Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Giambologna (suite)

L’influence de Giambologna persista également grâce aux qualités de ses disciples. On a déjà vu le rôle de Pietro Tacca (1577-1640), qui hérita de son atelier. Pour l’achèvement de la statue équestre d’Henri IV (Paris, terre-plein du Pont-Neuf, détruite en 1792), il se fit aider par Pierre Francheville (ou Franqueville, ou Francqueville, 1548-1615), qui exécuta, en collaboration avec Franceseo Bordoni, les quatre magnifiques figures des Esclaves du soubassement (Louvre). Francheville, né à Cambrai, avait derrière lui une assez longue carrière, principalement consacrée à la sculpture de plein air (Saisons du pont Santa Trinita à Florence) et fut appelé par Henri IV en France (statue pédestre d’Henri IV, château de Pau). Le plus important des disciples de Giambologna fut cependant Adrien de Vries (v. 1546 ou 1560-1626), qui travailla avec lui à Gênes et contribua à diffuser son style en Europe septentrionale.

J. R. G.

 A. Desjardins, la Vie et l’œuvre de Jean Bologne (Quantin, 1883). / E. Dhanens, Jean Boulogne, Bydrage tot de studie van de Kunstbetrekkingen tussen het Graafshap Vlaanderen en Italie (Bruxelles, 1956). / R. de Francqueville, Pierre de Francqueville, sculpteur des Médicis et du roi Henri IV (Picard, 1968).

Gibraltar

Territoire britannique, à l’extrémité méridionale de la péninsule Ibérique.



Le site

Situé par 36° 7′ de lat. N. et 5° 21′ de long. O., à l’entrée orientale du détroit du même nom ouvrant la Méditerranée sur l’Atlantique, le rocher de Gibraltar occupe une position stratégique remarquable. Conquis en 1704 par l’Angleterre, il est devenu l’un des symboles de la puissance britannique.

Le site offrait d’excellentes conditions à l’installation d’une base navale. Le rocher est une véritable forteresse naturelle. Long de 4,5 km et large au maximum de 1,2 km, c’est un bloc calcaire dissymétrique. À l’est, un abrupt escarpé se dresse presque d’un seul élan jusqu’à 423 m ; à l’ouest, la pente, conforme au pendage des couches, est plus faible et bordée d’une banquette d’érosion le long de la mer, sur laquelle s’est établie la ville. De ce côté, la baie d’Algésiras abaisse ses fonds à plus de 100 m très près du littoral, permettant un accès aisé à des navires de fort tirant d’eau. Une digue au nord et un môle au sud enferment un vaste plan d’eau bien abrité de la houle.

Cependant, le site ne présentait pas que des avantages. Pour construire un aérodrome, par exemple, il a fallu déborder en zone neutre sur l’isthme sableux, partiellement marécageux à l’état naturel, qui relie le rocher à la terre ferme. Il a même été nécessaire de prolonger la piste en mer, au prix d’importants travaux, pour lui donner une longueur suffisante. Plus grave encore, on ne trouve pas d’eau sur le rocher ; on utilise de l’eau de mer distillée ; pour la boisson, on a dû creuser sur le versant oriental de vastes réservoirs dans lesquels on recueille les eaux de pluie (de 800 à 1 200 mm selon les années), relativement abondantes pour un climat méditerranéen (18 °C de moyenne thermique annuelle et plus de 2 800 heures de soleil par an). La place, enfin, manque pour loger tous ceux qui, au nombre de 62 000 environ, trouvent à s’employer sur le « rocher ». On ne compte, en effet, que 26 000 résidents, dont 20 000 sont des « Gibraltariens », c’est-à-dire nés de père et de mère gibraltariens, les naturalisations étant interdites. Les étrangers, en dehors de ceux dont la présence est jugée indispensable en permanence, des spécialistes principalement, doivent vivre à l’extérieur du rocher.

On comprend, de ce fait, que des liens étroits se soient établis entre le rocher de Gibraltar et le « Campo de Gibraltar », les Espagnols désignant ainsi la région qui entoure la baie d’Algésiras. Chaque jour, en 1964, on recensait au poste frontière 9 794 Espagnols allant travailler sur le rocher. En outre, de nombreux Gibraltariens, se trouvant trop à l’étroit, se sont fait construire des résidences dans le Campo et ne viennent sur le rocher que pour traiter leurs affaires. Enfin, d’importants capitaux gibraltariens ont été investis en Espagne, notamment dans des hôtels à Algésiras, à Marbella et à Torremolinos, dans des lignes d’autobus, des agences de voyage...

Depuis quelques années, la situation a beaucoup évolué. D’une part, la base militaire a perdu de son intérêt stratégique : non seulement la Grande-Bretagne a dû se retirer de l’Inde, dont Gibraltar surveillait la route, mais le trafic à travers le détroit a beaucoup diminué depuis la fermeture du canal de Suez. Quand bien même le canal serait rouvert à la circulation, le gabarit croissant des navires de commerce, particulièrement des pétroliers, favorisera la route du Cap au détriment de la Méditerranée. L’aérodrome, enfin, ne peut accueillir les avions modernes, sa piste étant trop courte ; qui plus est, l’Espagne en gêne l’accès en interdisant le survol de son territoire.

C’est que l’Espagne, d’autre part, a demandé la restitution de Gibraltar, accusant en effet les Gibraltariens de se livrer à la contrebande et les Anglais de pratiquer une politique coloniale en employant à bas prix la main-d’œuvre espagnole sans lui accorder d’avantages sociaux. Après avoir porté la question devant l’O. N. U., le gouvernement espagnol a décidé, en 1965, de restreindre la circulation par le poste frontière, puis d’expulser de son territoire les travailleurs portugais recrutés par Gibraltar ainsi que les Gibraltariens non résidents. Puis il a retiré ses travailleurs, dont près de 5 000 ont été réduits au chômage.

Gibraltar s’est alors trouvé plus isolé que jamais. Coupé de l’Espagne, n’ayant aucune agriculture et fort peu d’industries, privé d’une partie des touristes qui faisaient vivre son commerce, il a dû se tourner vers le Maroc pour y trouver l’essentiel de son ravitaillement en vivres et la main-d’œuvre non qualifiée dont il a besoin.

R. L.


L’histoire

Dès l’Antiquité, le mythe transfigure le site de Gibraltar et l’entoure d’une aura légendaire. Il aurait en effet pour origine un des douze travaux d’Hercule ; le héros ayant écarté les deux continents, le rocher de Gibraltar forma avec celui de Ceuta les deux Colonnes d’Hercule. Le détroit, à cette époque, sépare le monde connu (la Méditerranée) d’un inconnu terrible et fascinant, la mer océane. C’est le navigateur marseillais Pythéas qui, le premier, au ive s. av. J.-C., franchit la passe pour aller explorer les îles et les côtes de l’Atlantique.