Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grundtvig (Nikolai Frederik Severin) (suite)

Ses idées éducatives visent les adultes. L’éducation populaire doit former un esprit civique et national. Elle doit être fondée sur le verbe vivant, sur la liberté de toutes opinions, sur l’observation et sur l’expérience qui engendrent le jugement. Pour Grundtvig, l’homme ainsi placé devant la réalité de la vie — ses misères et ses richesses — s’éveillera et participera à la vie nationale et religieuse. Il ne nie pas la nécessité d’une formation universitaire, mais la formation populaire, elle, ne doit pas admettre le savoir pour le savoir, mais uniquement celui qui peut servir dans la vie. Ainsi, Grundtvig conteste l’enseignement des langues mortes, l’« école noire ». Les établissements scolaires doivent être ouverts à tous. Aucun examen, nul diplôme, aucune répétition de leçons apprises machinalement : l’acquisition du savoir, de la culture, sera obtenu par des conférences et entretiens, par des échanges de vues entre jeunes et vieux. Les idées de Grundtvig sur l’école libre n’ont jamais été pleinement réalisées, probablement parce qu’elles n’étaient pas conçues de façon pratique. Cependant, elles eurent un grand retentissement et influencèrent l’esprit de l’enseignement nordique.

S. C.

 H. Koch, Nicolas-Frédéric Grundtvig, barde et animateur du peuple danois (trad. du suédois, Labor, Genève, 1943). / E. Simon, Réveil national et culture populaire en Scandinavie (P. U. F., 1962). / F. Durand, Littérature danoise (Aubier, 1967).

Grünewald (Matthias)

Peintre allemand, de son vrai nom Mathis Gothar(d)t, surnommé Neithar(d)t ou Nithar(d)t (? v. 1470/1475 - Halle 1528).


Le nom de Grünewald traditionnellement donné à cet artiste se rencontre pour la première fois dans la Teutsche Academie (1675) du peintre et historien d’art Joachim von Sandrart.

Grünewald semble avoir longtemps travaillé à Aschaffenburg, en Bavière. Sa première œuvre connue, la Dérision du Christ (pinacothèque de Munich), datée de 1503, s’apparente encore au style gothique tardif maintenu dans les ateliers du Rhin central qu’il fréquenta probablement. Malgré certains points communs avec Hans Holbein* le Vieux, Grünewald s’affirme déjà pleinement par son réalisme pathétique, par une expression passionnée que soutient un colorisme très vif et assez dur. La Crucifixion du musée de Bâle (v. 1505) faisait probablement partie d’un retable aujourd’hui disparu. L’artiste accroît, par les détails sanglants des plaies du Christ, l’émotion tragique de la scène. La composition, d’une extrême densité, le coloris, à base de vert strié d’éclats de lumière froide et rehaussée de rouge vif, les personnages, saisis dans leurs mouvements de désespoir, expriment l’idée de la souffrance et de la mort.

En 1509, Grünewald est nommé peintre de la cour de l’archevêque de Mayence. La même année, il reçoit commande des quatre volets de Saint Laurent, Saint Cyriaque, Sainte Elisabeth et Sainte Lucie du « retable Heller », dont le panneau central avait été confié à Dürer. L’œuvre figurait en l’église des dominicains de Francfort-sur-le-Main. Grünewald paraît sensible aux grandes leçons de l’humanisme renaissant de Dürer* dans ces quatre panneaux peints en grisaille, conservés aujourd’hui aux musées de Francfort et de Donaueschingen.

Le chef-d’œuvre de Grünewald, son Polyptyque d’Issenheim, maître-autel de l’église conventuelle des antonites d’Issenheim, en Alsace, est conservé aujourd’hui au musée d’Unterlinden à Colmar*. Dès 1505, le sculpteur strasbourgeois Nikolaus Hagenauer avait livré un retable sculpté en bois polychrome, qui figure au centre du polyptyque ouvert. L’abbé Guido Guersi chargea Grünewald de tout l’ensemble peint, qui fut terminé vers 1515-16. Les volets du polyptyque ouvert (1re position) illustrent les deux grands thèmes de la vie de saint Antoine : la Tentation et la Visite à saint Paul, ermite dans le désert. Ouvert en 2e position, le polyptyque est consacré à la Vie du Christ ; fermé, à la Crucifixion. L’art de Grünewald se fait ici de plus en plus audacieux ; son réalisme foncier, poussé jusqu’au paroxysme de l’horreur dans la figure du Christ crucifié, jusqu’au monstrueux dans les figures diaboliques de la Tentation de saint Antoine, ne sera peut-être jamais surpassé. L’angoisse du surnaturel apparaît dans le halo de lumière d’un Christ ressuscitant dans la nuit étoilée. Le mystère sacré de l’incarnation du fils de l’homme, d’esprit encore gothique, procède ici d’une pure vision intérieure. La lumière très vive, l’espace profond et les paysages grandioses deviennent des arguments expressionnistes qui semblent préfigurer l’art baroque.

Cette évolution personnelle de Grünewald se retrouve dans les tableaux des dix dernières années de sa vie. La Vierge de Stuppach, près de Würzburg, et le volet de la Fondation de Sainte-Marie-Majeure, conservé à Fribourg-en-Brisgau, datent de 1519 environ. En 1520, le peintre assiste au couronnement de Charles Quint en tant que membre de la suite du cardinal Albert de Brandebourg, dont les traits sont fixés dans la figure de Saint Érasme conversant avec saint Maurice (pinacothèque de Munich). Grünewald déploie dans cette œuvre tout le raffinement d’un chromatisme fait d’ors, de gris très modulés et de rouges brillants. Une certaine élégance, un goût inattendu de la fantaisie, la minutie des détails illustrent la diversité de son génie. En 1526, Grünewald quitte la cour de Mayence, où sa charge lui est supprimée ; il se réfugie dans la ville libre de Francfort en 1527, puis se rend à Halle en 1528, année de sa mort. Ses dernières œuvres connues, le Portement de croix et la Crucifixion du musée de Karlsruhe, provenant du retable de Tauberbischofsheim, ainsi que la Déploration qui constitue la prédelle de ce retable (collégiale d’Aschaffenburg), marquent une accentuation du génie visionnaire de Grünewald ; de même, la petite Crucifixion de la National Gallery de Washington, avec la violence baroque de ses formes tourmentées.

De tous les peintres allemands de cette époque, Grünewald demeure le plus grand coloriste ; moins intellectuel que Dürer, il cherche davantage à émouvoir par sa vision mystique et passionnée.

P. H. P.