Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hašek (Jaroslav)

Écrivain tchèque (Prague 1883 - Lipnice 1923).


Né à Prague de parents peu fortunés, orphelin à treize ans, adolescent instable et contestataire, Hašek ne termine pas ses études et s’adonne très tôt, après quelques stages éphémères dans des emplois médiocres, à la fréquentation des milieux anarchistes et bohèmes. À vingt ans, il a parcouru l’Autriche-Hongrie, écrit quelques nouvelles et eu de fréquents démêlés avec la police. Marié à vingt-sept ans, il se montre là aussi incapable de la moindre stabilité. Deux constantes, cependant, marqueront sa vie : son métier de feuilletoniste besogneux et sa haine de l’ordre établi, représenté par les capitalistes, les bourgeois, les fonctionnaires, les prêtres et surtout l’armée. Plusieurs centaines de nouvelles humoristiques constituent le bilan de son activité littéraire de 1900 à 1914 (le personnage de Švejk apparaît dans plusieurs d’entre elles dès 1911).

La guerre, la mobilisation dans l’infanterie (1915), la désertion au bout de quelques mois, le travail politique à Kiev au sein de la Légion tchécoslovaque, l’inscription au parti bolchevique (1918), la rentrée du révolutionnaire dans la République tchécoslovaque bourgeoise fondée par Masaryk (1920), voilà les grandes étapes au cours desquelles devait mûrir le livre qui immortalisera Švejk, sinon Hašek : Osudy dobrého vojáka Švejka za Svĕtové války (les Aventures du brave soldat Švejk durant la Grande Guerre) [t. I, 1921 ; t. II et III, 1922 ; t. IV, inachevé, 1923], d’abord Dobrý voják Švejk v zajeti (le Brave soldat Švejk en captivité, Kiev, 1917). Hašek mourut dans sa quarantième année, épuisé par la misère et le dérèglement de sa vie.

La caserne, cinq mois de campagne sur le front russe, la captivité, tel est l’itinéraire militaire de Hašek et de Švejk. L’autocratie oppressive de Vienne, sa bureaucratie tracassière et inefficace, la bourgeoisie tchèque inféodée au système et, en face d’elles, le petit peuple de Bohême, courbé mais non vaincu, obéissant mais roublard, tel est le monde de Švejk dans le « civil ». Plus qu’un drame, où l’on chercherait en vain l’unité d’action, le roman de Hašek est vraiment une suite d’aventures où sont impliqués malgré eux toutes sortes de personnages ridicules. Au centre, l’impayable figure de Švejk, le héros bouffon et bavard, le simulateur, témoin goguenard d’un gâchis qui voudrait passer pour une épopée grandiose.

L’impact national de cette farce antimilitariste demeure inexplicable pour qui ignore l’histoire des pays tchèques : trois cents ans de résistance passive à la domination germanique dans le peuple, soixante-dix ans d’idéologie slavophile chez les intellectuels, cinquante ans de participation du jeune capitalisme tchèque au système austro-hongrois, la tenue très discutée des unités tchèques pendant la guerre, l’attitude neutraliste des chefs de la Légion tchécoslovaque, prise, en Russie, entre les rouges et les blancs, le souci de respectabilité bourgeoise des fondateurs de la République tchécoslovaque, tous ces éléments, quoique non exprimés, sont présents à l’arrière-plan dans le livre de Hašek. Tous pesèrent dans l’accueil qui lui fut fait ; accueil négatif, en général, jusqu’en 1948. Ce livre très lu fut jugé scandaleux. Progressivement, Švejk devenait à l’étranger le stéréotype du peuple tchèque. Les Tchèques refusaient de se reconnaître dans ce héros vulgaire et sans vertu.

Le succès mondial de Švejk est dû aux qualités intrinsèques de l’ouvrage (truculence, franche drôlerie, démonstration réussie de la force recelée par l’inertie), mais l’ampleur de ce succès est largement imputable aussi au génie de E. Piscator, l’inventeur du « théâtre épique » (adaptation scénique de Švejk à Berlin en 1929), et, d’autre part, au soutien que Brecht, pour des raisons autant idéologiques qu’artistiques, ne cessa d’apporter à Švejk depuis 1928 (témoin son Schweyk im zweiten Weltkrieg [Švejk durant la Seconde Guerre mondiale], 1944). Ce sont ces mêmes raisons idéologiques qui permirent enfin aux Tchèques, après 1948, de reconnaître à leur héros mal aimé des qualités positives.

Traduit dans toutes les langues mondiales à partir de 1928, Švejk fut partout et très souvent adapté au théâtre (en particulier pour la première fois à Prague en 1935 et à Paris en 1968) et au cinéma.

Y. M.

 Z. Ančik, la Vie de Iaroslav Hašek (en tchèque, Prague, 1953). / L. Dobossy, Hašek (en hongrois, Budapest, 1963). / P. Peter, Hašeks Schwejk in Deutschland (Berlin, 1963). / J. F. N. Bradley, la Légion tchécoslovaque en Russie (Delmas, 1967).

hassidisme

Mouvement mystique juif né au milieu du xviiie s. en Pologne.



Généralités

L’initiateur de ce mouvement fut Israël Baal Chem Tov (le Maître du bon renom) [1699-1760] ; simple bedeau de synagogue, il sut comprendre les besoins spirituels de ses coreligionnaires, cruellement persécutés à cette époque. Très rapidement, le hassidisme se répandit dans de nombreuses communautés juives : les fidèles trouvaient dans son enseignement la réponse aux problèmes de la vie quotidienne.

Après la mort du Baal Chem en 1760, ses disciples développèrent et diffusèrent son enseignement, qui proclamait la certitude que « tout homme peut s’approcher de Dieu », se fondre en lui par une piété vécue intensément dans la prière et dans la joie.

Le mouvement rencontra de vives oppositions, notamment de la part d’un des rabbins les plus célèbres du xviiie s., le gaon Elie de Vilna (1720-1792). Néanmoins, les partisans du hassidisme répandirent leur enseignement avec un succès grandissant en Ukraine ; les petites maisons de prières se multiplièrent rapidement, accueillant des fidèles de plus en plus nombreux, gagnés par la ferveur simple et joyeuse qui leur était prêchée.

Cependant, dès 1815, le mouvement perdit son élan à la faveur de certaines rivalités entre rabbins hassidiques, appelés zadikim ; néanmoins, plusieurs d’entre eux, réputés pour faire des miracles, continuaient à attirer les foules, souvent venues de loin.