Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grèce d’Occident (suite)

Fondée par les Corinthiens un an après Naxos, c’était le meilleur port de la Sicile : une baie profonde protégée par l’île d’Ortygie, qui, ancien habitat sicule, resta pour la cité un centre fortifié d’autant plus facile à défendre qu’il s’y trouvait une source, l’Aréthuse. La cité s’étendit vite sur la terre ferme, Ortygie y fut reliée par une digue. Dès le viie et le vie s., la ville commençait de s’enrichir et d’étendre son influence ; au ve s., c’était une des plus grandes cités du monde grec, on se disputait son alliance.


Tarente.

Elle fut fondée vers la fin du viiie s. par les enfants que les femmes spartiates avaient conçus en l’absence de leurs maris partis pour la guerre de Messénie. Son port, le meilleur site de la péninsule, lui permit de prospérer malgré de multiples difficultés, des luttes contre les indigènes et contre ses voisins. Au ive s., après la prise de Crotone en 379 par Denys de Syracuse, elle étendit à son tour son hégémonie sur l’Italie du Sud.


Zancle

(plus tard Messine). Elle aurait été à l’origine fondée vers 734 par des pirates venus de Cumes juste au point où se rétrécissent les détroits. Son port magnifique était sa seule richesse ; aussi fut-elle tenue de trouver hors de son territoire des ressources agricoles. Les colons s’étendirent donc quelque peu vers l’ouest et, sur la côte nord, créèrent Mylai (Milazzo) en 716, dans un terroir assez fertile. Par ailleurs, la fondation (grâce au concours des Messéniens venus du Péloponnèse) d’une ville située de l’autre côté du détroit Rhegiôn leur permit de mieux contrôler le passage et d’assurer pour longtemps leur prospérité.

➙ Carthage / Étrusques / Grèce / Paestum / Rome / Sicile / Syracuse.

 P. Wuilleumier, Tarente, des origines à la conquête romaine (De Boccard, 1940 ; 2 vol.). / J. Bérard, la Colonisation grecque de l’Italie méridionale et de la Sicile dans l’Antiquité (De Boccard, 1941). / T. J. Dunbabin, The Western Greeks (Londres, 1948 ; nouv. éd., 1968). / G. Vallet, Rhegiôn et Zancle (De Boccard, 1958) ; Nous partons pour Naples et l’Italie du Sud (P. U. F., 1966). / J. Perret, Siris (De Boccard, 1961). / A. G. Woodhead, Greeks in the West (Londres, 1962). / J. Boardman, The Greek Overseas (Londres, 1964).

Greco (Dhomínikos Theotokópoulos, dit le)

Peintre espagnol d’origine grecque (près de Candie [auj. Iráklion], Crète, 1541 - Tolède 1614).


Célèbre, puis oublié, redécouvert et élevé par la critique au rang des plus grands peintres de tous les temps, le Greco appartient à la catégorie des génies exceptionnels, souvent objets de contradiction, dont on scrute avec passion la trajectoire afin d’en découvrir la signification profonde. Dans son cas, la réalité des choses est particulièrement complexe, et il demeure dans sa vie bien des points d’ombre, de même que son cheminement spirituel continue à poser bien des problèmes.

La période de formation, bien qu’éclairée par un certain nombre de découvertes récentes, demeure encore particulièrement énigmatique. Né dans une famille aisée, alors que la Crète appartenait encore à la sérénissime république de Venise, Dhomínikos Theotokópoulos — qui allait devenir plus simplement le Greco — noua avec Venise des contacts précoces, soit qu’il ait effectué très jeune un premier voyage à la cité des lagunes, soit qu’il ait connu la peinture vénitienne dans son île, à travers des gravures. Quoi qu’il en soit, en 1566, il est toujours — ou il est revenu — à Candie, mais il se trouve sûrement à Venise entre 1566 et 1570.

Ses premières œuvres, dont le nombre s’est considérablement — et peut-être indûment — accru ces derniers temps, illustrent bien le contact des deux mondes, le byzantin et le vénitien, où il s’est installé. Le byzantinisme est présent dans certaines pratiques transmises par la tradition, comme les préparations soignées et jamais entièrement recouvertes par des couleurs laquées, à l’éclat d’émail. Mais Venise a considérablement élargi les horizons de celui qui, sans elle, aurait pu n’être qu’un simple peintre d’icônes. Au témoignage du miniaturiste croate Giulio Clovio, il fréquenta l’atelier de Titien* et il devait en retenir une certaine conception du portrait et, surtout, une technique rompue, unie à une touche légère, caractéristique de la dernière époque du maître. Plus décisive encore, tout au moins dans l’immédiat, se révéla la connaissance du Tintoret*. Le Greco lui doit une nouvelle conception de l’espace, avec des perspectives d’escaliers et des enfilades de portiques ouvrant sur le ciel ; un groupement nettement occidental des personnages et la plénitude des formes — Guérison de l’aveugle, musées de Dresde et de Parme. Cependant, si le délicieux polyptyque de Modène, signé Domenikos, est bien de lui, son tempérament véritable commençait déjà à percer sous des vêtements d’emprunt.

En 1570, il arrive à Rome, où il fréquente le milieu cultivé du palais Farnèse. Il y rencontra Giulio Clovio, dont il fil un portrait d’une grande noblesse spirituelle, dans un décor à la Titien (musée de Capodimonte à Naples). Surtout, il eut la révélation de Michel-Ange* et, bien que le maître fût mort depuis plusieurs années, le choc fut profond. Il caressa le rêve d’atteindre à autant de grandeur, tout en faisant plus décent et plus chrétien que le décor de la Sixtine. Au bas du tableau de Minneapolis représentant le Christ chassant les marchands du Temple, il plaça le portrait de Michel-Ange, dont la solidité plastique le hantait, à côté de ceux de Titien et de Giulio Clovio, et d’un quatrième artiste qui pourrait être Raphaël*.

Mais, parallèlement à celle de Michel-Ange, s’exerça l’influence des maniéristes italiens. On peut trouver dans la mode artistique du moment l’origine des éléments les plus étranges de sa production ultérieure : l’allongement des silhouettes, la préciosité des gestes, une composition dynamique, une palette plus froide, contrastant avec l’explosion chromatique vénitienne, une lumière irréelle.