Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Amiens (suite)

Au ixe s., la ville est envahie et pillée à plusieurs reprises par les Normands, qui l’incendient encore en 925. Elle participe à partir du xe s. au renouveau de la vie urbaine. Sa bourgeoisie, enrichie par le commerce et l’artisanat, est assez puissante pour lutter contre l’autorité du comte d’Amiens, avec, il est vrai, l’appui du roi de France Louis VI. En 1117, la charte de la commune est proclamée. Dans le cadre de la politique générale d’extension du domaine royal, le comté d’Amiens est réuni à la couronne de France par Philippe Auguste en 1185. Par un traité conclu à Amiens en 1184, Philippe d’Alsace, qui était devenu, par son mariage avec Élisabeth de Vermandois, comte de Vermandois, de Valois et d’Amiens, avait dû renoncer à cette possession.

Le roi de France concède une charte qui, de manière générale, confirme la précédente. Point stratégique important pour la défense de la ligne de la Somme, la ville est entourée d’une nouvelle enceinte (commencée en 1193), qui marque son importante extension vers le nord, sur la rive droite de la Somme, et vers le sud. Deux activités assurent sa prospérité au xiiie s. : la fabrication des draps et le commerce de la guède. Proche du port de Saint-Valery-sur-Somme et des Flandres, Amiens est un centre actif d’échanges.

C’est à Amiens que Saint Louis rend son célèbre arbitrage entre Henri III d’Angleterre et ses barons révoltés, et casse les Provisions d’Oxford (« Mise d’Amiens », 23 janv. 1264). Après le désastre de Crécy (1346), la construction d’une autre enceinte est décidée pour englober les faubourgs qui s’étaient étendus autour de la partie méridionale de la ville. Durant la guerre de Cent Ans, Amiens connaît d’ailleurs des troubles graves. Partisans et adversaires de Charles le Mauvais s’y affrontent en 1358. Des tensions sociales conduisent en 1385 à une révision de la Constitution municipale, qui renforce les pouvoirs de l’aristocratie bourgeoise. La ville soutient les Bourguignons contre les Armagnacs et, en 1435, comme les autres villes de la Somme, elle est le prix de la réconciliation offert par le roi de France au duc de Bourgogne (traité d’Arras). En 1471, elle revient définitivement au royaume grâce à l’occupation de Louis XI.

Après l’abandon de l’Artois, en 1493, par Charles VIII au profit de Maximilien d’Autriche, Amiens demeurera jusqu’en 1659 une place frontière essentielle.

La ville n’adhère à la Ligue qu’en 1588, après l’assassinat du duc de Guise, dans un sursaut d’autonomie municipale. Ralliée à Henri IV en 1594, elle est, en 1597, occupée, non sans complicités, par les Espagnols et reprise la même année par le roi. En 1598, une citadelle est construite par Jean Érard.

Introduite à Amiens, à la fin du xve s., par des ouvriers arrageois que les représailles de Louis XI avaient chassés de leur cité, l’industrie de la draperie-sayetterie va devenir l’activité essentielle de la ville. Au xviie et au xviiie s., celle-ci est le premier centre textile du royaume (plus de 2 000 métiers battants au xviie s., plus de 5 000 au xviiie). Elle fabrique des étoffes légères de laine sèche non seulement pour le marché intérieur, mais aussi pour l’exportation.

Amiens accueille avec faveur la paix qui y est signée avec l’Angleterre le 25 mars 1802. L’École pratique de santé, fondée en 1804, est confirmée par décret impérial en 1806. La ville devient pour un temps ville universitaire, rôle qu’elle retrouvera de nos jours. Au xixe s., Amiens demeure fidèle à la fabrication des étoffes de laine, mais développe aussi d’autres industries, qui y sont apparues dans la seconde moitié du xviiie s. : filature et tissage du coton, velours de coton et velours d’ameublement.

En 1918, l’armée britannique installe dans Amiens son quartier général. Menacée par l’offensive allemande de Ludendorff (avr.-août 1918), la ville est sévèrement bombardée. Pendant la Seconde Guerre mondiale, après de violentes attaques aériennes, elle est occupée, le 20 mai 1940, par les troupes allemandes, que la ligne de la Somme ne peut arrêter. Le bombardement de mai 1944 la touche durement. La ville sera libérée le 1er septembre 1944.

C. E.


L’industrie

La fonction industrielle, très ancienne, est aujourd’hui en plein renouvellement. En 1939, le textile, représenté par de vieilles entreprises familiales de taille petite ou moyenne, demeurait la seule industrie notable. La Seconde Guerre mondiale, par ses destructions, a transformé cette situation, cause de stagnation. Le textile, toujours en tête, a perdu son exclusivité de jadis et n’occupe plus que 40 p. 100 environ de la main-d’œuvre industrielle ; beaucoup de firmes amiénoises ont fusionné avec des firmes du Nord (une même firme Agache-Willot a repris velours et jute), tout en s’orientant vers la confection plus que vers la filature et le tissage. Toutefois, aucune firme n’occupe encore 500 salariés, et petits ateliers ou usines s’éparpillent dans les faubourgs plus qu’au cœur même de la ville. Dès la fin de la guerre, lors de la reconstruction, un premier effort avait été fait pour relancer l’industrie à l’ouest de la ville, entre la Somme et la voie ferrée d’Abbeville, sur une « zone industrielle de compensation », mais le sol trop mou et le manque de place n’attiraient guère de nouvelles industries, alors que les anciennes, comme le textile, ne pouvaient réaliser les investissements nécessités par un transfert. Seules s’y installaient des constructions mécaniques, l’alimentation et des entrepôts.

Cependant, l’afflux des ruraux du plateau picard et le peu d’emplois nouveaux offerts par le textile exigeaient une relance industrielle. En liaison avec les tentatives de décentralisation parisienne, la chambre de commerce d’Amiens entreprit l’aménagement d’une seconde zone industrielle avec l’aide de la ville et du Fonds national d’aménagement du territoire. Cette zone, située sur le plateau au nord-ouest de la ville, disposait de larges espaces, d’un sous-sol crayeux et solide, de ressources en eau abondantes, de liaisons ferroviaires et routières. De 104 ha en 1954, sa superficie passa à 265 ha en 1965, et on projette de la porter à plus de 300 ha, car elle s’est largement garnie d’établissements industriels, pour la plupart d’origine non amiénoise.