Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gautier (Théophile)

Écrivain français (Tarbes 1811 - Neuilly-sur-Seine 1872).


On lit dans le dernier article dicté par l’écrivain cette remarque désabusée : « Nos poésies, nos livres, nos articles, nos voyages seront oubliés ; mais l’on se souviendra de notre gilet rouge. » Les craintes de Gautier sur la destinée de son œuvre sont-elles justifiées ? Il est sûr que ce fameux gilet flamboyant arboré lors de la première d’Hernani (1830) est le responsable de bien des malentendus : prisonnier de sa légende, Gautier fait figure de défenseur impénitent des poètes romantiques. Ou bien encore, on l’enferme, scolairement, dans la sèche formule de « l’art pour l’art », et il encourt le discrédit de la doctrine qu’il a prônée.

Sans doute, Gautier, pour avoir fréquenté dans sa jeunesse les ateliers des peintres, garda-t-il toujours un goût persévérant pour la vie de bohème et ses audaces tapageuses. Mais n’oublions pas que dès 1834, soit quatre ans après son premier recueil de Poésies, il s’installe impasse du Doyenné pour former avec Nerval, quelques jeunes poètes et artistes, un groupe qui proclame sa méfiance pour les rêveries sentimentales et prophétiques de la muse romantique. Singulière sagesse de la part d’un jeune homme qui, l’année suivante, dans la préface de Mademoiselle de Maupin, va livrer ses mots d’ordre : respect de l’art, culte de la beauté, amour du métier, puisque, comme il le dit : « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid. » Désormais, les outrances romantiques sont bannies ; seule compte la beauté, ce beau souci de Gautier, qui, après un de ses meilleurs livres en prose, Tra los montes (1843, publié ensuite sous le titre le Voyage en Espagne), et les vers d’España (1845), trouve la facture ciselée d’Émaux et Camées (1852). À cette date, le Parnasse le reconnaît pour son maître, et, peu après, Baudelaire* lui dédiera les Fleurs du mal comme au « maître impeccable » des lettres françaises. Ce sont aussi des romans, toujours célèbres (le Roman de la momie, 1858 ; le Capitaine Fracasse, 1863) et où il se révèle meilleur qu’il ne l’a cru ; ce sont d’innombrables chroniques d’art et de littérature dans les journaux, obligé qu’il est pour vivre de « tourner la meule du feuilleton ».

« Les deux Muses de Gautier sont la Volupté et la Mort », écrit encore Baudelaire. Pour échapper à ces deux fantômes qui l’obsèdent et qui l’écrasent, le poète se tourne désespérément vers un rêve de beauté. L’art pour l’art est pour lui un effort de tous les instants pour donner un sens à sa vie ; cette recherche inquiète du parfait trahit le désir de rendre éternel ce qui n’est qu’éphémère et provisoire. À ses yeux, l’art est la seule source de salut dans la morosité des jours. Mais, en fin de compte, Gautier est-il vraiment parvenu à rendre sa quête du beau capable de nous toucher encore ?

J. R.

 C. de Spoelberch de Lovenjoul, Histoire des œuvres de Théophile Gautier (Charpentier, 1887 ; 2 vol.). / R. Jasinski, les Années romantiques de Théophile Gautier (Vuibert, 1929). / L. Larguier, Théophile Gautier (Tallandier, 1948). / G. Matoré, le Vocabulaire de la prose littéraire de 1833 à 1845. Théophile Gautier et ses premières œuvres de prose (Droz, Genève, 1951). / J. Tild, Théophile Gautier et ses amis (A. Michel, 1951). / E. Binney, les Ballets de Théophile Gautier (Nizet, 1966). / B. Delvaille, Théophile Gautier (Seghers, 1969).

Repères biographiques

1811

Naissance à Tarbes de Théophile Gautier (30 août). Son père était employé à la direction des contributions directes.

1814

Gautier et ses parents s’installent à Paris, quartier du Marais.

1819

Il est interne au lycée Louis-le-Grand, puis externe au lycée Charlemagne, où il se lie avec Gérard de Nerval. Pendant sa rhétorique, il fréquente l’atelier du peintre L. E. Rioult.

1830

Première d’Hernani (25 févr.).

1834

Gautier s’installe impasse du Doyenné, où il forme un nouveau cénacle avec Nerval, Pétrus Borel, Corot, Chassériau, etc.

1836

Il devient critique dramatique du journal la Presse.

1840

Voyage en Espagne.

1850

Voyage en Italie.

1853

Voyage en Orient.

1855

Il entre au Moniteur.

1856-1859

Il dirige la revue l’Artiste.

1857

Il habite à Neuilly et a l’amitié de la princesse Mathilde.

1858

Voyage en Russie.

1870

Son dernier article paraît au Journal officiel (12 déc.).

1872

Mort à Neuilly de Théophile Gautier (23 oct.).

Gay-Lussac (Louis Joseph)

Physicien et chimiste français (Saint-Léonard-de-Noblat, Haute-vienne, 1778 - Paris 1850).



Les débuts

Son père, Antoine Gay, exerçait la charge de procureur du roi à Saint-Léonard. Comme il était propriétaire dans le village de Lussac, il ajoutait ordinairement, suivant l’usage du pays, le nom de ce village à son propre nom, pour se distinguer des autres Gay, nombreux dans la région. Ce magistrat était le père de cinq enfants ; l’aîné, Louis Joseph, allait rapidement illustrer son nom.

La Révolution éclate comme celui-ci sort de l’enfance. Son père, suspect, est emprisonné, et sa famille préfère le garder auprès d’elle durant les années où il aurait dû recevoir une éducation classique. Ce n’est qu’à l’âge de seize ans qu’on l’envoie dans diverses institutions de Paris ou de banlieue, mais il s’instruit si rapidement qu’il entre, en 1797, à l’École polytechnique.

Il en sort ingénieur des Ponts et Chaussées. Mais Berthollet*, qui a été son professeur, l’a remarqué et le choisit comme préparateur à son laboratoire de chimie, puis le fait nommer répétiteur d’A. F. Fourcroy à l’École polytechnique. En 1809, il reçoit, à cette même école, une chaire de chimie pratique, qu’il va conserver pendant trente ans ; il est également nommé professeur de physique à la Sorbonne. L’année précédente, il avait épousé une modeste employée de lingerie, Joséphine Rojot (1785-1876), parce qu’il l’avait vue lisant un ouvrage de chimie ; de cette union, qui sera particulièrement heureuse, naîtront cinq enfants.

Le premier travail important de Gay-Lussac : Sur la dilatation des gaz et vapeurs, parrainé par Berthollet et Laplace, date de 1802 ; il lui fait découvrir que cette dilatation, indépendante de la nature du gaz, est proportionnelle à l’élévation de température, et le rend célèbre à vingt-quatre ans.