Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hérodote (suite)

L’œuvre d’Hérodote

Les Histoires se divisent en neuf livres, auxquels les Alexandrins ont donné le nom des neuf Muses. Hérodote y expose la fondation, puis les progrès de la puissance perse (I-V), qui doit mater la révolte d’Ionie (VI). Le conflit de l’Orient et de la Grèce aboutit aux défaites de l’Empire perse (VI-IX).

• Livre premier, Clio. Histoire de Crésus, le premier roi de Lydie, et soumission de son royaume par Cyrus. L’enfance merveilleuse de ce dernier, qui devient maître de la Perse ; ses conquêtes, sa mort.

• Livre II, Euterpe. Description et histoire de l’Égypte.

• Livre III, Thalie. Expédition de Cambyse, fils de Cyrus, en Égypte. Sa fin. Épisode de Polycrate, tyran de Samos. Darios monte sur le trône de Perse ; il organise son empire.

• Livre IV, Melpomène. Expédition de Darios en Scythie (512) ; description de ce pays. Les conquêtes du Grand Roi en Égypte. Soumission de la Thrace par les Perses.

• Livre V, Terpsichore. Aristagoras de Milet soulève l’Ionie (499) afin de secouer le joug perse. Athènes entre dans la ligue Ionienne.

• Livre VI, Érato. Défaite de l’Ionie et soumission des lies et des villes de l’Hellespont. Malheureuse expédition de Mardonios contre la Grèce. Seconde expédition des Perses, qui sont vaincus à Marathon (490).

• Livre VII, Polymnie. Mort de Darios (486). Son fils Xerxès se prépare contre la Grèce, puis l’envahit. La résistance grecque ; les Thermopyles.

• Livre VIII, Uranie. Combat naval près d’Artémision. Salamine (480) : la puissance barbare est brisée. Retraite de Xerxès.

• Livre IX, Calliope. Platées (479) et Mycale ; prise de Sestos par les Athéniens.


Modernité d’Hérodote

Cette matière hétérogène, cette masse énorme d’observations accumulées pendant une existence exercent leur pleine séduction grâce à la transposition de l’art. Les mérites littéraires d’Hérodote ne sont pas minces. Il faut même réagir contre son charme enveloppant pour lire l’œuvre comme un ouvrage d’histoire, tant cet ensemble tour à tour romanesque, tragique ou merveilleux, parfois teinté d’humour, voire de gaillardise, pousse le lecteur à perdre son sens critique et à se contenter d’une vérité souvent approximative. Plus encore sommes-nous sensibles au fait que l’historien est constamment ouvert à la vie, qu’il y a chez lui un don de sympathie et de compréhension pour l’activité individuelle sous toutes ses formes. Dans ce « miroir promené le long de la route », son regard amusé, toujours curieux, jamais amer, s’attarde avec bienveillance sur les exploits et les déceptions des hommes. Le plaisir visible qu’il retire de la variété des choses, son enchantement presque juvénile devant le phénomène humain ont une force communicative. Ce livre d’un sage, qui sait être frivole, nous touche par sa généreuse vitalité.

A. M.-B.

➙ Grèce / Histoire.

 A. Hauvette, Hérodote, historien des guerres médiques (Hachette, 1894). / F. Focke, Herodot als Historiker (Stuttgart, 1927). / P.-E. Legrand, Introduction, notice préliminaire sur la vie et la personnalité d’Hérodote (Les Belles Lettres, 1932). / K. Wuest, Politisches Denken bei Herodot (Wurzbourg, 1935). / J. E. Powell, The History of Herodotus (Cambridge, 1939). / M. Untersteiner, La Lingua di Erodoto (Bari, 1949). / R. Crahay, la Littérature oraculaire chez Hérodote (Les Belles Lettres, 1956). / A. de Sélincourt, The World of Herodotus (Londres, 1962 ; trad. fr. l’Univers d’Hérodote, Gallimard, 1966). / H. R. Immerwahr, Form and Thought in Herodotus (Cleveland, 1966). / H. F. Bornitz, Herodot-Studien (Berlin, 1968). / J. Lacarrière, Hérodote et la découverte de la terre (Arthaud, 1968).

héros littéraire (le)

La critique littéraire définit le héros comme le personnage principal du récit ou du drame sans attacher à cette qualification aucune notion de courage ou de valeur morale.


L’usage du terme est généralement limité aux formes narratives (épopée, roman, nouvelle) et dramatiques, à l’exclusion du genre lyrique. L’individualisation du personnage doit être telle qu’elle établisse une interaction manifeste de l’intériorité du sujet et de la réalité extérieure, qu’elle équilibre les caractères immédiats, personnels, et le rapport avec une réalité sociale, historique et humaine. Une pièce lyrique peut présenter des traits étrangers à sa forme première : séquence temporelle, action, et substituer au mode d’expression subjectif une structure organique proche de celle du récit, dans un cadre limité. Elle peut aussi prendre l’aspect d’un dialogue dramatique. Dans ces cas, un héros est au centre de l’œuvre : Prufrock est le personnage principal de The Waste Land de T. S. Eliot*.

Fonction du genre littéraire et d’éléments socio-historiques, la conception du héros est aussi variable que la manière dont est établie la coïncidence du personnage avec l’essence de la réalité. Elle doit cependant satisfaire à quelques exigences simples : retenir l’attention et la sympathie du lecteur ou du spectateur par un lien émotionnel qui dépend de la construction esthétique de l’œuvre et qui ne rappelle pas nécessairement les conventions sociales et morales du moment ; présenter un personnage central nettement défini, autrement dit caractéristique : il doit recevoir un nom propre qui peut avoir une valeur descriptive, et certains traits psychologiques qui constituent une unité. Les moyens de cette caractérisation sont divers : correspondance étroite de l’acte et de l’intériorité du sujet, description directe par l’auteur ou le personnage lui-même. Les formes narratives et dramatiques obéissent au principe de la causalité ; le héros est un moyen d’assurer l’enchaînement des faits et des motifs de l’argument, et de personnifier les liens de cause à effet. La modification du caractère est inséparable du changement de la situation dramatique dans le récit. La notion d’anti-héros, chère au roman et à la critique contemporaine, ne contredit pas, quant au fond, ces éléments spécifiques de toute forme narrative et dramatique. Le rapport sujet-objet est déséquilibré (tantôt le héros semble s’absenter du récit — Alain Robbe-Grillet* —, tantôt il paraît faire vivre de sa psyché ce qui lui est extérieur — Nathalie Sarraute* —), mais le personnage principal subsiste auquel tout est rapporté, fût-il pur regard ou complète passivité.