londres, 1961). / Z. Yusuf, Al-Kindi’s Treatise on Watchmaking (Bagdad, 1962). / P. Touchet, R. Miot et J. Renaud, Mémento pratique d’horlogerie électrique et électronique (la Générale Horlogère, 1965). / S. A. Bedini et F. R. Maddison, Mechanical Universe (Philadelphie, 1966). / L. C. Balvay, Évolution de l’horlogerie, du cadran solaire à l’horloge atomique (Gauthier-Villars, 1968). / J. Cumer, R. Gouillou et J. Zakheim, Synchronisation de stations éloignées par simple survol (Office national d’études et de recherches aérospatiales, Châtillon, 1970).
Quelques grandes dates dans l’histoire de la chronométrie
iiie s. av. J.-C.Clepsydres à automates de Philon de Byzance.
ier s. apr. J.-C.Automates hydrauliques et pneumatiques de Héron d’Alexandrie.
1206Horloges à eau d’‘Abd al-‘Azīz al-Djazarī.
v. 1250Horloges à automates de Villard de Honnecourt.
1364Horloge à foliot et roue de rencontre par Giovanni Dondi (1318-1389).
1553Horloge planétaire modifiée par Oronce Fine (1494-1555).
1571-1574Horloge astronomique monumentale construite à Strasbourg par Isaac Habrecht (1544-1620) sous la direction de Konrad Dasypodius (v. 1530-1600).
1657Pendule battant la seconde, régulateur des horloges, par Christiaan Huygens* (1629-1695).
1675Balancier spirale ou « spiral » de Huygens.
1687Invention de la répétition dans les montres à sonneries par Edward Booth, dit Barlow (1636-1716).
1704Application de rubis et de pierres précieuses (jewels) pour perfectionner la rotation des pivots des roues d’engrenages par Nicolas Fatio de Duillier (1664-1753).
1710Horloge marquant les heures inégales selon la longueur du jour et de la nuit par Pierre Fardoil († 1789).
1715Échappement à ancre à repos de George Graham (1673-1751) ; machine à diviser et à tailler les roues par Pierre Fardoil.
1721Pendule compensé de George Graham, pour éliminer les effets thermiques sur le régulateur.
1725Échappement à cylindre de George Graham.
1726Pendule à gril bimétallique de John Harrison (1693-1776).
1730Échappement à chevilles d’Amant, horloger à Paris entre 1730 et 1749 ; horloge « garde-temps » (timekeeper) de John Harrison.
1752Échappement à détente de Pierre Le Roy (1717-1785).
1753Échappement à chevilles de Pierre Augustin Caron de Beaumarchais* et de Jean André Lepaute (1720 - 1787 ou 1789).
v. 1755Échappement libre à ancre de Thomas Mudge (1715-1794).
1759Échappement à repos, dit « à double virgule », de Beaumarchais.
1760Bilame de Harrison.
1765Horloge astronomique donnant l’heure de la marée dans 32 ports par Christopher Pinchbeck (1670-1735).
1766Chronomètre de marine de Pierre Le Roy.
1768Voyage d’essais des montres marines de Pierre Le Roy, du Havre à Saint-Pierre de Terre-Neuve, à Salé, à Cadix et à Brest.
1770Première montre à remontage automatique, dite « à secousses », par Abraham Louis Perrelet (1729-1826).
1775Compteur ou valet astronomique battant la demi-seconde et sonnant la seconde par Ferdinand Berthoud (1727-1807).
1780Création de la Perpétuelle, montre à masse oscillante à remontage automatique, par Abraham Louis Breguet (1747-1823).
1792Montre décimale de Robert Robin (1742-1809).
1793-1794Pendule astronomique décimale, à seconde, à remontoir et à sonnerie décimale, par Robin (avec sonnerie toutes les dix minutes centésimales).
1800Régulateur battant la demi-seconde, à cadran universel, par Antide Janvier (1751-1835).
1801Échappement à tourbillon par Abraham Louis Breguet.
1839Pendule de Brocot, dont la suspension du balancier est une lame d’acier remplaçant le traditionnel fil de soie.
1842Horloge astronomique de Strasbourg par Jean-Baptiste Schwilgué (1776-1856) et ses élèves : Albert Ungerer (1813-1879) et Auguste Théodore Ungerer (1822-1885).
1847Horloge marchant sur le courant électrique par Jean-Paul Garnier (1801-1869).
1868Montre à 20 francs, première montre à bon marché fiable, par Georges Frédéric Roskopf (1813-1889).
1880Horloge à remise à l’heure électrique d’Antoine Redier (1817-1892).
1884Horloge pneumatique, système Eugène Bourdon.
1925Horloge à diapason.
1929Asservissement d’un indicateur de temps à une fréquence de résonance de 100 000 Hz par Warren Alvin Marrison (né en 1896).
1931Montre automatique étanche de H. Wilsdorf.
1933Horloge à quartz oscillant.
1949-1951Horloge à ammoniac et horloge au césium de l’Américain Harold Lyons (né en 1913).
1955Horloge atomique des Britanniques Louis Essen (né en 1908) et J. V. L. Parry.
J. D.