Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Graminacées ou Graminées (suite)

La famille des Graminacées est primordiale dans l’équilibre biologique du monde, puisqu’elle est pour beaucoup d’êtres terrestres le premier maillon de leur chaîne alimentaire, les animaux herbivores se nourrissant surtout de Graminacées ; d’autre part, elle sert d’une manière considérable dans l’alimentation humaine, non seulement sous forme de produits céréaliers, mais aussi comme produits légumiers et comme matière première entrant dans la fabrication de boissons (bière, rhum, divers alcools). De plus, elle joue un rôle premier dans le maintien du niveau humique de nombreuses terres de culture. Enfin, certaines espèces servent dans l’industrie, en particulier l’Alfa (hauts plateaux algériens) pour la pâte à papier, et même dans la construction locale (Bambou en Insulinde).

A. F., J. M. T. et F. T.

➙ Aliment / Céréales / Germination / Tropicales (cultures).

 C. E. Hubbard, Grasses (Harmondsworth, 1959). / M. Chadefaud et L. Emberger, Traité de botanique, t. II : les Végétaux vasculaires (Masson, 1960). / J. Barloy et J. Bouglé, Biologie et physiologie des graminées cultivées (Ensa, Rennes, 1965). / F. L. Milthorpe et J. D. Ivins (sous la dir. de), The Growth of Cereals and Grasses (Londres, 1965).

Gramsci (Antonio)

Homme politique et écrivain italien (Ales, Cagliari, 1891 - Rome 1937).


Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le renouveau de la culture italienne, dominée depuis le début du siècle par l’idéalisme crocien et opprimée par vingt ans de fascisme, est étroitement lié à la personnalité et à la pensée de Gramsci. L’influence intellectuelle de Gramsci s’est en effet exercée surtout autour des années 50 avec la publication posthume, à partir de 1947, de ses écrits composés en prison et restés pour la plupart sous forme de notes, d’ébauches et de plans de travail, auxquels s’ajoutent les articles publiés avant son emprisonnement et que de son vivant Gramsci refusa de rassembler en volume. La diffusion de ces ouvrages assura au marxisme une fonction de pointe dans le renouvellement de la réflexion italienne contemporaine.

Si une santé fragile et l’emprisonnement prolongé empêchèrent Gramsci de jouer un rôle politique de premier plan, son intervention n’en a pas moins été décisive dans l’élaboration d’une doctrine et d’une stratégie révolutionnaires originales au sein du parti communiste italien, dont il fut l’un des fondateurs en 1921. Après une enfance difficile en Sardaigne, il obtient en 1911 une bourse pour poursuivre des études de lettres (qu’il n’achèvera jamais) à l’université de Turin, où il adhère au mouvement des jeunesses socialistes et collabore à Avanti ! Aussitôt gagné à la cause de la révolution bolchevique, il fonde le 1er mai 1919 avec Angelo Tasca, Umberto Terracini et Palmiro Togliatti l’hebdomadaire L’Ordine nuovo (quotidien à partir du 1er janv. 1921), où il élabore sur le modèle des soviets un programme de « conseils d’usine ». En avril 1920, il approuve la grève générale de Turin, puis, en septembre, l’occupation des usines. Au congrès de Livourne (janv. 1921), il défend la conception d’un socialisme « par le bas » qui est à l’origine de la scission communiste : les fractions communistes de Turin et de Naples (celle-ci dirigée par Amadeo Bordiga) se constituent en section autonome de la IIIe Internationale. La tâche primordiale de la révolution selon Gramsci est de s’attaquer aux structures de l’État bourgeois. En ce sens, s’il s’inspire surtout de Lénine, c’est qu’il voit en lui moins un interprète de Marx que le créateur d’un nouveau modèle étatique. La classe ouvrière doit parvenir à se gouverner elle-même en dehors des syndicats. Dans ce but, la fonction du parti n’est plus seulement électorale et parlementaire, mais proprement révolutionnaire, à savoir : constituer dès à présent « un modèle de ce que sera demain l’État prolétarien ».

Après plusieurs missions à Moscou et à Vienne, Gramsci est député en 1924, puis secrétaire général du parti. Un des rares à prévoir la dictature fasciste, il s’inquiète également de l’évolution dictatoriale du stalinisme. Arrêté en novembre 1926, il est relégué, puis condamné en 1928 à vingt ans de prison par le « tribunal spécial pour la défense de l’État ». D’abord interné au pénitencier de Turi (Bari), il est transféré en 1933 pour raison de santé en clinique à Formia ; il est mis en liberté surveillée en 1935 dans une clinique romaine, où il meurt en 1937.

L’œuvre de Gramsci doit à son inachèvement même sa force d’incitation. Loin de se figer en un corpus dogmatique, la théorie politique qui la fonde se définit comme une exigence de recherche et d’expérimentation à travers les disciplines les plus diverses : de la philosophie à l’histoire, de la sociologie à l’ethnologie, de la critique littéraire à la linguistique et à la théorie politique proprement dite.

Ce que Gramsci emprunte au matérialisme historique, ce sont avant tout des concepts opératoires lui permettant de repenser et d’interpréter les principales articulations de l’évolution de la société italienne, de la Renaissance au fascisme, afin en dernière analyse de forger de nouveaux concepts susceptibles d’« organiser » plus spécifiquement la praxis intellectuelle italienne. La révolution doit engendrer une « nouvelle culture », non point fondée sur le « sens commun » reflétant l’aliénation des classes opprimées, mais étendant au plus grand nombre les vertus libératrices d’un savoir traditionnellement réservé à quelques privilégiés. La fonction du parti est d’expérimenter les modalités d’élaboration et de diffusion de cette nouvelle culture. Telles sont la responsabilité et la fonction essentielles de l’intellectuel au sein du parti, « creuset d’unification de la théorie et de la praxis ».

J.-M. G.

➙ Communisme / Marxisme.