Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Amérique (suite)

Mais la mutation décisive du navire ne doit pas faire oublier l’évolution, plus lente, des techniques de navigation, dont le rôle ne se révèle que partiellement à l’époque des grandes découvertes : l’aiguille aimantée, utilisée à la fin du xie s. dans le bassin de la Méditerranée, fait place à la véritable boussole, insérée à une rosé des vents, à la fin du xiiie s. Son usage s’accompagne de celui de portulans perfectionnés, où des « rumbs » indiquent quelles sont les orientations à suivre pour aller d’un point à un autre. Pour rétablir l’itinéraire entre deux bordées, des calculs trigonométriques simples sont fournis par les « tables de martelogio » à partir du xive s. L’astrolabe nautique, enfin, commence à être utilisé par Colomb, avec peu de succès cependant, puisque la carte du ciel aux basses latitudes était à peu près inconnue. La détermination de la latitude reste encore soumise, pour une large mesure, à l’estime, dans laquelle excellera un grand navigateur comme Colomb. La mesure précise de la longitude devra attendre le perfectionnement des chronomètres, auquel on parvient seulement à la fin du xviiie s.


Christophe Colomb

Tourné vers la conquête de la route « normale » des Indes par l’est, le Portugal laisse échapper l’occasion de la découverte d’un monde nouveau. Disponible après la prise de Grenade, l’Espagne allait, en moins de cinquante années, se tailler un immense empire.

Après les îles du premier et du deuxième voyage, Colomb* s’en va très loin vers le sud en 1498 et parcourt les alentours de l’embouchure de l’Orénoque. Mais, avant même son retour ignominieux en Espagne (nov. 1500), d’autres voyages sont entrepris avec la découverte pour prétexte, mais impulsés en fait par des trocs avantageux, comme celui de Pedro Alonso Niño, à la recherche des perles dans la région de Coro. À partir de Saint-Domingue, les expéditions se multiplient. Le quatrième voyage de Colomb (1502-1504) est marqué par la reconnaissance d’une grande longueur de côtes (du Honduras actuel au golfe de Darién) : le grand navigateur achève alors à peu près de tracer les contours de la « Méditerranée américaine », mais sans avoir une claire conscience de ce que représente le Nouveau Monde.


Premières mainmises sur le continent

Dans les premières années du xve s., les successeurs de Colomb, essentiellement Alonso de Hojeda, Juan de la Cosa et Cristóbal Guerra, ceux des « viajes minores », s’installent sur le continent dans deux secteurs : celui de l’île de Margarita et du golfe de Paria ; celui du fond du golfe de Darién et de l’embouchure du Magdalena. En même temps, la configuration de l’archipel antillais se précise. Mais le siècle a commencé avec un exploit d’une autre ampleur, beaucoup plus au sud, qui permet aux Portugais de jouer leur partie dans la découverte du Nouveau Monde : dès que la réussite de Vasco de Gama est connue, une nouvelle expédition se prépare, sous le commandement de Pedro Álvares Cabral. Un immense détour est entrepris avec hardiesse vers le sud-ouest, pour bénéficier de l’alizé. C’est ainsi que, en route pour les Indes d’Asie, Cabrai commence par toucher la côte du futur Brésil le 22 avril 1500, et en prend possession au nom de Manuel Ier.

Au nord, la première « redécouverte » du Vinland (1497) est due à Jean Cabot, Génois au service des armateurs de Bristol, qui recherchaient une voie plus courte que celle de Colomb pour gagner l’Orient par l’ouest. Mais il n’existe pas de document sur ce voyage, et le point atteint reste hypothétique : le Labrador, Terre-Neuve, l’île du Cap-Breton... ?


Le temps des grands conquistadores

Un deuxième stade de la découverte commence avec la conquête de l’intérieur de la Terre-Ferme. La base en sera Cuba. La recherche de riches placers conduit une troupe commandée par Vasco Núñez de Balboa à franchir l’isthme de Panamá : les Espagnols contemplent pour la première fois la rive orientale du Pacifique le 25 septembre 1513.

Dès lors, l’« explosion » de la conquête se produit : de 1502 à 1515, les Espagnols ont imposé leur domination sur des territoires couvrant 250 000 km2 ; de 1520 à 1540, ils s’emparent de 2 millions de kilomètres carrés, couvrant l’un des grands noyaux de population dense de la terre.

En 1517, une expédition conduite par Francisco Fernández de Córdoba reconnaît les côtes nord-ouest du Yucatán et permet de pressentir, dans ces pays fréquentés par les Mayas, que le continent abrite des peuples riches, à la civilisation complexe. En 1518, Juan de Grijalva s’enfonce plus à l’ouest, sur le littoral de la baie de Campeche. En 1519, enfin, l’expédition d’Alonso Álvarez Pineda se heurte, au nord, à la solide résistance des Huaxtèques.


Cortés et les Aztèques

Pour la conquête proprement dite, Cortés* doit s’imposer afin de diriger les opérations. Et c’est après avoir rompu avec le gouverneur de Cuba, Diego Velázquez, qu’il entreprend, le 18 février 1519, sa grande expédition. Après l’arrivée dans la capitale aztèque (8 nov.), il envoie aussitôt de petites colonnes dans diverses directions pour reconnaître les richesses et les limites de la confédération sur laquelle il a mis la main avec des moyens étonnamment limités. Après les événements de 1520, la « Noche triste » et la reconquête de Tenochtitlán (20 mai-13 août 1521), il domine définitivement des terres s’étendant sur 300 000 km2 environ et il entreprend d’obtenir l’allégeance des souverains qui dominent les régions situées de part et d’autre des pays aztèques. Au nord, il se charge lui-même de placer sous le joug les redoutables Huaxtèques, tandis qu’au sud, à partir de 1522, Pedro de Alvarado soumet les Mixtèques, puis traverse l’isthme de Tehuantepec. En 1525, Cortés lance une grande expédition vers l’est, à travers les régions qui forment aujourd’hui le Guatemala et le Honduras. Mais la conquête du pays maya sera longue et ne s’achèvera qu’en 1544.

Vers 1530, la conquête a imposé la présence espagnole sur l’essentiel des hautes terres de l’Amérique centrale, fortement peuplées et de civilisation évoluée.